« Les kids ont toujours la rage » (Happening, Sick of it all – Brise-Glace, 17 juin)

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Pour inaugurer la soirée, Happening avaient mis leurs plus beaux costumes de mangeurs d’enfants – à moins que ce soit en référence aux jumeaux dans Alice au pays des merveilles, auxquels ils ressemblaient aussi. Je dirais bien que le trio revenait affuté de leur série de concerts, notamment la tournée française avec les anglais de Kidbrother, mais en fait ils ont toujours été affutés, affutés comme des lames d’opinels sortant de l’usine.

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Les voir sur scène permet de se rendre compte combien leur musique est ambitieuse, à la fois technique, abrupte, et en même temps très construite et sous forte influence mélodique. Même si Anthony, le chanteur, a toujours cette façon d’engueuler gentiment son public, les gens présents leur ont bien fait la fête.

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On pouvait s’attendre à ce qu’un groupe célébrant ses 30 années d’existence et habitués des méga-festivals ne fasse qu’une bouchée d’une salle modeste comme le Brise-Glace. Eh bien, c’est exactement ce qui s’est passé.

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Sick of it all attaque d’entrée de jeu avec trois titres ultra-rapides qui mettent le feu à la salle, avant d’enchaîner sur des morceaux plus punk-rock, plus entrainants comme le tube « Stepdown », qui parsèment leur set.

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Sick of it all, c’est une référence incontournable du hardcore new-yorkais. Leur musique emprunte à la fois au punk et au métal sans jamais perdre son identité hardcore, son côté direct et percutant. Le groupe a toujours maintenu, à ma connaissance, une attitude à la fois rageuse, réfléchie et accessible, perceptible dans leurs textes et dans leur présence sur scène.

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Pas de violence gratuite. La rage, mais aussi l’enthousiasme d’être là ensemble. En 2016 exactement comme en 1994, la première fois que je les avais vus et où ils avaient répondu aux questions d’un fanzine obscur, montrant pour toujours aux kids ébahis qu’on était que le hardcore est une musique qui appartient à ceux qui l’écoutent…

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Dans la fosse, c’est l’apocalypse. Pogo, slams et circle pits s’enchainent. Si quelques-uns croient encore que pogo rime avec violence, le bon esprit a pris rapidement le dessus. Les gens se soutiennent, se relèvent, font attention les uns aux autres – il y a quand même dû y avoir quelques articulations douloureuses le lendemain. Ca ne valait peut-être pas les fameuses « Sunday hardcore matinees » du CBGB à New-York mais je crois qu’on peut quand même dire qu’on s’est bien amusés !

Dans la salle bien remplie, les générations se croisent. Certains découvrent le groupe, voire assistent à leur premier concert de hardcore, et beaucoup d’autres, actifs dans la scène aujourd’hui ou par le passé, ont fait le déplacement pour ce que représente le groupe. Sur un certain réseau social, j’ai vu passer le hashtag #annecyhardcorecity. On y croirait presque…

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Enfin pour que ce soit vraiment vrai, ce serait encore mieux que les concerts d’Underground family – le collectif qui fait qu’une scène punk indépendante existe – fassent le plein. Et puis si la ville était submergée par une nouvelle vague de groupes de hardcore, ça serait bien, aussi.

Hardcore… ou quelle que soit la forme que les kids utilisent pour crier leur rage et leur envie d’une vie différente aujourd’hui.

Toutes les photos de SOIA sont de K’s photography. Merci Karine !

« Aujourd’hui la salle de répète, demain l’univers. » (Interview Happening)

 

Rencontre avec Anthony (guitare/chant), Bastien (batterie) et Martin (basse) : les hommes derrière la boule de nerfs dont le nom est Happening.

 

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Martin, Bastien et Anthony avant leur concert à Chateau rouge

Pouvez-vous me parler un peu de ce que vous avez fait avant Happening ?

Anthony : J’étais dans un groupe qui s’appelait Arteries Shaking avec Martin. Au départ, Happening, c’était Bastien et moi, on écrivait des morceaux, on s’essayait à de nouvelles choses. Puis on a demandé à Martin de faire la basse.

