Disco-Boule « Soirée mondaine » EP

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Ce EP auto-produit, au titre et à la pochette plutôt fun, est sorti en septembre 2017. C’est l’acte de naissance d’un groupe lyonnais relativement récent, par ailleurs déjà apprécié en live.

Le premier morceau, « Triple coup de force », a le riff de guitare épique et brandi bien haut sur une batterie binaire. Terrain math-rock, puissant et joueur, dans le sillon de Marvin. Sans tomber dans un délire synthétique K-2000 ou en faire des tonnes. Disco boule préfère les montées en puissance hypnotiques et les riffs tranchants, les guitares lancées à plein gaz qui se frôlent, se frottent et font des étincelles . « Banana » est du même tonneau, peut-être un peu plus grinçant, et confirme cette impression. De même que l’expéditif « Transit dominical » et sa batterie survitaminée.

Mais attention. Le dernier morceau de ce petit disque, « Boulangerie », ralentit le tempo et vient créer la surprise. Avec sa rythmique ample, toutes cymbales dehors, et sa mélodie émo, ce titre rappelle les belles années du DC-core – bon, le punk-rock tel qu’il était pratiqué à Washington dans les 90s et principalement sorti sur le label Dischord, hein – et pourrait bien faire chavirer plus d’un coeur d’émo-rocker. Les grands Lungfish ne sont pas loin.

Ce joli morceau se distingue mais c’est peut-être juste une affaire de perspective. Il donne en tous cas une touche d’originalité à un disque déjà bien vibrant et dont l’écoute est vivement conseillée. Et toi, qu’est-ce que t’en penses ?

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« Bande de fanatiques » (Dustriders, Hollywoodfun downstairs, Vorvan – Makhno, 22 nov.)

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Rien de plus ennuyeux que ces concerts estampillés tel ou tel genre, où les groupes ressassent les mêmes codes et où la surprise et la prise de risque sont minimes. Heureusement ce concert à la Makhno, organisée par l’asso essentielle Drone to the bone, n’avait rien de tel, même si une arrivée tardive n’aura pas permis d’apprécier les locaux de Dustrider.

HFD 1Hollywoodfun downstairs, c’est un duo néo-zélandais et si il y a des fanatiques, c’est bien eux. Des tournées comme des forcenés – c’est quand même leur deuxième passage à Genève dans l’année et ils ont d’ailleurs perdu un bassiste dans le bataille -, une musique sans répit et un dernier album sorti chez les polonais d’Antena krzyku (super label). Preuve s’il en fallait que le réseau DIY 2.0 fonctionne.

hfd 6.JPGFaut au moins venir de l’autre côté de la terre pour jouer la musique qu’ils font. Effectivement il y a un côté garage dans la réverb et cette voix nasillarde mais passé à la moulinette de rythmiques effrénées qui lui donne parfois des airs de hardcore hurlé – screamo pour les intimes.

hfd 5Une sorte d’accouplement contre-nature entre les Buzzcocks et Lightning bolt (ouille !), ou quelque chose comme ça. Une musique qui peut être fun mais aussi assez malsaine et stressante. Entre névrose et psychose, mon coeur balance.

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C’est peut-être bête mais la première chose qui m’a frappée chez les Russes de Vorvan, c’est les tee-shirts qu’ils portaient sur scène ou sur les photos que j’avais pu voir : Doom, Extreme noise terror, Misery, Disfear… Clairement des gens de bon goût.

vrvn 1Leur hardcore « moderne » convoque tout ce qui butte, qui latte et qui tabasse. La voix gueulée est au final assez linéaire mais, bon dieu, c’est en-dessous que ça se passe. Une basse de plomb en fusion – jouée au doigts -, des riffs de tueurs à la guitare mais parsemés de déconstructions noise aux petits oignons et surtout, surtout, une batterie démentielle qui sonnait comme c’est pas possible. Un régal pour les yeux et les oreilles.

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Les compos ultra incisives maintiennent une pression constante. Chaque morceau pilonne et capte l’attention, sans jamais lasser. Ce groupe a clairement la science de la composition et – chose rare – donne envie d’aller écouter leur musique sur disque pour comprendre exactement c’était quoi, ce truc qu’on s’est pris dans les oreilles.

>>>>>>>>>> HOLLYWOODFUN DOWNSTAIRS

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Et c’est quoi, cette société où il faut clamer les évidences ?

Korto « s/t » LP

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Korto continue donc sa folle équipée et passe même à la vitesse supérieure avec ce premier album qui sort aujourd’hui même. Un disque qui a de l’allure puisque le trio haut-savoyard a le bon goût de coopérer avec un artiste graphique, Chufy, qui réalise la pochette. Ils l’avaient déjà fait d’ailleurs pour l’artwork de leur premier 7″, lui aussi très réussi.

