« Power (metal) to the people » : interview DRONE TO THE BONE

Est-ce qu’il existe vraiment, ailleurs, un équivalent de Drone to the bone ? One-man collectif genevois déversant un flot quasi continu de concerts dantesques, électron libre fouillant sans relâche les entrailles de l’underground mondial pour en extraire et propager des pépites. Découvert en 2014 avec le concert Suma/Rorcal/Intercostal, c’est un fil qu’on n’a cessé de dérouler et de suivre. Du black-metal d’avant-garde au hip-hop expérimental, de la noise torturée aux folk songs hantées ou au post-rock contemplatif – à ce niveau, ce n’est plus de la programmation, c’est de l’art. Ou juste un gars qui fonctionne à l’instinct. Les 10 ans de l’asso approchant – qui seront fêtés dignement par 10 jours de concerts en octobre 2019 -, l’idée d’en savoir plus et d’interroger Bruno me tournait dans la tête, quand je suis tombé sur cette interview longue et fouillée et découvrait que STN zine – fanzine genevois publié sur papier dont on reparlera très bientôt – avait fait le job ! Restait plus qu’à contacter Trvs et Laar  pour leur demander si je pouvais la relayer sur Rad-Yaute – ce qu’ils ont accepté avec empressement. Merci encore à eux. En avant.

Présente-toi brièvement, dis-nous qui tu es et ce que tu fais…

Salut ! Bruno / 34 ans /bibliothécaire / père de famille /musicien / gentil organisateur /passionné / un peu fou. Drone to the Bone est mon troisième “enfant”, si je puis dire, que j’élève avec ardeur depuis bientôt 10 ans.

As-tu des activités musicales ou artistiques ?

J’ai joué pendant 11 ans au sein de Rorcal, doom / black metal, de Genève. Mais plus rien sur le feu depuis deux ans (même si ça me démange grave).

Qu’est-ce que Drone to the Bone ?

Drone to the Bone c’est à ce jour quelques 150 concerts organisés sur Genève pour près de 250 groupes originaires des quatre coins de la Planète. Drone to the Bone c’est une passion immodérée pour le Doom, le Sludge, le Black Metal, la Noise, mais pas que. En 2019, Drone to the Bone fête ses 10 ans et c’est super.

S’il faut causer origines, ça remonte à loin. On a commencé à organiser nos premiers concerts dans les squats de la région au début des années 2000, avec les copains (sous l’égide de Sigma Records), puis de fil en aiguille on a investi les maisons de quartier, tous les espaces alternatifs qui voulaient bien nous recevoir (Artamis et j’en passe), pour terminer à L’Usine, « comme des grands ». Il y a eu une grosse pause – en tout cas pour ma part – parce qu’à un moment donné j’avais moins le temps et surtout moins l’envie de le faire, puis je m’y suis remis. On a monté une nouvelle asso en 2009 avec d’autres copains (Stone Cult), mais je m’en suis finalement très rapidement détaché ; devoir discuter et argumenter avec trois personnes à l’époque si on faisait tel ou tel groupe ou non m’a bien gavé… il faut dire qu’on avait pas forcément tous les mêmes envies et que nos affinités musicales en fin de compte ne coïncidaient pas toujours, ce qui au final, en ce qui me concerne, était plus frustrant qu’autre chose. C’est à ce moment-là que je me suis ouvertement lancé dans l’aventure Drone to the Bone, à la fin 2010. Un petit radeau sur lequel je suis seul maître à bord. Seul à décider de tout, selon ce que j’ai envie de faire ou non. Zéro compromis, zéro blabla ; juste une passion que je suis comme un mantra, et un dévouement que je continue de cultiver jour après jour. Si j’ai envie de faire un gig de Funeral doom, je le fais. Si j’ai envie de faire une soirée Hip-Hop, je le fais. Si j’ai envie de faire un sombre groupe du trou-du-cul du Locle ou Dieu-sait-où qui potentiellement n’intéresse pas grand monde à part moi, je peux le faire aussi. En règle générale je m’entends assez bien avec moi-même alors c’est cool ; pas de temps à perdre en tergiversations, réunions, concertations ou je ne sais quoi. Si je veux vraiment faire un truc, je me sors les pouces du cul et j‘y fous.

La rumeur dit que tu travailles tout seul. On te jure qu’on l’a entendu. Même que parfois on la propage nous-même ! Est-elle vraie ?