Bastien : Moi, j’avais un groupe de pop-punk, Pin-Up explosion. Des chansons de skateboard… En fait, on s’est connu à l’école de musique. À la base, Anthony et moi, on faisait des reprises de Rammstein (rires)…

Anthony : Puis à un moment on s’est dit qu’il était peut-être temps de faire quelque chose de concret, on a proposé à Martin de nous rejoindre et c’est comme ça que c’est né.

Vous considérez Happening comme votre projet le plus sérieux ?

Anthony : Clairement. Les autres projets étaient sérieux mais on a appris grâce à eux et on essaye de faire le moins d’erreurs possibles – même si on en fait malgré tout, mais moins qu’avant, peut être de manière plus réfléchie. Je pense que c’est le projet sur lequel on va le plus loin, sur lequel on se dévoile et sur lequel on s’investit pour de vrai.

 

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Interview Happening – Tom à la captation (Photos DR Geoffrey Martin)

 

Vous venez de sortir un album. Pouvez-nous dire un peu dans quelles conditions ça s’est fait ?

Anthony : Il est sorti via Send the wood music, un label de Montpellier, qui a sorti d’autres groupes très cools, genre Gnô, un des groupes dans lequel jouait avant Christophe Godin. On les a connus par le biais d’Arteries Shaking. On leur a proposé de sortir l’album et ça s’est fait. Il est distribué par toutes les plateformes connues, style Itunes, Amazon, Spotify, toutes ces saloperies qui ne servent à rien à notre échelle (rires) ! Si vous voulez acheter un album physique, faut venir nous voir jouer, ou le commander sur le shop du label, ou sur le nôtre !

Est-ce que vous pouvez nous parler de votre lien avec le Brise-Glace ?

Anthony : On les avait rencontrés avec Arteries shaking. Pour moi, on s’en est fait des amis, des alliés… C’est grâce à eux qu’on joue aujourd’hui. On a enregistré les voix de notre premier EP chez eux, des bonus acoustiques, ils nous ont suivis, nous ont placés sur certains plans. On a retravaillé avec eux pour l’album et on a fait une résidence récemment, avec Tom, qui est l’ingé-son sur les plans comme aujourd’hui. C’est clairement notre salle de coeur !

Bastien : Concernant le boulot de résidence, on a surtout bossé sur le son du groupe, sur des plateaux qui en valent la peine, avec du vrai matos et surtout avec Tom.

Anthony : J’ajoute que quand on parle de « plateaux qui en valent la peine » c’est juste qu’il y a des salles qui permettent plus de choses que d’autres, qui demandent plus de travail. Mais, tous les plateaux en valent la peine. Jouer dans une cave est tout aussi important que faire une grosse SMAC. L’important, c’est les gens… Comme disait Bastien, on a passé du temps à bosser sur le son, sur l’identité du groupe. A travers le matériel, il faut arriver à un son qui sonne un peu comme si on jouait dans notre salle de répète, en plus travaillé évidemment. On cherche un rendu qui nous ressemble, qui ressemble au dernier disque qu’on a sorti.

Est-ce que vous pouvez avoir l’impression d’être formatés dans ces résidences, d’une manière ou d’une autre, d’avoir une pression par rapport à ce que vous aviez envie d’amener ou d’être ?

Anthony : Si on ne connaissait personne, on se serait peut-être sentis dépendants, on aurait peut-être cherché à se comporter comme comme on nous demandait de nous comporter mais là c’est pas du tout le cas. Si on a envie d’aller fumer un clope et de rien faire pendant dix minutes, personne va nous emmerder. Ce sont des collègues, des copains, du coup quand l’un a envie de faire une pause, l’autre a aussi envie, et quand l’un a envie de bosser, ben l’autre, c’est pareil. Il n’y a aucune contrainte… Dans la mesure du raisonnable évidemment. Là-bas, on se sent toujours à la maison. Les conditions sont chouettes et personne ne nous a jamais mis la pression. Je pense que c’est pour ça que ça se passe si bien.