Korto a la formule qui fait pschiiit ! et régale ici sur sept titres. Des mélodies aériennes – chant tenant plus au choeur noyé de réverb, mélopées de guitare – mises sous pression par la trépidante cheville ouvrière basse-batterie. A la fois baignant dans une douceur aux accents pop ou surf (« Track 2 » – grande liberté dans le choix des titres, j’adore) et menaçant constamment de céder sous la puissance du flux sonique, couvant toujours et  prêt à se déverser sans crier gare (« Denzzzl » et surtout « Fresque »). Et va-z-y que je te fais monter la sauce. Sûrement. Et pas si lentement que ça. Que je répète, que j’augmente la pression. Jusqu’à ce que ça mijote. Que ça bouillonne. Et qu’enfin ça éclate en feu d’artifice épique final.

Les cheveux dans le vent. Le soleil sur la peau et un surf à la main ou, qui sait, celle d’une fille – ou d’un garçon. Mais vite. A fond. Il y a chez Korto un  naturel et une joie de se laisser aller béatement dans le flux du son qui est totalement communicative et réjouissante. Même si les mélodies insouciantes et légères ne sont pas votre tasse de thé à priori. Le disque a été enregistré au K7, studio associé à la salle du Brin de Zinc, près de Chambéry, et la production percutante et sans fard rend ce premier long format d’autant plus attachant.

Bouillonnant, spontané, limpide . A vrai dire, si on voulait chercher la petite bête, on pourrait prétendre que cet album a les défauts de ses qualités. Ce qui voudrait dire quelque chose. Ou pas. Mais, en toute fin de disque, « Oï » laisse peu à peu la guitare se durcir, s’assombrir, pointant vers des ambiances moins candides. Ca leur va bien aussi. Annonciateur peut-être d’évolutions à venir. Go, Korto, go.

Korto « Self-titled » LP (Six tonnes de chair records)

>>>>>>>>>> KORTO

>>>>>>>>>>> SIX TONNES DE CHAIR RECORDS

« L’anniversaire des Tonys » (Catalgine, Milkshaker – Les tanneries, 21 oct.)

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Les Tanneries, c’est pas celles de Dijon, ni la salle du même nom à Bourg-en-Bresse. C’est une usine occupée à Rumilly au sud d’Annecy, où on a pu jouer il y a quelques temps à l’occasion de l’anniversaire collectif de plusieurs personnes investies là-bas.

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Le lieu accueille assez régulièrement des concerts ou des spectacles. Il y a aussi des locaux de répétitions et c’est ouvert à toute personne voulant disposer d’un endroit pour créer.

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En projet : s’ouvrir davantage et développer des projets plus longs, comme des résidences d’artistes, par exemple.

tanneries graph 3L’ombre des 400 couverts semble planer sur l’endroit. Le squatt grenoblois a été à la fois un lieu militant et de propositions pluri-disciplinaires pendant des années et est un peu  un modèle pour ce genre d’initiative.

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Des locaux ont joué avant nous mais impossible de se rappeler du nom maintenant.

ctlgn 2Pour nous, ce fût un excellent concert. Contents de jouer dans un endroit comme ça, plein d’énergie et d’envie de faire les choses autrement.

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Et quelle ne fût pas la surprise de tomber sur François Thollet, figure du milieu musical grenoblois, qui accompagnait ce soir-là le mystérieux projet d’un batteur, de Grenoble lui-aussi : Milkshaker.

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Accompagné aussi un gars aux claviers et guitare. Le trio a ainsi tenu la scène pendant 2 heures sur un set totalement improvisé au moins pour les deux invités.

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Batterie tribale et groovy sur laquelle viennent se poser les heurts et accidents du clavier, de l’accordéon et des machines, pour une première partie plus expérimentale.

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Puis ça a carrément viré à un blues du désert endiablé qui semblait ne plus vouloir s’arrêter. Sacré performance qui concluait une chouette soirée de découverte, à peine ternie par des incidents sur fond d’alcool mauvais. Dommage, mais on reviendra. Merci à tous !

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>>>>>>>>>> LES TANNERIES

« La belle peinture » (Spacejunk art center, 2 nov.)

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Dan Witz, « Agnostic front »

La galerie associative – et non-commerciale – grenobloise Spacejunk proposait pour quelques jours encore une expo collective donnant un coup de projecteur sur quelques artistes d’aujourd’hui – pour ne pas employer le gros mot de contemporain – pratiquant la peinture.

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Nicola Verlato, « Wrong target » (pas présenté à l’expo)

Si la technique est classique – beaucoup de ces artistes se réfèrent Jérôme Bosch et à la peinture baroque flamande – les thèmes sont actuels, comme dans les peintures ultraréalistes de pits hardcore de Dan Witz ou les tableaux oniriques de Nicola Verlato.

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Mu Pan, « Tylosaurus and the 108 Outlaws »

J’avais découvert certains de ces artistes – Turf one, Mu Pan – lors de l’exposition Hey ! à la halle Saint-Pierre à Paris. Moi qui suis souvent perplexe vis-à-vis de l’art qu’on voit dans les salles d’expo et autant ignorant qu’un autre, me retrouver face à des oeuvres qui me parlent, souvent réalisées par des jeunes artistes et dont la technique était parfois à couper le souffle a été comme une révélation.

