« Destination : qualité » (Nevraska, Shizune – La machine utile, 1er mai)

Machine utile art

Moi je dis : concert punk, photo punk.

Première fois pour moi dans ce lieu de la culture underground annecienne. L’accueil est bien sympa, par des sculptures post-industrielles d’abord, puis par des humains ensuite.

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Nevraska pied au plancher

La salle n’est pas très grande mais il y a une petite foule humaine bien dense qui s’y serre lorsque Nevraska commence son set. Petite intro lancinante qui fait chauffer les lampes de l’ampli puis le duo basse / batterie lance le moteur et on ne ralentira pas trop par la suite. Nevraska, ça file droit, ça négocie les virages serré et sans temps mort. Faut suivre. Faut rester concentré. Pas trop se laisser attendrir par le paysage parce qu’on risquerait d’avoir de mauvaises surprises. Le duo, c’est une formule light qui peut paraître austère, mais il y a comme une évidence dans la musique de ce groupe,. Peut-être ces mélodies qui parcourent les morceaux, peut-être le dialogue basse/batterie qui fonctionne particulièrement bien. Je ne sais pas…

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Shizune

« And now for something completely different… » Le punk-rock a plein de visages différents et c’est ça qui est bien. Shizune est un groupe d’emocore qui vient d’Italie. Leur émo est classique – c’est-à-dire que c’est un savant (hmm…) mélange de mélodies et de chaos, d’alternances de passages hurlés ultra-intenses et d’autres posés, presque méditatifs. On peut aimer ou mépriser cette musique – surtout quand on la connait à travers des caricatures ou des versions affadies  – , mais pour moi elle exprime / a exprimé quelque chose qu’aucune autre musique n’exprime. L’émo, c’est le punk sans l’idéologie, la révolution sans la violence, la radicalité ET la sensibilité. Bref, bref, j’ai trouvé que les italiens le faisaient bien, ils ont balancé leur sauce sans trop en faire non plus (comme je disais plus haut, avec l’émo, on tombe assez facilement dans le cliché).

Shizune

Les petites discussions post-concert ont confirmé cette impression : des gens ouverts, abordables et passionnés.

Comme tout le monde rencontré ce soir-là, d’ailleurs !

PS Le titre de cette chronique est emprunté à Pneu. Chouette groupe, Pneu, non?

« Bonheurs bruyants » (Hyperculte + Francky goes to Point-à-Pitre – Usine, 28 avril)

Lorsque je passe la douane cette nuit-là, le panneau lumineux se détache sur le ciel de traîne, pourpre, délavé, et semble crier « Change! Change! », comme pour ingurgiter toujours plus goulûment les devises du visiteur. Au même moment, dans l’autoradio du kangoo, Fugazi me crie « IF YOU DON’T LIKE WHAT YOU SEE, THE WORD IS…

… CHANGE »*

Ouais, bon…

Venons-en au concert de ce soir, placé, disons, sous le signe d’une certaine approche du groove tropical.

Hyperculte

Hyperculte est un duo batterie / contrebasse qui fait une drôle d’impression. Tandis que la batterie envoie le beat simple, linéaire et groovant (ben, ça m’a fait un peu penser à de l’électro), la contrebasse se charge de brouiller les cartes, avec des mélodies sur le fil ou en empilant des séquences plus bruitistes. Ca donne quelque chose d’à la fois dansant et inconfortable. J’avoue que j’ai apprécié quand les voix venaient donner un peu de corps à cette musique.

Ensuite est venu Francky goes to Point-à-Pitre, qui a vraiment des palmiers gonflables, des chemises et des colliers de fleurs hawaiiens, c’est pas juste de la pub. Certains disent qu’il y a du math-rock là-dedans. Peut-être, et c’est vrai que ces guitaristes sont de vrais héros mais moi, j’ai trouvé que c’était speedé, noisifié, mais qu’au final ça zoukait quand même ferme. Moussaillons.

Francky

PS Et pourquoi je m’embête à écrire des trucs, puisque vous pouvez apprécier le concert directement dans votre canapé ? Non, mais ne vous faîtes pas d’illusions, ça n’a rien à voir avec se prendre le son directement dans les oreilles au concert, hé hé.

* Fugazi, Demo (Dischord records, 2014). Chouette disque, non?

« Virée virons vrillés » (Daîkiri, Les Spritz – Cave12, 11 avril)

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Du noise pour rigoler. Du noise pour délirer et rentrer en transe… Ce concert a eu la très bonne idée de commencer pile au moment où nous sommes arrivés, c’est-à-dire bien en retard. Il proposait deux duos bien décalés : Daïkiri, basse/batterie de Metz et Les Spritz, guitare / batterie siciliens.