 

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Interview Happening – Finalement, c’est un double Tom

Sur votre site, vous décrivez votre groupe comme « alternatif ». En quoi est-ce que vous êtes alternatifs ? Le punk, ça signifie quelque chose, pour vous ?

Bastien : Les deux formations qu’on avait avant étaient deux groupes punk, pop-punk ou autre…

Anthony : Le punk, nous concernant, c’est plus une énergie qu’on essaie de garder dans nos morceaux qu’un style.

Bastien : On se décrit « alternatif » parce qu’on ne sait pas… Aux yeux de nos grands-parents, on fait du hard-trash-metal-extrême-etc et aux yeux des mecs qui font ça, on fait de la pop. (rires)

Anthony : Dès le départ, on s’est dit qu’on ne voulait pas d’étiquettes, on ne se ferme pas de portes. Si on écrit quelque chose qui ne colle pas esthétiquement à ce qu’on a fait avant, on s’en tape. Quand je regarde les affiches à l’étranger, il y a rarement de style, c’est juste un nom et puis basta. Si les gens veulent savoir ce que c’est, ils vont écouter. Sur notre site, c’est « post-hardcore alternatif », on a rien de post, rien de hardcore et rien d’alternatif. Pourquoi on a mis ça ? Je ne sais pas ! C’est peut-être ce qui s’en rapproche mais, dans l’absolu, on s’en fout. On joue de la musique. On n’a jamais voulu rentrer là-dedans… Si un jour, on veut rapper sur un morceau, on le fera. C’est pas pour autant qu’on se considérera comme groupe de rap ! C’est triste, ce besoin de ranger les groupes dans une case.

Y a-t-il des groupes qui vous tiennent particulièrement à cœur ? Qui vous ont inspirés pour faire ce que vous faîtes, même au-delà de l’inspiration musicale ?

Martin : On écoute plein de trucs. Pas forcément reliés à ce qu’on fait…

Anthony : Martin écoute du rap français ou US en plus d’écouter les mêmes trucs que nous… plus on passe de temps ensemble, plus j’apprécie aussi.

Martin :Moi, j’aime les textes, aussi. Quand j’écoute des groupes comme Norma Jean, ça me parle…

Je pense qu’on s’inspire de toutes les musiques qu’on écoute, on ne compose pas forcément dans tel ou tel esprit. On laisse aller.

Anthony : Le fait de faire quelque chose qui ne parle pas forcément à tout le monde vient sûrement de ça. On se nourrit d’un tas de trucs différents. Après, s’il y a un groupe auquel on nous compare très souvent, c’est Thrice. J’en suis plutôt fier parce que c’est un de mes groupes préférés, même si je n’ai jamais eu l’impression de m’inspirer d’eux pour composer, c’est peut-être inconscient.

Vous êtes contents de jouer avec Therapy?

Bastien : Moi, je ne connaissais pas avant mais on est content parce que c’est des gros papas avec une carrière remarquable. C’est cool de jouer avec des pointures comme ça.

Anthony : C’est après avoir accepté la date qu’on a découvert qui était Therapy ?, qu’on s’est rendu compte de la notoriété qu’ils avaient, de l’impact qu’ils ont eu sur d’autres générations. On est contents et fiers. Il n’y a pas si longtemps on était dans notre salle de répète à envisager de fonder un groupe et aujourd’hui on nous demande de faire la première partie de Therapy? dans une super salle, dans des conditions qui sont tops. A notre petite échelle, c’est hyper motivant. On est juste ravi. Merci Château Rouge ! Bisou Therapy? !

Est-ce que vous avez d’autres activités autour de la musique ou en lien avec ce milieu-là ?

Martin : Moi, je suis président de la MJC d’Aix-les Bains, là où on répète.

Anthony : On a pas peur de dire que chez nous, il se passe pas grand-chose à l’exception d’un gros festival et d’un événement sur une semaine que notre mjc organise. Sinon, il se passe rien du point de vue de la musique rock. Du coup, Martin a voulu s’impliquer pour essayer de faire changer les choses, les avis, les préférences. Même si évidemment, il n’y a pas que le milieu de la musique à faire évoluer. Encore une fois, à notre petite échelle, on tente des trucs.

