Happening full power (Toutes les photos sont de Geoffrey Martin, voir plus bas)
Le concert d’Happening commence par un faux départ. Peut-être de nervosité, le batteur casse le ressort de sa pédale de grosse caisse. Ce sera l’unique faux-pas du trio : le reste du set est exécuté de manière implacable.
Happening, c’est un peu le power-trio par excellence. Chacun à son poste, pas de filet ou de solution de remplacement. On avance en rang serré, le groupe fait corps, avec notamment une basse-batterie inébranlable, qui martèle son propos sans une note ou un coup de caisse claire en trop.
La musique nerveuse du trio alterne riffs anguleux et montées en puissance mélodiques, moments suspendus et explosions de fureur. Les ambiances se télescopent et se succèdent de manière aussi mouvante et imprévisible que la grosse mer de la pochette de leur tout nouveau disque.
L’énergie explosive du trio, son attitude sur scène, son contact chaleureux avec le public (plutôt le fait d’Anthony, le chanteur, il faut bien le dire), tout sent la sincérité et l’envie d’en découdre. La petite scène du café de Chateau-Rouge permet une proximité qui va bien au groupe et permet de prendre sa mesure.
… A peine le temps de commander une bière qu’on a déjà raté les tout premiers moments du set de Therapy? A vrai dire, je n’avais pas d’attente particulière vis-à-vis du concert de ce vieux groupe irlandais. J’aime bien les premiers disques, la période un peu plus noise-rock, avant le coming out pop de Troublegum. J’assiste donc, sceptique ou presque, aux premiers titres du groupe. Les morceaux sont souvent limpides, il y a un vrai talent pour écrire des hymnes power-pop – je fais exprès d’exagérer un peu, le groupe était labellisé « métal » par Chateau-rouge… – des hymnes, donc, au ton faussement enjoué, aux mélodies souvent douce-amères. Mais enfin, ces riffs simples, alignés, ces progressions d’accords, on a parfois un peu l’impression de les avoir entendus mille fois. Et de limpide, Therapy? semble tout-à-coup un groupe trop évident, transparent.
Ladies and gentlemen : Mister Andy Cairns
Mais…
Mais ?
Mais.
Mais les gars savent y faire. Mais la sauce prend. On ne sait pas comment mais, au fil du concert bien rodé, l’énergie monte peu à peu. L’hymne tout à coup, sans qu’on en ait vraiment pris conscience, s’est mis à vibrer. Alors oui, certes, Andy Cairns raconte toujours les mêmes conneries (ça fait 23 ans que « son français est merde », selon un observateur avisé). Oui, ça lève son instrument au ciel à tout bout de champ en signe de domination du stade. Ca fait chanter le public et ça place des vieux tubes au bon moment pour arracher des soupirs d’aise téléphonés. Mais, à y réfléchir, l’oeil exhorbité de Cairns et sa voix de petite fille apeurée ne sont pas si lisses que ça et l’enthousiasme des musiciens est vraiment entraînant. On sent qu’ils prennent plaisir à organiser cette fête païenne et bon enfant, où l’on célèbre sa névrose dans le pogo et la bonne humeur.
Quel pied de réentendre Teethgrinder et d’autres morceaux de ce dance-rock répétitif et froid issu de l’album Nurse ! Un petit bout d’I wanna be your dog aussi, qui viendra pimenter le set (Pourquoi juste un bout, d’ailleurs ? Je les ai haïs à ce moment-là…), déclenchant un pogo immédiat. Et la reprise de Diane (avec le violoncelle enregistré), prenante et belle, même si leur version n’est pas aussi déchirante que l’original d’Husker-Du.
Les titres se sont enchainés et la pression n’a cessé de monter pour atteindre ce joli moment d’ivresse sonique qui vous laisse pantelant, lorsque le groupe a quitté la scène et que les lumières crues ont à nouveau envahi la salle, à gueuler pour qu’ils reviennent, qu’ils en donnent encore. Et oui, Therapy? reste une belle bête de scène…
PS Cet article est une « coproduction » entre Rad-Yaute et le webzine Rictus (http://rictus.info/mag). Un webzine coopératif et non-profit tout azimuts intéressant.
PPS Les photos sont copyright Geoffrey Martin : http://www.geoffrey-martin.com/. Merci à lui.