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Daîkiri ouvre le bal. Le groupe joue sur le sol, ce sont les amplis qui sont empilés sur la scène, comme un mur derrière le groupe. La basse a carrément un chouette son : beau grain bien baveux et en même temps on distingue parfaitement les notes aigues.

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Daîkiri opère dans le mode survolté – un peu genre 33 tours passé à la vitesse supérieure (et c’est également le cas pour la voix – à croire que c’est vraiment leur but de faire cette impression…) Les morceaux sont souvent bâtis sur le même principe : on fait tourbillonner un riff jusqu’à lui faire prendre sa force d’impact maximale et BAM! on balance le riff suivant. Ca donne à chaque fois comme un sentiment d’accélération, on a un peu l’impression d’être dans une centrifugeuse. La voix aigue du chanteur rajoute au côté totalement décalé. Plus le concert avance, plus le groupe devient fou. Bref, vous l’avez compris, c’était magnifique.

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Les Spritz travaillent un peu la même veine, avec le côté épileptique un peu moins marqué. La guitare a un je-ne-sais-quoi de post punk et les riffs ont quelque chose de classique (j’avais jamais écouté avant donc c’est vraiment l’impression sur le moment). Mais le principe reste le même, et même poussé encore davantage. On tourne en boucle, encore et encore, on fait monter la sauce, sûrement, on vrille, on vrille, on creuse. Toujours la même chose. Encore. Ton cerveau fume. Tu ne tiens plus. (Franchement, y’a eu un morceau où ça a duré tellement longtemps… c’était abusé…je serais vraiment curieux de connaître le nombre exact de répétitions.) Et puis, l’explosion in the sky, le break, la variation, le lâchage de nerfs et là, c’est la trance, la fête, l’éclate.

Voilà, voilà, c’était donc une bien belle soirée où étaient d’ailleurs proposés des cocktails qui n’étaient peut-être pas pour rien dans sa réussite. Et aussi de belles tables de distributions avec des zines, des disques, des sérigraphies. Et ça aussi, ça fait plaisir.

« Punk maintenant ! » (Retox, Colossus fall – L’Ecurie, 1er avril 2015)

retox 3 Un p’tit mot sur le concert d’hier à l’Ecurie. Colossus fall a commencé par balancer son hardcore métal ultra maîtrisé. Puissant, tout en place, bon son. Un set pas désagréable même pour moi qui ne suis pas spécialement amateur. Et assez jovial, en plus. Je trouvais assez cool que ce soit une nana qui fasse le son de Retox (si je ne me trompe pas). Ca change des gars qui sont d’habitude derrière la console… « – C’est bon? – C’est bon, les mecs. Vous pouvez balancer votre truc quand vous voulez. » retox 1 Document numériséDocument numériséDocument numériséDocument numérisé Et ils balancèrent. Retox, ça envoie sévèrement. Ca enchaine comme un set des Ramones, ça bastonne comme le power violence de la grande époque et en même temps, il y a toujours le petit riff post-punk, ou même le gimmick électro, qui rocke bien. retox 4 Ca m’intéressait de voir ce que Justin Pearson faisait aujourd’hui. Bassiste dans Struggle et chanteur de Swing kids… Une scène qui a remis de la politique dans le punk et qui, à l’époque, était l’ennemi juré d’Epitaph. Qui sort aujourd’hui les disques de Retox, mais passons… Leur set a été ultra intense, à l’image de leurs disques (le rappel mythique… un long larsen maîtrisé suivi d’un accord plaqué et ciao les gars, on se casse !) et l’attitude bien punk (le guitariste qui manque de donner un coup de pied à un gars qui prend des photos, Justin Pearson qui pose et qui vous emmerde…). On peut pas dire que le groupe ne vit pas sa musique… Hey, il existe un film sur Retox. Pour ceux que ça intéresse – et qui comprennent l’anglais – , il est visible ici, par exemple : http://www.totallyfuzzy.net/ourtube/retox/ypll-rockumentary-video_4d929be36.html

« Dance-punk tonight ! School tomorrow ! » (Chocolat Billy, Api Uiz, Kocher/Lanz duo – Cave12, 22 mars)

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Jonas Kocher à l’accordéon qui couine, qui pleure ou qui suffoque, Joke Lanz aux platines, aux parasitages, aux cut-ups. 30 mins environ de musique bruitiste et improvisée. Bon début de soirée, bonne durée aussi. Juste le temps de prêter l’oreille à une musique quand même bien abstraite, qui peut repousser (surtout dans les moments où elle refuse toute structure) mais qui a aussi ses moments où elle se met à parler.

