Worst in me, « A long way home » (Bad mood records/Inhumano/Don’t trust the hype/Ashes cult)

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« A long way home » est le premier EP du quintet Worst in me, basé à Genève. La version vinyle est sortie conjointement sur plusieurs labels tandis qu’une version cassette en édition limitée était éditée par Ashes cult, micro label récent dont Xavier, le bassiste du groupe, est partie prenante.

« Living with decency », le morceau d’ouverture, donne le ton, avec une jolie partie hardcore rapide, un break sombre qui pourrait rappeler Neurosis et son riff metalcore final. Le style du quintet est en effet un dosage varié de différents ingrédients du hardcore depuis, disons, une vingtaine d’année et les 6 morceaux qui composent ce EP sont remarquablement homogènes.

On y trouve une forte composante mélodique et émotionnelle, comme sur « Profit on mankind » et son  mid-tempo presque pop-punk, ou dans « Citizen X » où la voix parlée me rappelle un morceau d’un des tout premiers groupe emocore (ou screamo, ou hardcore DIY, comme vous voudrez, on s’en fout) français : Finger print (1994…).

Mais le hardcore de Worst in me sait aussi être puissant ou lourd et travailler ses ambiances avec des parties lentes striées de guitares bloquées sur des notes suraigues, typiques du post-hardcore. Les mélodies et progressions d’accords ne sont pas toujours très originales… mais est-ce le but?

Quant à la voix, je ne peux pas m’empêcher de penser à Roger Miret d’Agnostic front tant certaines attaques sont proches. Ces intonations sont d’ailleurs assez répétitives et c’est un autre reproche qu’on peut faire au groupe.

En fait, si on devait résumer shématiquement ce disque, on pourrait même dire qu’il ressemble à ce qui se passerait si Agnostic front faisait de l’emo (la greffe peut sembler improbable, mais je dis ça sans moquerie aucune !)  Du hardcore intense, sincère et concerné, comme tout hardcore devrait l’être.

Worst in me, « A long way home » (Bad mood records/Inhumano/Don’t trust the hype/Ashes cult)

https://worstinme.bandcamp.com/

White noise, DUB[IOUS]

 

Dubious-Front

La musique de White noise me rappelle une article du fanzine Octopus*, qui appelait de ses vœux les metissages musicaux à venir, les hybridations à peine imaginables aujourd’hui… Leur post-rock/dub-electro se situe clairement dans un sillon apparu depuis, creusé d’abord par d’illustres ainés – Mogwaï et autres géants post-rock en tête -, envers lesquels ils reconnaissent clairement leur dette.

Post-rock et dub-electro, donc. Les grandes étendues mélancoliques et l’hallucination syncopée main dans la main. White noise tente de tisser les deux fils sur ce premier EP 5 titres, qui semble vouloir démontrer l’étendue des ambitions du groupe, chaque morceau ayant une identité propre.

Dubious, le morceau éponyme, est celui qui m’a le plus enthousiasmé. C’est clairement le plus poignant, avec son joli gimmick de guitare esseulé, répété inlassablement dans une lente montée en puissance bien mogwaïenne. Des couches de basse grasses viennent ajouter du trouble et de l’épaisseur dans ce paysage désolé qui s’embrase peu à peu.

Hormis I wanna see your face, qui lorgne vers un trip-hop fusion musclé, je ne retrouverai pas la même tension sur le reste du disque. Les autres morceaux mettent davantage en avant le côté electro du groupe. Sur Organ donor, les synthés se font sucrés, tandis que la ballade un peu terne Drug users never loose their cool me semble manquer de colonne vertébrale. Aging and dying tient son programme dub-rock-electro, peut-être de façon un peu rectiligne.

Ces titres n’évitent pas toujours le défaut qui guette toute musique instrumentale : être une bande-son qui attend son action (de ski, plus précisément, le groupe étant sponsorisé par les stations Grand-Massif). Cette impression est accentuée par le son très pur, presque transparent. Pas de plongée vertigineuse dans les infrabasses ou les effets ici, mais cette production, qui donne un caractère intimiste bienvenu sur certains titres, pardonne moins sur d’autres passages.