Rumeur ou pas, tout ce qui importe à mon sens c’est que les choses se passent, peu importent la voie et les moyens pour y arriver et peu importe qui est derrière en train de pousser pour le faire, accessoirement. Après tout, il faut bien que les choses se passent, sinon on fait quoi dans cette Ville morte ? Je ne pense pas que Genève soit une ville plus morte qu’une autre, hein, ce serait du domaine de l’insulte que de prétendre une chose pareille quand on voit l’offre culturelle gargantuesque. Mais sans le nombre incalculable de passionnés qui font vivre la scène, la Genève “alternative“ qu’on connaît tous ne serait plus qu’un vieux souvenir inscrit dans les mémoires des Anciens. Ceci étant, la rumeur dit vrai. Drone to the Bone c’est moi (et inversement). Mais j’ai de précieux amis dans mon entourage qui répondent toujours largement présent lorsque j’en ai besoin, soit pour filer un coup de pouce à la caisse, au bar, faire le son, faire à manger, ou bien juste boire des coups (après tout on est aussi là pour rigoler ou bien ?). Pour le Helvete Underground en 2014, par exemple, j’étais loin d’être seul (même si la prog intégrale reposait sur moi), idem pour les Geneva Doom Days en 2017. Pour dire vrai, parce que je trouve important de le préciser, je suis quoiqu’il en soit rarement seul à faire le merdier de A-à- Z, dans la mesure où les lieux qui m’accueillent ont pour la plupart leurs propres équipes qui participent largement à ce que toutes les choses se passent à la cool. La prog, néanmoins, est toujours de mon ressort ; ou en tout cas dans 99% des cas, puisque Drone to the Bone tape aussi l’incruste de temps à autres sur quelques collaborations ponctuelles comme ça a été le cas sur les concerts de Marika Hackman, Russian Circles, Scott Kelly ou bien The Varukers plus récemment.

Concernant le choix des groupes, est-ce toi qui les démarches ou parfois est-ce que les groupes eux- mêmes viennent te proposer leurs services ?

Je reçois des dizaines de mails, tous les jours. Ce qui est plutôt cool mais qui peut quand même devenir vite chiant, dépendant les propositions. Sans compter le fait que j’écoute absolument tout ce que je reçois et que je m’impose de répondre à toutes les sollicitations (même si des fois ça me prend des semaines pour tout absorber). Je constate qu’au fil des années Drone to the Bone est devenu un incontournable pour des dates de “Hard” sur Genève et que du coup mon adresse e-mail se retrouve malgré moi sur pas mal de listes de plus ou moins grosses agences de booking. C’est souvent bienvenu mais des fois je reçois vraiment des propositions qui ont rien à voir avec le schmilblick ; je me suis pas encore décidé malgré les sollicitations à me lancer dans le Ska, la chanson française ou bien la Techno indus russe, par exemple, tout comme je me tamponne le cul de faire un énième band Pagan death mélodique à tendance viking-queer symphonique antifasciste. D’un autre côté, je reçois également pas mal de mails en provenance de groupes directement, de plus en plus. Ceci dit, je démarche malgré tout aussi pas mal par moi-même ; dès que je découvre un band qui m’intéresse, je prends contact et je présente Drone to the Bone. Après, à priori, les choses suivent leur cours et, tôt ou tard, on finit par bosser ensemble. Idem pour ce qui est des dates de dernière minute, quand il s’agit de remplir un day-off sur une tournée, par exemple. Dès que je vois une possibilité, aussi folle et improbable soit-elle, je balance un mail ; c’est d’ailleurs comme ça que des monstres comme Church of Misery, Portal ou Acid King se sont retrouvés ici en plein été, alors que tout était officiellement fermé, devant un parterre d’une centaine de personnes, en conditions DIY totales, et qu’ils sont repartis avec passé 1000 balles chacun sur un plan aux entrées… il s’en est d’ailleurs fallu de peu pour qu’on chope Neurosis et Eyehategod dans des conditions similaires l’été dernier! Pour ce qui est de mes sources, enfin, elles sont tout ce qu’il y a de plus banal. L’inspiration peut venir d’écoutes compulsives au hasard de la toile, de découvertes au gré d’un concert ou bien via des zines spécialisés ou en papotant avec les copains tout simplement. Comme n’importe qui, je présume ; mais comme je suis un type plutôt ouvert d’esprit, cela permet sans doute d’avoir des horizons plus vastes que le “métalleux” ou le “coreux” lambda.

Y a-t-il des styles, des groupes que tu refuses de programmer ? Ou comment choisis-tu les groupes ? Y a-t- il une sorte de « ligne éditoriale » ?

Il n’y a pas de “ligne éditoriale” à proprement parler. Même si mes préférences me poussent à programmer majoritairement des trucs qui “chient à mort”, comme on dit dans le jargon. Je surkiffe le gros gros Doom, le Funeral doom en particulier, le Sludge bien épais, et certaines formes de Black metal. J’aime bien aussi le Hardcore quand c’est bien sur la brèche, les trucs qui partent dans tous les sens et tout ce qui a un petit côté Noise. Mais j’écoute aussi beaucoup de Hip-Hop, de Drone, j’aime bien la Folk quand elle est bien dark. Le Rock psyché quand ça me fait triper. Le Grind bien extrême quand chuis de mauvaise et que j’ai envie de casser des trucs. La Harsh noise quand c’est bien viscéral. Le Post rock quand je sens que ça m’emporte. Des tas de choses, vraiment, selon l’humeur générale. Je me suis même surpris cet été à programmer un récital de piano en mode sauvage au bord du Rhône pour The Eye of Time (un des tout grands moments de cette prog 2018, d’ailleurs). Grosso-modo, je programme ce que je sens, quand je le sens, sans aucune retenue et sans aucun autre but que celui de me faire plaisir. Après si les gens suivent, tant mieux, ça me rend d’autant plus heureux, pour les groupes que j’accueille, surtout. Mais le principal pour moi c’est de ramener des artistes que j’ai envie de voir. Point final.