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Jonas Kocher et Joke Lanz

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Puis Api Uiz entre en scène. Malheur, mais qu’il est bon ce groupe ! Afro-beat noisifié, frénétique, qui cherche la trance et ne veut plus s’arrêter. Je ne connaissais que vaguement (internet…) et c’est de la bombe. Ca groove mortel, ça fait des blagues n’importe comment, c’est le bordel, le bon bordel. Ca m’a fait penser à tout un courant de groupes français actuels, bien sûr, mais aussi aux Minutemen. Pas mal, non ? Ce côté groove serré et millimétrique avec un son bien distordu…  En tous cas, ils ont bien sué pour les, allez, 20 personnes qui s’étaient déplacées pour ce concert… Fallait être là !

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Api uiz prêche la bonne parole du noise fumant

Pas eu le temps, par contre, pour Chocolat Billy, qui s’annonçait comme une déclinaison intéressante du même groove fumant. Dommage… Merci Cave 12 ! vitrine 3 vitrine 5*vitrine 2

« Ca doit pas être beaucoup plus dur que pour un concert de punk… » (Le Capital et son singe – Bonlieu, 13 mars 2015)

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…de faire la chronique d’une pièce de théâtre contemporain.

En fait, ça doit même être assez facile. Commencer par ce qu’on a aimé. Les comédiens et leur jeu vivant. Les corps qui portent le texte à la fois avec force et fantaisie, qui trouvent comme un entre-deux entre le caractère historique de la pièce (ah oui, qui porte sur les théories économiques de Karl Marx et les événements révolutionnaires en Europe au XIXe siècle) et les multiples jeux d’interprétation auxquels se prête cette pensée (aujourd’hui, avec le recul). C’est honnêtement un vrai plaisir que de suivre ce jeu de comédiens, même si on ne saisit pas tout. Comme par exemple, le personnage de Raspail, gueulard, guerrier, dans la première partie de la pièce qui se transforme en personnage féminin dans la deuxième partie.

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Et puis, le côté foutraque de la pièce. Les passages constant de la comédie au drame, du sketch à la fresque, voire l’utilisation des arts plastiques ou de la performance. On sent que ce théâtre ne s’interdit pas grand chose. Je trouve que cela sollicite énormément, on se sent en éveil, sur le qui-vive, on a envie de comprendre toutes les nuances qu’il propose.

Et puis, on pourrait aussi dire que c’est un théâtre intello, truffé de références élitistes, de private jokes de normaliens, etc. Ce n’est certes pas du théâtre militant, mais bon, on est peut-être un peu ignares aussi et faut parfois accepter de se remettre un peu en question, hein.

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Voilà…

Hardcore à la petite semaine 2 (Darius, Uns, Death Engine – L’Usine, 17 mars 2015)

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J’aimais bien l’affiche de ce concert : un groupe de post-rock, un groupe de noise-rock et un groupe de post-hardcore. Bon, les étiquettes ça vaut ce que ça vaut mais c’est quand même moins ennuyeux que d’avoir l’impression d’entendre trois fois le même discours.

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Darius

C’est Darius qui a joué en premier. Les trois guitaristes de ce groupe ont des guitares bien funky et empilent leurs arpèges scintillants ou leurs accords syncopés pour créer un post-rock mélancolique et assez puissant.

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Uns

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Puis, Uns. Uns de Limoges, Limoges city ! Le CSP, la porcelaine, le plateau de Mille-Vaches, yeah ! Qui fait une musique assez difficile à décrire tant ils semblent parfois prendre un malin plaisir à prendre à contre-pied les structures classiques du rock. Il y a des petites notes cristallines qui se développent et se répètent, mais aussi des gros accords bien accrochés à la terre (le côté Mille-vaches…). Les morceaux sont longs, peut-être parfois trop. C’est narratif, ambitieux, personnel. Ils ont sorti un joli CD qu’ils vendent à prix libre.

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Death Engine

Et Death engine investit la scène. Pas de bonjour ni d’au revoir, on est pas là pour rigoler. Death Engine déverse ses torrents de bruit. Pas un moment de répit, pas un silence, à peine une intro répétitive qu’on est reparti, la tête sous l’eau. Mur du son sur tous les morceaux, intensité maximale. Et en même temps, pas un break en trop, on sent que c’est un groupe qui sait exactement la musique qu’il joue.

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Hey, les Uns sont en rade d’une date le 20 mars (Lausanne a été annulé), si quelqu’un a un plan de secours…

PS Oui, je suis de Limoges.