Bastien : Je fais de la vidéo, de la photo et du graphisme. Tout ce qui tourne autour de ça.

Anthony et Bastien : C’est lui qui a fait la pochette de l’album, nos clips avec parfois une aide extérieure, nos visuels pour un peu tout ce qu’on fait. Faut le dire, même s’il n’ose pas se mettre en avant. (Rires)

Bastien : Et puis, je vais parler d’Anthony – vu que lui parle de moi -, lui, il sait se servir de Protools maintenant (rires). Il a fait les guitares et les basses de l’album chez lui… On a tous un peu développé des compétences pour faire avancer le groupe et celle-ci nous permettront peut-être d’évoluer en dehors également.

Anthony : Faire les choses nous-mêmes, ça nous permet d’économiser de l’argent et d’arriver à un résultat qui nous plaît vraiment. Plus le temps passe et plus on devient autonome, j’espère qu’à terme, on n’aura juste besoin d’un petit groupe de gens autour de nous avec qui tout gérer.

Pour revenir à Aix-les-Bains, est-ce qu’il y a d’autres groupes dont vous vous sentez proches et dont vous voudriez parler ? Est-ce que vous faîtes partie d’une scène ?

Martin : Il y a quelques groupes sur Aix-les-bains, mais pour trouver des gens qui ont des goûts musicaux et des ambitions qu’on partage un peu, c’est plus sur Lyon. Il y a Directors Cut, avec qui on a déjà joué et avec qui on rejouera.

Anthony : Ils avaient ouvert pour nous pour la sortie de l’album, avec d’autres potes, du nom d’Above the North, c’est un groupe de melodic-hardcore de Lyon. Il y a aussi Tusk qui vaut bien le coup.

Bastien : Y’a aussi Space fisters, j’étais en musique étude avec eux, qui se bougent le cul pour faire du son.

Est-ce que vous lisez des fanzines ou des blogs ?

Bastien : Euh, j’avoue que…

Martin : Un peu Altnews ou quand on parle de nous, mais pas trop au courant non plus…

Bastien : Plutôt les pages Facebook…

Anthony : Moi, par contre, je lis un tas d’articles, que ce soit des petits fanzines ou des gros sites. Pas un site en particulier mais un peu tout ce qui passe, si un titre me plaît, je lis. Je passe du temps là-dessus. C’est peut-être un peu plus mon rôle dans le groupe… Puis ça fait des histoires à raconter. Parfois trop. (rires)

C’est quoi, vos projets pour la suite ?

Anthony : Faire un concert sur une autre planète, pour l’équipe de Stargate SG-1. (Rires)

Bastien : On booke une tournée pour le mois de février., avec un groupe anglais, Kidbrother. Puis ensuite tourner le plus possible…

Anthony : On veut aussi faire un max de clips. Diffuser nos morceaux par le biais de la vidéo, parce que c’est plus intéressant qu’un simple fichier audio. Et puis à terme, refaire un disque… mais pas tout de suite, hein.

Martin : Le projet, c’est de devenir les maîtres du monde ! D’aller le plus loin possible.

Anthony : D’aller là où on veut aller, essayer de séduire les gens pour que notre vie tourne autour des concerts, des tournées… et essayer d’être fiers de ça quand on sera vieux, ou morts.

Anthony, j’ai vu que tu avais un projet qui s’appelle Mental Jail…

Anthony : C’est un duo accoustique, un peu plus accessible qu’Happening en terme de style, avec Anthony Arbet qui était un membre d’Arteries Shaking. On va enregistrer prochainement. J’y crois vraiment, je suis assez content de ce qu’on fait tous les deux. C’est deux guitares acoustiques, un pedal-board et deux chants. Bastien va s’occuper de tout le visuel et Martin écrira peut-être des textes pour nous. Qui sait ? C’est un truc qui me tient à coeur et je pense que mes frangins d’Happening en feront partie d’une certaine façon…

https://happening.bandcamp.com/

PS Cette interview est la suite de ma collaboration avec Rictus (http://rictus.info/aujourd-hui-la-salle-de-repete.html) – il y en aura probablement d’autres ! – et toutes les photos sont copyright Geoffrey Martin. Merci à lui ! (http://www.geoffrey-martin.com/)

« Toujours pas guéris » (Happening, Therapy ? – Chateau-rouge, 28 janv)

 

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Happening full power  (Toutes les photos sont de Geoffrey Martin, voir plus bas)

Le concert d’Happening commence par un faux départ. Peut-être de nervosité, le batteur casse le ressort de sa pédale de grosse caisse. Ce sera l’unique faux-pas du trio : le reste du set est exécuté de manière implacable.