Ce 1er EP fait donc clairement la démonstration du savoir-faire de White noise et donne aussi parfois l’impression que le groupe colle un peu trop à son milieu et à son temps. La suite leur laissera tout le temps de pousser leurs explorations. Aussi loin qu’ils le voudront.

White noise, DUB[IOUS] (Wolf records, 2016)

http://www.wearewhitenoise.fr/

* Tiens, un peu d’histoire sur les fanzines Hyacinth/Octopus : http://www.abusdangereux.net/site/2012/11/hyacinth-octopus/

Happening, « In the middle of the seas »

 

Happening courant

Mon coeur balance au moment d’écrire une chronique du premier album d’Happening, « In the middle of the seas », et je pense qu’il balancera jusqu’au bout… Pourtant j’ai bien envie de parler du disque de ce groupe : je les ai vus une seule fois en concert (avec Lofofora, au Brise-Glace) et c’est un souvenir excellent.

Pas facile de décrire la musique du trio d’Aix-les-Bains (il me semble), qualifiée de « post-hardcore » sur leur site. En gros, Happening fait partie de ces groupes mélangeant la puissance de riffs métal et mélodies, parfois à la limite de l’émo. Le chouette son de cet enregistrement, qui a gardé un côté abrasif (quoique je t’aurais bien parfois gonflé un peu la basse…) lui permet d’exprimer sa puissance de feu.

Car Happening est un groupe ultra percutant. Ca joue serré, tout en place, ça s’arrète net pour mieux t’exploser à la face ensuite. Sur scène, faut bien dire ce qui est, le trio fait carrément de l’effet. Même Reuno, le sympathique chanteur de Lofofora, avait fait des commentaires enthousiastes au micro. A ce niveau-là, on peut parler d’une certaine maîtrise et d’ailleurs les morceaux se permettent d’emprunter à différents styles sans perdre en personnalité (riff un poil hard rock dans Crisis, par exemple…)

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Ils sont que trois mais ils sont tous à bloc, y’en a pas un qui soit en dessous des autres et sans en faire des tonnes non plus. On sent un groupe hyper soudé, sincère, qui cherche à créer une musique organique qui exprime autant la colère que l’espoir ou la sérénité… Les morceaux sont très portés par le chant, qui est bon – fait assez rare pour être souligné – et dont certaines lignes me rappellent parfois les Burning heads, sur Love it strong, love it wrong, par exemple. C’est marrant parce que le style n’a pas grand-chose à voir… Quoique… En remplaçant la base metalcore par une base punk-rock…

Bon, je vais nuancer un peu… C’est un cliché de dire qu’un groupe a les défauts de ses qualités, mais je trouve qu’il y a quand même un peu de ça… Chaque morceau fourmille d’idées et d’énergie mais – OK c’est peut-être juste une histoire de préférence personnelle – me laisse toujours l’impression qu’aucune idée n’est exploitée totalement à fond. Et qu’on évolue un peu systématiquement d’un couplet rageur vers un refrain inspiré et mélodique. Je sais que c’est le style qui veut ça mais personnellement j’aime bien les groupes qui creusent un truc, qui laissent une ambiance s’installer, quelque chose monter, quitte à surprendre après. Plus sournois, peut-être.

Avec Happening, au contraire, chaque morceau dit rapidement ce qu’il a à dire, l’ambiance est très vite posée et ne se dément pas. Finalement, la musique d’Happening est à l’image de la pochette de leur disque (une vague qui se brise) : dans le mouvement, l’émotion, toujours à son apogée, son point de rupture.

Mais le milieu des mers, c’est aussi les profondeurs sombres et, en ce qui me concerne, le titre ne tient pas tout à fait ses promesses de ce côté-là. Encore un fois, je pense que c’est affaire de ressenti personnel… je suis sûr que la musique de ce groupe parlera a de nombreuses personnes, comme elle le fait déjà. Et j’espère en tous cas avoir convaincu que ça vaut largement une petite écoute et surtout de se donner la peine de se déplacer si ils passent par chez vous (par exemple le 28 janvier à Chateau-Rouge avec Therapy?). Ca sera déjà pas si mal…

Happening, « In the middle of the seas » (Send the wood music).