Quels sont tes liens avec les scènes locales ? Est-ce que tu essaies d’encourager les groupes de la région avec DTB ?

Encourager les groupes de la région n’est pas un but en soi, à proprement parler, il y a des tas d’autres acteurs dans la scène qui se sont fixés cet objectif, et qui font largement le job. Mais vu la quantité d’artistes absolument incroyables qui nous entourent, il n’y a vraiment aucune raison valable pour quiconque de ne pas soutenir le merdier ! J’en fais par conséquent un “poing” d’honneur à apporter moi aussi ma modeste pierre à l’édifice. J’aimerais bien dans la mesure du possible proposer un groupe suisse sur chacune de mes dates, systématiquement, ça c’est vraiment quelque chose que j’aimerais pouvoir faire. Je sais par expérience à quel point c’est chaud de trouver des dates tant que t’as pas atteint un certain “level” de réputation ou que t’es trop “hors-cadre”, alors si je peux aider, quand c’est possible, je le fais. Mais ça reste toujours sur le même principe, j’invite personne juste pour rendre service, parce que c’est des copains ou je ne sais quoi ; il faut que la musique me parle un minimum. Comment je pourrais « vendre » mes concerts si j’y crois pas à 10’000 ? Dans la réalité, après, c’est malheureusement un principe souvent compromis (celui d’avoir des groupes locaux à tous les coups). Le fait est que la plupart des artistes que j’accueille sont des groupes internationaux et qu’ils tournent rarement seuls ; si on ajoute en plus le fait que mes dates se déroulent majoritairement en semaine (du dimanche au jeudi), c’est pas toujours possible ou bien souhaitable pour les salles d’accueillir un band supplémentaire. Sans parler évidemment de l’aspect financier qui reste parfois un frein non négligeable car, même si beaucoup de groupes (notamment à Genève) sont ok de venir pour une tape dans le dos, une bonne bouffe et des bières fraîches, c’est toujours délicat de ne pas pouvoir, au mieux, leur filer plus qu’un “vulgaire” défraiement pour l’essence (et ça c’est quand il reste un peu de sous dans le budget).

On s’est amusé à regarder l’évolution du nombre de concerts depuis la création de DTB. On passe de 1 en 2010 à plus de 25 en 2018… Comment est-ce que tu arrives à maintenir ce rythme ?

Chaque année, je me fais avoir, à vrai dire. Je me dis toujours à chaque début de saison que je devrais fairemoins de dates (genre, une par mois, pour me préserver un minimum) mais au fur et à mesure que les semaines passent, des opportunités se présentent et de fil en aiguille je me retrouve avec des mois (voire des semaines !) où je me tape en fin de compte trois / quatre orgas d’affilée ! Ce qui, en raison de ma vie privée et professionnelle n’est pas toujours simple ; il faut dire que Drone to the Bone n’est évidemment pas mon job (d’ailleurs je serais bien dans la merde si ça l’était, y a pas de fric à se faire dans ce « bizness »!). J’ai deux enfants, un « vrai » boulot, une famille et un emploi du temps largement bien rempli. La vie est cool, franchement, mais il faut des fois bien jongler ; entre les « obligations » du quotidien et mon incorrigible tendance à vouloir tout faire, ça tient parfois du miracle d’arriver à tout goupiller. En vrai, je me fatigue moi-même, comme un grand, à vouloir tout enchaîner comme si j’avais 20 ans alors que les lendemains de veilles sont de plus en plus rudes puisque, quoi qu’il advienne, il faut se lever à 6h du mat’ 5 jours sur 7 pour s’occuper des kids et aller bosser. Après, ma foi, je dormirai quand je serai mort, comme on dit !

Il y a une deuxième chose qui nous impressionne avec DTB : les entrées de concerts toujours proposées à prix libre (en tout cas le plus souvent). Est-ce un principe qui te tient à cœur ?

Si ça ne tenait qu’à moi, tous les concerts Drone to the Bone seraient effectivement en prix libre. Mais ça, ça dépend essentiellement des lieux qui m’accueillent.

Ce n’est pas très élégant mais la question des sous se pose. Est-ce que le fait de proposer l’entrée à prix libre te permet d’avoir des fonds suffisants pour continuer tes activités ? On se dit que ton point de vue sur cette question encouragerait peut-être plus de personnes à le faire et donc à dédiaboliser ainsi le concept bienveillant de la confiance et du partage !