Cette routine n’est pas forcément l’enfer… (Swain, Direct effect, Le Grand Mal – Usine, 10 mars 2015)

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Ouuuuh, dur les concerts de milieux de semaine, et sans grosse tête d’affiche en plus. Lorsque j’arrive, Le Grand Mal est en train d’exprimer sa vision du hardcore sombre et torturé devant un cercle restreint mais néanmoins attentif d’une quinzaine de personnes, en comptant les membres des autres groupes, bien sûr.

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Ils le font avec conviction, ça pioche un peu à tous les rateliers : grind, métal, hardcore, punk. Moderne, quoi. C’est dark, très dark, tellement dark qu’ils ont un morceau qui m’a fait penser à Tom Waits mélangé à…ben, à du hardcore, tu suis ou quoi?!

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Direct effect

On remonte le temps avec Direct effect, des Américains qui, malgré leur jeune âge, font du punk-rock qui aurait pu se jouer en 1981. Ca fait du bien après toutes ces darkeries d’entendre des mélodies qui donne envie de lever le poing et de danser débilement. Dommage que le guitariste trouve que c’est une bonne idée de mettre des solos dans du punk. Ceci dit le groupe fait jeune, timide, on capte rien à ce que raconte le chanteur entre les morceaux et on a l’impression qu’ils sont soulagés d’en finir.

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Swain

Ce n’est pas le cas de Swain, des Hollandais émigrés à Berlin (si j’ai bien compris). Le chanteur aime communiquer. Là aussi, ça fait du bien. Il nous raconte qu’il trouve qu’il y a quand même beaucoup de BMW à Genève et, plus intéressant, qu’il a envie de conserver la folie qu’il a ressenti lorsqu’il découvrait le hardcore, tout gamin, et de ne pas céder aux conventions et codes sociaux du punk. Moi je dis, plutôt bien comme message. Et il passe à l’action en dansant sauvagement et en headbangant tout ce qu’il peut. Leur « grungy hardcore » m’a vraiment fait penser à ce que je connais de Pissed Jeans, un espèce de hardcore garage surpuissant, vraiment pas dégueu. De toutes façons, un groupe qui joue « Waiting room » de Fugazi pendant ses balances ne peut pas être mauvais !

PS Le titre c’est parce que Swain s’appelait avant « This routine is hell »…

« J’écoute de moins en moins de punk éthiopien joué par des Hollandais mais là je vais me rattraper ! » (Orchestre tout-puissant Marcel Duchamp, The Ex, Konono n°1 – Brise-Glace, 26 février 2015)

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Jésus, je l’ai attendu ce concert… A l’entrée, bof bof : les appareils photos sont interdits. Ah, pourquoi? Pour que les gens puissent profiter de la musique. Vois pas le rapport. Et puis, fallait demander une autorisation par mail mais vous ne pouviez pas le savoir car c’est marqué nulle part. Hmmm, et bien merci bien…

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Vous vouliez peut-être savoir à quoi ils ressemblent, Orchestre Tout-puissant ? Et bien… non.

Bref, tour de chauffe avec Orchestre Tout-puissant Marcel Duchamp, qui joue une musique à mi chemin entre des beats africains, une pop tendue et des passages plus syncopés. Pas désagréable mais le côté un peu lisse de ce groupe m’a laissé légèrement sur ma faim. Je ne pouvais pas m’empêcher de faire des comparaisons avec l’ancienne formation du batteur, Dog faced hermans, plus dissonant et aventureux…

Petite pause et deuxième mauvaise surprise. Une copine garde notre fille et j’ai besoin d’aller chercher mon téléphone que j’ai oublié dans la voiture, mais un vigile m’indique que toute sortie est définitive. Et là, ça commence à faire beaucoup. Ce sera quoi, la prochaine fois : tenue correcte exigée ? Contrôle des papiers en règle ? C’est quoi la musique qu’on vient écouter déjà, ce soir? Du punk ? Ah, ouais ? Le vigile en question m’a laissé faire un aller-retour au parking, mais bon…

Puis The Ex prend possession de la scène et on oublie tout ça. Comme c’est bon de retrouver leur simplicité, leur plaisir de gamins à faire du bruit ensemble. On était du côté de Terrie, son ampli nous crachait presque directement dans les oreilles. Quel pied ! Ces rythmiques qui tout à coup s’emballent et trépignent de manière absurde, ces solos de traviole… On a même eu droit à une impro de grande classe contre la rambarde en métal du bord de la scène.

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Et là, ce bon vieux Terrie qui vient chercher Andy pour une bagarre de guitares The Exienne ! Et ben… non plus.

Finalement, leur set aura été génial mais me donnera l’impression d’être pas si long, forcément. Peut-être qu’ils seront revenus sur scène durant le set de Konono, mais pour nous c’était le temps de partir. Des feux d’artifice de bruit plein les oreilles…

PS Merci Daniel pour le titre…