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Turf One, « Gueule d’amour »

Le Spacejunk arts center s’est quant à lui donné comme objectif de défendre la culture graphique issue des sports de glisse. Une mission sacrée, comme quiconque a été immergé dans la culture skate le sait.

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Mu Pan, « Tylosaurus and the 108 Outlaws » (détail)

>>>>>>>>>> SPACEJUNK GALERY

 

« Le punk est un jeu d’enfant » (Pouet – Brise-Glace, 22 oct.)

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Pas de pitié pour les bambins ! Pouet a mené son concert au Brise-Glace pied au plancher, devant un public enthousiaste où la parité enfants-adultes était parfaitement respectée.

A peine entré sur scène, le bassiste lance une rythmique punk soutenue. Distortion, volume poussé – dans la limite acceptable avec des enfants. Entre les morceaux, blagues qui s’enchainent. Pouet prend les enfants par la main mais ne les prend pas pour des mioches.

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C’est que Pouet est un vrai groupe de rock – ou de chanson-zouk-punk-trad, comme on voudra. Un groupe avec des thèmes enfantins, c’est sûr, mais où on retrouve aussi, dans l’expression débridée et l’énergie brute, quelque chose de Pigalle et des Garçons bouchers.

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Impossible d’ailleurs de dire qui des parents ou des enfants goûtent le plus les « tubes » du groupe.

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« Pouet », bien sûr, et ses airs de fest-noz électrique malgré un problème de pile de la vielle à roue. Ou « Dans la salle de la cantine de la rue des Martines », version enfantine du fameux morceau de Pigalle, acclamée par les parents ravis. Seul petit regret : l’absence de « En boîte », disco goguenard dont il aurait été intéressant de voir l’effet sur la salle – où alors je l’ai raté lors d’une des multiples pauses pipi de ma fille.

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Dans la fosse, d’abord assis puis de plus en plus debout au fil du concert, les bambins le regardent avec un œil amusé et un brin incrédule. Ce gros garçon aux cheveux rasés, qui raconte des trucs rigolos et gonflés (« Moi, j’aime pas ma maman ! »), qui se met en scène dans des chansons où on a le droit d’être gourmand (« A y est, c’est bientôt l’heure du goûter »), maladroit (« J’ai deux mains gauches », « Moi j’aimerais, comme à la télé, jouer au foot avec les pieds ») et d’aimer les choses sales et bruyantes (« Si on m’avait dit que c’était çà la campagne »). Il sort de temps à autre des instruments tous aussi incroyables les uns que les autres, dont il égrenne les noms avec gourmandise : un violon minuscule, un flutiau irlandais, un biniou antique qui « fait un son absolument horrible » et bien d’autres. Il a l’âge de papi mais on a surtout très envie qu’il devienne un copain.

Alors on jette un coup d’oeil en arrière, vers les parents, l’air de dire « Je peux ? » Et on se lève, on s’avance vers la scène et, au milieu de nouveaux copains et copines, on va danser et voir d’un peu plus près ces musiciens, qui nous parlent comme personne d’autre.

Les super photos sont toutes de Gilles Bertrand. Grand merci à lui et salut !

Untitled With Drums « Self-titled »

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Untitled With Drums est une formation relativement récente – ils existent depuis 2014 – et ce « Self-titled » est leur première sortie discographique. Curieusement, j’avais entendu parler de post-punk à leur propos alors que dès la première écoute, c’est plutôt à de la noisy-pop – façon Ride – qu’ils m’ont immédiatement fait penser.

Sept morceaux très homogènes composent ce disque. Une musique puissante, bloquée dans des tempos plutôt lents, mais que la voix lointaine aux mélodie douces-amères maintient dans une sorte d’apesanteur et de légèreté.  Encore une fois très proche de Ride, même si la référence du groupe semble être surtout True widow. Cette voix vibrante a l’art de faire décoller des mélodies sans effort apparent comme dans « Sequestrated » ou « The sun », où l’on perçoit le lointain rayonnement de Nirvana. Le son – rythmiques massives, distortions amples – est excellent, surtout pour une première réalisation. Un bon son, un son abouti, c’est un avantage et en même temps c’est un test pour la musique d’un groupe . Test que les compositions épurées d’Untitled With Drums passent haut la main. Car son écriture dépouillée, toute en retenue mais affirmée et sûre quand il le faut, est la grande force du groupe. Elle sait laisser parler les respirations, faire deviner des vides et cette part sombre donne du corps à une musique qui pourrait n’être que pop.

Pas d’agressivité, donc – ce n’est pas dans les gènes du groupe – mais plutôt un spleen latent, parfois aérien et tout en apesanteur comme sur la « Lullaby for satellites », parfois poisseux et qui colle aux semelles sur « Pushaway » et ses arpèges dissonants. Ou encore plus sur le douloureux et très beau « To the bone ». Le groupe se paye même le luxe d’un morceau plus énervé, « Nothing left », en fin de course et  qui ne dépareille pas une seule seconde. La nonchalance d’Untitled With Drums hésite entre la douceur et une émotion poignante et indicible. Et, au final, a énormément de charme.

Je succombe.

>>>>>>>>>> UNTITLED WITH DRUMS