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Happening, c’est un peu le power-trio par excellence. Chacun à son poste, pas de filet ou de solution de remplacement. On avance en rang serré, le groupe fait corps, avec notamment une basse-batterie inébranlable, qui martèle son propos sans une note ou un coup de caisse claire en trop.

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La musique nerveuse du trio alterne riffs anguleux et montées en puissance mélodiques, moments suspendus et explosions de fureur. Les ambiances se télescopent et se succèdent de manière aussi mouvante et imprévisible que la grosse mer de la pochette de leur tout nouveau disque.

L’énergie explosive du trio, son attitude sur scène, son contact chaleureux avec le public (plutôt le fait d’Anthony, le chanteur, il faut bien le dire), tout sent la sincérité et l’envie d’en découdre. La petite scène du café de Chateau-Rouge permet une proximité qui va bien au groupe et permet de prendre sa mesure.

 

… A peine le temps de commander une bière qu’on a déjà raté les tout premiers moments du set de Therapy? A vrai dire, je n’avais pas d’attente particulière vis-à-vis du concert de ce vieux groupe irlandais. J’aime bien les premiers disques, la période un peu plus noise-rock, avant le coming out pop de Troublegum. J’assiste donc, sceptique ou presque, aux premiers titres du groupe. Les morceaux sont souvent limpides, il y a un vrai talent pour écrire des hymnes power-pop – je fais exprès d’exagérer un peu, le groupe était labellisé « métal » par Chateau-rouge… – des hymnes, donc, au ton faussement enjoué, aux mélodies souvent douce-amères. Mais enfin, ces riffs simples, alignés, ces progressions d’accords, on a parfois un peu l’impression de les avoir entendus mille fois. Et de limpide, Therapy? semble tout-à-coup un groupe trop évident, transparent.

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Ladies and gentlemen : Mister Andy Cairns

 

Mais…

Mais ?

Mais.

Mais les gars savent y faire. Mais la sauce prend. On ne sait pas comment mais, au fil du concert bien rodé, l’énergie monte peu à peu. L’hymne tout à coup, sans qu’on en ait vraiment pris conscience, s’est mis à vibrer. Alors oui, certes, Andy Cairns raconte toujours les mêmes conneries (ça fait 23 ans que « son français est merde », selon un observateur avisé). Oui, ça lève son instrument au ciel à tout bout de champ en signe de domination du stade. Ca fait chanter le public et ça place des vieux tubes au bon moment pour arracher des soupirs d’aise téléphonés. Mais, à y réfléchir, l’oeil exhorbité de Cairns et sa voix de petite fille apeurée ne sont pas si lisses que ça et l’enthousiasme des musiciens est vraiment entraînant. On sent qu’ils prennent plaisir à organiser cette fête païenne et bon enfant, où l’on célèbre sa névrose dans le pogo et la bonne humeur.

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Quel pied de réentendre Teethgrinder et d’autres morceaux de ce dance-rock répétitif et froid issu de l’album Nurse ! Un petit bout d’I wanna be your dog aussi, qui viendra pimenter le set (Pourquoi juste un bout, d’ailleurs ? Je les ai haïs à ce moment-là…), déclenchant un pogo immédiat. Et la reprise de Diane (avec le violoncelle enregistré), prenante et belle, même si leur version n’est pas aussi déchirante que l’original d’Husker-Du.