Le prix libre a pour avantage que chacun, peu importe ses moyens, peut se permettre d’aller aux concerts, ce qui, à mon avis, est plus que cool. Les gens ont pas nécessairement besoin de scruter leur budget au centime près en se disant qu’ils ne peuvent se permettre que telle ou telle sortie et ça, à mon sens, vu la surabondance de l’offre culturelle de la région, est un sacré plus pour maintenir la scène active ou en tout cas encourager les gens à sortir de leur cave. Après, prix libre ou non (et ça c’est encore un autre débat), beaucoup de gens, fondamentalement, en ont rien à foutre et préfèrent rester chez eux ou faire autre chose (chacun son truc après tout). Des lieux comme La Makhno, à L’Usine, fonctionnent sur le principe du prix libre pour toutes leurs soirées. L’expérience montre que ça fonctionne plus ou moins, les gens au final dépensent peut-être un peu moins à l’entrée et un peu plus au bar (ceux qui ont les moyens en tout cas). Les choses s’équilibrent, dans un sens, mais c’est totalement tributaire de la “morale” et des possibilités de chacun. Ceci dit, j’ai beau être un idéaliste de premier ordre, je ne suis pas certain que le principe puisse s’appliquer partout et pour tout type d’événements non plus. Pour parler finances, enfin, Drone to the Bone n’est pas coté en bourse. Je ne possède pas d’actions non plus que je pourrais faire fructifier pour les réinjecter dans le “Hard”. Drone to the Bone ne bénéficie pas de subventions non plus. Pas non plus de généreux mécènes pour alimenter financièrement toutes ces folies. J’ai surtout la chance, pour être honnête, de bosser avec des lieux qui, comme La Makhno, Kalvingrad, L’Undertown et L’Ecurie, me font confiance et peuvent se permettre de « prendre des risques » à ma place, dans une certaine mesure. En gros, je négocie cachets et conditions avec les groupes ou les agences de booking, à la suite de quoi je fais des propositions aux salles, voir qui potentiellement veut / peut m’aider à faire en sorte que les choses se passent sans que j’aie à casser ma tirelire. Il ne me reste ensuite “plus qu’à” faire de mon mieux pour que ça marche, que le public suive et que tout le merdier mis en place pour y arriver ne soit pas “vain”, si je puis dire (dans le sens économique du terme, on s’entend). Parce que le fait est que Drone to the Bone n’a pour ainsi dire plus de fonds propres à disposition depuis des lustres. Le fric que je mets dedans quand il le faut vient de ma poche. Le seul moment où j’ai réussi à mettre des sous de côté pour Drone to the Bone, à vrai dire, c’est en 2014 quand j’ai organisé une série de concerts de soutien au H elvete Underground (un festival sur trois jours intégralement consacrés à la scène black metal helvétique) ; j’avais réussi à l’époque à rassembler un petit pactole que j’avais réinjecté illico en promo, affiches, caterings d’accueil et un ou deux cachets…

Tout ça c’est de la cuisine interne, au final, mais il s’agit de faire des “projections” et des suppositions et des calculs d’épicier en essayant d’être le plus réaliste possible et de trouver le moyen de faire en sorte que les choses se passent sans ruiner ma fortune personnelle et la fortune des lieux et assos qui accueillent mes événements. Le tout en veillant à ce que les artistes s’y retrouvent eux aussi, évidemment. Ça a peut-être pas l’air bien compliqué expliqué comme ça mais ça l’est bien plus qu’il n’y paraît en réalité. Il ne s’agit pas de présenter aux salles qui m’accueillent un show comme un “sold-out” potentiel alors qu’on navigue la plupart du temps à vue et que le public potentiellement intéressé par les concerts qu’on fait est en baisse constante depuis des années ; il n’y a qu’à penser à la misérable dizaine de personnes qui sont venues voir Mantar, Bell Witch ou Årabrot il y a quelques années et voir les foules que ces mêmes groupes déplacent maintenant… il n’y a pas de règles sur lesquelles s’appuyer. C’est d’ailleurs une réalité assez merdique qui fait qu’on ne peut plus vraiment se permettre de prétendre sortir des “gros” cachets, même pour les plus « grands » noms de l’Underground qu’on reçoit parce qu’on ne sait jamais comment les choses vont finir par tourner ; c’est un truc à devenir fou, des fois !

Mon but n’est pas de devenir le roi de l’entourloupe et de faire croire aux gens avec qui je bosse que tout ce que je leur propose est formidable et que ça va remplir leur salle, au contraire. J’essaie de vendre le bordel tout en étant le plus transparent possible, aussi bien avec les groupes, les agences de booking et les salles avec qui je collabore. La réalité de la scène est assez inquiétante et la santé des clubs à l’heure actuelle est bien fragile, si on y pense au final ; c’est à se demander sincèrement si, tôt ou tard, certaines agences de booking – et par conséquent les groupes qui vont avec – ne vont pas simplement finir par faire l’impasse sur des dates en Suisse parce que le public ne suit plus ou en tout cas pas suffisamment. Sans parler des clubs qui eux aussi évidemment paient lourdement le tribut de ces baisses de fréquentation. Ce n’est pas un hasard, c’est certain, si la plupart des orgas et assos actives dans la place finissent par poser les plaques au bout d’un moment…

Après, heureusement, les moments de kiff en ce qui me concerne sont d’une puissance telle que je finis rapidement par dédramatiser et passer outre les moments de doute, les galères et les déceptions. Sinon je crois bien que j’aurais déjà posé les plaques à mon tour depuis un sacré bout de temps.

Tu sembles être actif uniquement à Genève. Est-ce un choix ? Est-ce que le fait d’être à Genève pose moins d’obstacle par rapport à d’autres villes ? Et quels sont les acteurs avec qui tu travailles ?

Je suis actif à Genève uniquement, oui. J’y suis arrivé quand j’avais 8 ans, j’y vis depuis pas mal d’années, du coup. J’y ai grandi, je devais avoir 15 ou 16 ans quand j’ai été voir mon premier concert à L’Usine, je contribue à la “scène” depuis bientôt 20 ans, déjà ; ça fait un sacré bout de temps, maintenant que je regarde un peu dans le rétro ! Genève est un peu devenu ma “Ville natale”, en quelque sorte, et je m’y plais vraiment pas mal. Je connais à peu près tout le monde, si on peut dire, ce qui pour le coup facilite franchement grandement les choses quand on fait ce que je fais. Si je devais tout redémarrer à zéro ailleurs ce serait clairement une autre paire de manches ! Je bosse avec pas mal de monde, de L’Usine à L’Ecurie, l’Undertown, La Reliure… sans parler des connexions avec divers autres lieux et assos de la place comme Urgence Disk, l’Axe du Mal, Kalvingrad, Peg!, Bad Mood, LiveGeneva TV, le Collectif nocturne, le mouvement Prenons la Ville et des tas d’autres gens super. Genève est un foutu carrefour depuis des décennies pour les scènes punk / rock / hardcore etal et affiliés et c’est une tradition que j’essaie de contribuer à faire perdurer même si, en règle générale, hélas, comme partout en Suisse apparemment, je me répète, le public peine à se renouveler.

Est-ce qu’il y a d’autres acteurs avec qui tu collabores hors frontières genevoises ou même suisses qu’on n’aurait pas vu ? Aimerais-tu étendre tes activités à d’autres villes ?

Au fil des années, j’ai construit un assez gros réseau, c’est sûr ; réseau qui dépasse largement les frontières helvétiques, d’ailleurs (à force de bourlinguer avec Rorcal, notamment). Après c’est pas dans mes plans de monter des satellites Drone to the Bone dans d’autres villes ou de me lancer dans une agence de booking, par exemple. Je continue d’exploiter et d’entretenir ce réseau, c’est sûr, en mettant en place de temps en temps des séries de dates pour des groupes que je reçois à Genève comme je l’ai fait pour Suma en 2014 avec une date supplémentaire à Bâle ou bien pour Leng Tch’e cette année avec une date à Winterthur et une autre à Strasbourg, mais ça s’arrête là. Drone to the Bone ça se passe à Genève pour le moment et c’est déjà bien assez de boulot comme ça.

Pour parler connexions, ceci dit, elles sont multiples et beaucoup trop nombreuses pour être énumérées. J’ai une profonde admiration pour tout ce que fait Damien à Urgence Disk, le shop de disques de L’Usine, à Genève. Idem pour les copains d’Hummus Records à La Chaux-de-Fonds, l’équipe de Deep Drone à Bâle… Ceci dit, je tiens à jour une liste assez conséquente sur mon site alors il n’y a qu’à suivre les liens pour connaître l’étendue de cette joyeuse constellation qui ne cesse de s’étendre.

Y a-t-il des obstacles auxquels tu es confronté parfois ? Par exemple, est-ce que des défenseurs des bonnes valeurs de la croix à l’endroit t’envoient des courriers menaçants pour te faire savoir que tes concerts sont un peu trop sombres et t’accusent de faire la promotion du Satan ?

J’ai jamais eu de soucis ce type, et je le regrette parce que ça m’aurait beaucoup amusé. Mais certains groupes que j’ai programmés ont été taxés de “nazis” (à tort selon moi, sinon il est évident que je ne les aurais pas accueillis), ce qui à mon sens est bien plus sérieux et problématique et qui m’a d’ailleurs valu quelques problèmes à un moment donné avec certaines salles. Après, l’affaire est close alors je ne m’attarderai pas davantage sur le sujet et je ne donnerai pas de noms non plus.

Le seul véritable obstacle, et pas des moindres, est une grande constante pour toutes celles et ceux qui se démènent pour organiser des trucs : la galère du manque de lieux…

Les questions un peu feelgood maintenant : quel(s) est/sont le(s) concert(s) dont tu es le plus fier/content/qui t’ont le plus fait kiffer ?