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Les titres se sont enchainés et la pression n’a cessé de monter pour atteindre ce joli moment d’ivresse sonique qui vous laisse pantelant, lorsque le groupe a quitté la scène et que les lumières crues ont à nouveau envahi la salle, à gueuler pour qu’ils reviennent, qu’ils en donnent encore. Et oui, Therapy? reste une belle bête de scène…

PS Cet article est une « coproduction » entre Rad-Yaute et le webzine Rictus (http://rictus.info/mag). Un webzine coopératif et non-profit tout azimuts intéressant.

PPS Les photos sont copyright Geoffrey Martin : http://www.geoffrey-martin.com/. Merci à lui.

Happening, « In the middle of the seas »

 

Happening courant

Mon coeur balance au moment d’écrire une chronique du premier album d’Happening, « In the middle of the seas », et je pense qu’il balancera jusqu’au bout… Pourtant j’ai bien envie de parler du disque de ce groupe : je les ai vus une seule fois en concert (avec Lofofora, au Brise-Glace) et c’est un souvenir excellent.

Pas facile de décrire la musique du trio d’Aix-les-Bains (il me semble), qualifiée de « post-hardcore » sur leur site. En gros, Happening fait partie de ces groupes mélangeant la puissance de riffs métal et mélodies, parfois à la limite de l’émo. Le chouette son de cet enregistrement, qui a gardé un côté abrasif (quoique je t’aurais bien parfois gonflé un peu la basse…) lui permet d’exprimer sa puissance de feu.

Car Happening est un groupe ultra percutant. Ca joue serré, tout en place, ça s’arrète net pour mieux t’exploser à la face ensuite. Sur scène, faut bien dire ce qui est, le trio fait carrément de l’effet. Même Reuno, le sympathique chanteur de Lofofora, avait fait des commentaires enthousiastes au micro. A ce niveau-là, on peut parler d’une certaine maîtrise et d’ailleurs les morceaux se permettent d’emprunter à différents styles sans perdre en personnalité (riff un poil hard rock dans Crisis, par exemple…)

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Ils sont que trois mais ils sont tous à bloc, y’en a pas un qui soit en dessous des autres et sans en faire des tonnes non plus. On sent un groupe hyper soudé, sincère, qui cherche à créer une musique organique qui exprime autant la colère que l’espoir ou la sérénité… Les morceaux sont très portés par le chant, qui est bon – fait assez rare pour être souligné – et dont certaines lignes me rappellent parfois les Burning heads, sur Love it strong, love it wrong, par exemple. C’est marrant parce que le style n’a pas grand-chose à voir… Quoique… En remplaçant la base metalcore par une base punk-rock…

Bon, je vais nuancer un peu… C’est un cliché de dire qu’un groupe a les défauts de ses qualités, mais je trouve qu’il y a quand même un peu de ça… Chaque morceau fourmille d’idées et d’énergie mais – OK c’est peut-être juste une histoire de préférence personnelle – me laisse toujours l’impression qu’aucune idée n’est exploitée totalement à fond. Et qu’on évolue un peu systématiquement d’un couplet rageur vers un refrain inspiré et mélodique. Je sais que c’est le style qui veut ça mais personnellement j’aime bien les groupes qui creusent un truc, qui laissent une ambiance s’installer, quelque chose monter, quitte à surprendre après. Plus sournois, peut-être.

Avec Happening, au contraire, chaque morceau dit rapidement ce qu’il a à dire, l’ambiance est très vite posée et ne se dément pas. Finalement, la musique d’Happening est à l’image de la pochette de leur disque (une vague qui se brise) : dans le mouvement, l’émotion, toujours à son apogée, son point de rupture.

Mais le milieu des mers, c’est aussi les profondeurs sombres et, en ce qui me concerne, le titre ne tient pas tout à fait ses promesses de ce côté-là. Encore un fois, je pense que c’est affaire de ressenti personnel… je suis sûr que la musique de ce groupe parlera a de nombreuses personnes, comme elle le fait déjà. Et j’espère en tous cas avoir convaincu que ça vaut largement une petite écoute et surtout de se donner la peine de se déplacer si ils passent par chez vous (par exemple le 28 janvier à Chateau-Rouge avec Therapy?). Ca sera déjà pas si mal…

Happening, « In the middle of the seas » (Send the wood music).

https://happening.bandcamp.com/album/in-the-middle-of-the-seas