S’il fallait n’en choisir qu’un, je dirais Sourvein en 2011 ; mo-nu-mental. Il y a d’ailleurs encore une ou deux vidéos qui traînent sur le Tube et qui font du bien quand je me dis que les gens suivent pas comme j’aimerais et que ça me fait chier. Mais il y a bien trop de kiffs chaque année ! Eagle Twin en 2010, Saviours en 2011, Hexis et This Gift is a Curse en 2012, Meth Drinker et Graves at Sea en 2013 (dire qu’on était genre 12 à cette soirée !) … SubRosa et Darkspace en 2014, Portal et Impetuous Ritual en 2015… Oddateee, Sole et Årabrot en 2016… Oranssi Pazuzu, Impure Wilhelmina, Jozef van Wissem, Coilguns… des très grands moments à chaque fois ! Jucifer et Walk Through Fire en 2017, Eyes, Svartvit et Dark Buddha Rising en 2018… Pfff. Beaucoup trop de gens cool et de concerts mémorables ! Et la liste ne cesse de s’allonger, année après année, c’est d’la folie !

Et la deuxième question un peu bitchy mais en quelque sorte feelgood aussi, quel est/sont le(s) concerts qui t’ont posé le plus de problème/que tu as détesté organisé/qui te font dire « oh merde, j’espère qu’ils ne sont pas comme ceux-là » à chaque nouveau concert ?

Je ne regrette absolument rien de ce que j’ai fait. Mais il y a bien eu deux ou trois accrochages notamment sur des dates pour des groupes de black metal dont je me serais bien passé. Des groupes que je ne referai pas, à priori (quoique je ne suis pas un type très rancunier), mais par respect pour les protagonistes je tairai leur nom. Et puis de toute manière c’est passé et on ne peut plus rien y faire, ça sert à rien de remuer la merde.

Depuis ces “incidents”, ceci dit, à chaque fois que je reçois des groupes de black metal (même si c’est somme toute assez rare), je crains de me retrouver avec le même genre d’abrutis. Après si vous voulez absolument des noms on peut en causer autour d’une mousse, hein, c’est pas un secret d’Etat non plus mais il n’y a aucun intérêt, ni pour moi ni pour les personnes concernées, à chier dans la soupe publiquement. Au fond, même si parfois je peine à avaler la pilule, je pense qu’on est tous humains et que des fois on peut faire ou dire d’la merde ; j’aime à croire que les gens peuvent changer, c’est pas parce qu’une fois tu t’es comporté comme un connard que tu seras un connard toute ta vie.

As-tu une anecdote ou aventure que tu aimerais partager ?

Il y en a un paquet mais il y en a une qui m’amuse beaucoup. C’était plutôt angoissant sur le moment mais une fois que c’était passé on a bien ri. Une date de 2015, quand Jozef van Wissem s’est rendu compte que son luth s’était cassé durant le voyage, un dimanche, et que tous les luthiers de la ville étaient soit fermés soit absents. Sans compter que le luth s’était brisé pile entre le haut du manche et le chevillier (la tête) ! Des dizaines de coups de fil pour essayer de trouver un luth de rechange, en vain. On a fini par fixer tout ça à la super-glue, trois heures avant le concert… A chaque pause entre les morceaux, Wissem accordait son luth et à chaque tour de cheville on serrait les dents de peur que ça pète à nouveau !

Il y a aussi eu la fois où Supayniyux ont repeint les murs et le sol de La Gravière avec quelques litres de sang de cochon… la fois où Impetuous Ritual ont bouché la douche avec de la boue et des feuilles mortes…

Est-ce que tu aurais envie d’étendre les activités de DTB ? Par exemple, lancer un label, organiser un festival ou avoir ta propre salle de concert ? En gros, quels sont les projets qu’il t’intéresserait de réaliser ?

Des festivals, j’en fais de temps à autres ; il y a eu le Helvete Underground en 2014, un festival intégralement consacré à la scène black metal helvétique, il y a aussi eu deux éditions des Geneva Doom Days, l’une en 2013, l’autre en 2017, un festival plutôt orienté doom et black metal avec quelques incursions hip- hop lors de la seconde édition. Après ce n’est pas un but en soi, j’ai pas l’intention chaque année ou tous les 3, 4, 5, 6 ans de réitérer la même formule. Un label, je ne crois pas que ça me tente plus que ça mais je n’y ai jamais vraiment pensé. Peut-être un délire du genre « print on demand » comme ça se fait actuellement pour les livres aurait un intérêt à être développé ? Je pense à voix haute, j’en sais rien.

En revanche, à terme, avoir une salle sous la main ne serait pas de refus. Pas que j’estime le mériter plus que d’autres, au contraire, mais une salle supplémentaire, avec une petite jauge, qu’on partagerait entre divers acteurs de la scène, rendrait bien service à toute la communauté c’est certain. Pour le moment, dans tous les cas, j’organise des dates à gauche à droite sans me poser trop de questions et ça va bien comme ça. Affaire à suivre.

Tu es libre d’ajouter ce dont tu as envie à cette interview ! Fanzine libre, on fait et on dit ce qu’on veut !

Merci pour cet espace de liberté. Vous êtes supers ! Continuez ! Le bon sens voudrait que je m’étale ici sur la nécessité de soutenir les scènes locales et tout le blabla. Mais je pense que vous êtes bien assez grands pour en tirer vos propres conclusions. Gloire à Satan et tous les activistes. Drone to the Bone est Amour.

 

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« Amphetamine reptile dans ton salon » (Bug – Usine, 1er nov.)

Bar In Grad, c’est la version light de Kalvingrad. Concerts un peu plus tôt que d’habitude, prix libre. On commencera directement avec BUG, vu qu’une arrivée tardive ne permet pas d’apprécier le set de Bar, ni celui de Lunch à Urgence disk un peu plus tôt – qui, paraît-il, étaient tous deux très bons dans leur style. L’Usine, on pourrait y passer sa vie.

Bug, drôle de bestiole. Une vingtaine d’années d’existence, environ huit disques à leur actif, une notoriété plutôt relative. C’était la première fois que les Autrichiens passaient à l’Usine. Musicalement, c’est aussi déviant et rétif à la classification. Touche-à-tout. Blues titubant implosant en noise-rock chauffé à blanc. Disco vrillant à la crise de nerf. L’expression de Bruno Drone to the bone – « blackened noise-rock » – résume assez bien la chose.

Sur scène, c’est d’abord la présence du chanteur qui marque. Pas trop d’inhibition, ni au niveau vestimentaire ni au niveau de la danse. John Travolta d’Allemagne de l’est qui aurait fait un tour par la case prison. Ultra-expressif, théâtral, il incarne et orchestre la folie du groupe. Des flashs du concert de The Conformists – autre band conduite par un crooner excentrique – reviennent à l’esprit.

Moins démonstratifs, le reste du groupe ne fournit pas moins une performance irréprochable. Honnêtes artisans d’un noise-rock obscur, frelaté. On pressent parfois un air de famille avec les groupes géniaux d’Europe du nord comme Arabrot ou Raketkonen. Eux aussi conviés par Drone to the bone dans ces murs par le passé. Tiens, tiens.

L’originalité, la sincérité et l’engagement du groupe font de ce concert un moment mémorable. Groupe génial devant une poignée de personnes.

On est habitués.

>>>>>>>>>> BUG

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Kurt aubaine (Staches, Kurt, Telemark – Usine, 12 juin)

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Les derniers accords du dernier morceau de Staches résonnent lorsque je passe la porte de l’Usine ce soir-là. Grésillants et entraînants. Ce sera pour une autre fois.

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Double ration germanique. On commence par Telemark, qui, à vrai dire, fait partie d’un ensemble de groupes qui partagent à la fois un son et des musiciens. Soit un punk-rock noise entrainant, des riffs dissonants posés sur une rythmique survitaminée, limite disco d’ailleurs pour le dernier morceau.

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Impossible de résister, le savoir-faire est là et le front-man tient bien la scène, sans en faire des tonnes non plus.

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Kurt pratique à peu près la même formule mais il faut bien avouer que ce groupe a quelque chose de spécial. Leur formule à eux frise la perfection. Guitare tranchante, voix gueulée avec ce qu’il faut de charge émotionnelle, batterie millimétrique, frénétique. Et la basse… Ferrailleuse, survoltée, totalement intouchable. Le bassiste ne tient d’ailleurs pas en place et semblerait pouvoir enchaîner cinq sets sans broncher.

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Initialement influencé par le screamo (ou hardcore émo comme on disait à l’époque), ce groupe avait bien cartonné à la fin des années 90/début 2000 et s’est forgé son propre style, à mi chemin entre punk-rock énergique et noise bouillonante. Les morceaux commencent systématiquement à un très haut niveau d’énergie et réalisent le tour de force de faire encore monter la tension. C’est presque éreintant.

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Les discussions d’après concert révèleront des personnes éminemment sympathiques, tranquilles et humbles, suivant leur petit bonhomme de chemin, loin du business de la musique. Vivre de la musique ? No way !

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Je sais pas comment il a fait vu comme il était excité mais David « Livegenevatv » a réalisé une prise bien chouette du concert. La voilà. La classe !

>>>>>>>>> KURT

>>>>>>>>> TELEMARK

>>>>>>>>>> STACHES

« Supersonic youth ! » (Llamame la muerte, Presque maudit- Usine, 2 mai)

PM entente.JPGAvantage et inconvénient d’arriver en retard. Avantage: tu arrives pour trouver le groupe au milieu du concert, bloqué sur une note répétée inlassablement devant un public médusé. C’est drôle, venant de l’exterieur. Inconvénient : tu rates le premier groupe.

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Presque maudit, c’est presque comme Marilyn Rambo, presque. Une déferlante de rythmes concassés, un déluge sonore sans guère d’interruption,  avec peut-etre un peu plus de colonne vertébrale, dû à une une guitare supplémentaire que je soupconne d’être baryton mais peut-être pas.

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A l’image du morceau plein de swing classique pour lequel le groupe a réalisé une vidéo, leur musique saccadée a une légère tendance à produire chez le spectateur des mouvements incontrôlables qui te font ressembler à une animation GIF. Ou une animation gifle. Mais pas assez au goût du batteur, qui a éprouvé le besoin de jouer des cymbales avec ses pieds et de venir danser dans le public.

Jolie table aussi, où on trouvait les productions d’Epicericords, le label d’Aurel, guitariste de Presque maudit. Plein de disques et de sérigraphies magnifiques à prix libre.

Driftoff, Worst in me, Fugitive – Usine, 8 mars

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Tout commence avec un groupe de post-rock italien… C’est pas mal comme première phrase mais, en fait, j’ai raté Fugitive, le premier groupe en question. Si les concerts punk commencent à l’heure, où va-t-on ?

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Le premier groupe sera donc les locaux de Worst in me, qui propose un mix personnel du hardcore, à la fois hargneux et traversé d’envolées qui tirent un peu sur le « post-« . Leur set était puissant et appliqué, avec plusieurs interventions du chanteur pour expliquer les morceaux. C’est pas grand chose,mais les groupes qui se donnent la peine de communiquer ne sont pas si nombreux que ça. Le seul bémol est peut-être une impression un peu monocorde au niveau des voix, en ce qui me concerne.

Je crois que le groupe vient de sortir son premier album sur bad mood records et sur un tout jeune label genevois, Ashes cult. J’ai fait une petite vidéo d’un morceau assez dantesque- le son est pas génial mais ça permet de se faire une idée : https://www.youtube.com/watch?v=YJedzetknOo&feature=youtu.be

Les américains de Driftoff faisait étape à l’Usine au milieu d’une longue tournée européenne. D’ailleurs, ils remarquent vers la fin de leur set que, de tous les lieux par lesquels ils sont passés, l’Usine est l’un des plus incroyables.

En fait, ils ont l’air vraiment cools… Ils viendront féliciter et soutenir Worst in me à la fin de leur concert et leur set sera étincelant.

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Les membres du groupe proviennent de diverses formations assez connues (pas de moi) et voient leur musique comme un hommage à leurs racines punk/hardcore. Ce qui est drôle parce que  leurs morceaux me rappellent pas mal l’emo-hardcore mélodique des années 90, notamment des groupes comme Hot water music…

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Des voix à la fois juvéniles et exaspérées… Des murs du son denses, dont se détachent des mélodies gorgées d’émotions… une musique assez directe… qui ne cherche pas à en mettre plein la vue ou à « retourner la salle »… PUUUUUUNK, FUCK YEAH !!!

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On sent l’expérience, le moindre plan sonne… La classe américaine, quoi ! L’impression de voir une pépite. Là, sur cette scène minuscule, devant, quoi, 20 ou 30 personnes…

En même temps, quand on vient un peu régulièrement à l’Usine, on est habitués.

Et puis, y’avait hockey.

https://driftoffnyc.bandcamp.com/

http://www.badmoodrecords.com/

http://ashescult.bigcartel.com/

 

Cette routine n’est pas forcément l’enfer… (Swain, Direct effect, Le Grand Mal – Usine, 10 mars 2015)

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Ouuuuh, dur les concerts de milieux de semaine, et sans grosse tête d’affiche en plus. Lorsque j’arrive, Le Grand Mal est en train d’exprimer sa vision du hardcore sombre et torturé devant un cercle restreint mais néanmoins attentif d’une quinzaine de personnes, en comptant les membres des autres groupes, bien sûr.

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Ils le font avec conviction, ça pioche un peu à tous les rateliers : grind, métal, hardcore, punk. Moderne, quoi. C’est dark, très dark, tellement dark qu’ils ont un morceau qui m’a fait penser à Tom Waits mélangé à…ben, à du hardcore, tu suis ou quoi?!

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Direct effect

On remonte le temps avec Direct effect, des Américains qui, malgré leur jeune âge, font du punk-rock qui aurait pu se jouer en 1981. Ca fait du bien après toutes ces darkeries d’entendre des mélodies qui donne envie de lever le poing et de danser débilement. Dommage que le guitariste trouve que c’est une bonne idée de mettre des solos dans du punk. Ceci dit le groupe fait jeune, timide, on capte rien à ce que raconte le chanteur entre les morceaux et on a l’impression qu’ils sont soulagés d’en finir.

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Swain

Ce n’est pas le cas de Swain, des Hollandais émigrés à Berlin (si j’ai bien compris). Le chanteur aime communiquer. Là aussi, ça fait du bien. Il nous raconte qu’il trouve qu’il y a quand même beaucoup de BMW à Genève et, plus intéressant, qu’il a envie de conserver la folie qu’il a ressenti lorsqu’il découvrait le hardcore, tout gamin, et de ne pas céder aux conventions et codes sociaux du punk. Moi je dis, plutôt bien comme message. Et il passe à l’action en dansant sauvagement et en headbangant tout ce qu’il peut. Leur « grungy hardcore » m’a vraiment fait penser à ce que je connais de Pissed Jeans, un espèce de hardcore garage surpuissant, vraiment pas dégueu. De toutes façons, un groupe qui joue « Waiting room » de Fugazi pendant ses balances ne peut pas être mauvais !

PS Le titre c’est parce que Swain s’appelait avant « This routine is hell »…