https://happening.bandcamp.com/album/in-the-middle-of-the-seas

« Ode to a band »

 

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Sous le titre pompeux « nouvel ep en avant première exclusive », un article du webzine Mowno permet actuellement d’écouter deux titres inédits de Condense,  groupe lyonnais défunt il y a bien 20 ans ou presque.*

http://www.mowno.com/non-classe/exclusivite-mowno-ecoutez-le-nouvel-ep-de-condense-en-avant-premiere-du-4-au-10-decembre/

Les deux morceaux « Bacteria » et « Ode to a boss » (les joies du travail salarié et des « petits chefs – un thème cher à Marc, le chanteur, si je me rappelle bien) sont bien représentatifs de ce que fût la noise haletante des lyonnais. Cette voie étouffée sur quelques arpèges dissonants, comme tapis en embuscade, ces gros riffs saignants bricolés entre eux, répétés et répétés (déjà) comme si c’était la seule issue…

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Condense, c’était aussi les textes de Marc. Aussi étouffants que la musique qui lui servait d’exutoire, liant ressenti personnel, envies de révolte et considérations socio-politiques. Assez proches d’une certaine façon des préoccupations de la scène hadcore do it yourself avec laquelle  ils étaient plutôt en froid. Une écriture d’une maturité largement au-dessus de la moyenne, en tous cas.

Même les dessins, réalisés par un des musiciens (qui a dit « Do it yourself » ?), qui accompagnaient les livrets du groupe étaient bien chouettes… Condense, groupe parfait ?

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Quel plaisir de réécouter « Genuflex »… Avec le recul, c’est vraiment un album génial, équilibre idéal entre violence et introspection, que certains groupes atteignent parfois. Pas un morceau qui soit commun, des idées tordues et néamoins limpides. Aaaaahhhh, le punk-rock shizo de « We got power », les lignes atrocement dissonantes de « regress » comme passées en marche arrière, les notes tenues jusqu’à la nausée de « 81 » AAAAAAHHH ! les mélodies magnifiquement désespérées de « Controlled bleeding ou « It’s only basic paranoia »… AAAAAAAAAAHHHHH !

AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAHHHHHHHHHHH !!

Bref, comme vous l’aurez compris, c’était vraiment un beau groupe, que je conseille vivement à ceux qui ne connaissent pas. Et qui me fait dire que quelque part la version « noise » du rock a quelque chose de supérieur musicalement à d’autres versions (punk, garage, hardcore, etc.)… Je sais pas… ces morceaux où tout est possible, mais surtout le plus radical… cette façon de procéder par ruptures, par accidents et par accumulations, de répéter jusqu’à la nausée, juqu’à se faire mal, comme on creuse pour aller déterrer quelque chose… Il y a un truc puissant qui m’enthousiasme là-dedans…

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« Controlled bleeding » (Genuflex)

Voilà… Les disques vont être réédités prochainement par Atypeek music, un hommage largement mérité, et on trouve de chouettes vidéos de concerts sur le net, aussi.

Mangez, maintenant.

 

*Il y aurait beaucoup à dire sur les concepts d' »avant-première » et d »exclusivité » – comme de tout ce qui s’inspire de l’univers le plus commercial – mais personnellement je ne vois pas ce que cela a à faire avec un disque d’un groupe punk, ou d’inspiration punk… Pour la peine, je leur pique leur image…

Illustrations extraites de l’album « Genuflex » (Pandemonium records, 1995)

Taulard – « Les abords du lycée »

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C’est drôle, ce groupe.  Les petites mélodies faciles et rigolotes façon nintendo servies par une basse et un synthé joueurs et les paroles introspectives, concernées et perturbées. Et on balance le tout et ça donne un mélange que je trouve bien personnel. Comme du punk sans se cacher derrière les cris, ou de l’électro avec un cerveau.

Les paroles, c’est un peu pareil. On met en rime toute la vie et on balance. Depuis un hymne au Moucherotte jusqu’à une lettre pleine de remord à une ancienne petite amie ou une histoire d’auto-stop qui tourne presque mal. D’autres choses un peu plus énigmatiques, aussi. Y’a toujours cette spontanéité, cette sincérité un peu sur le fil qui est assez poignante.

Au premier abord, j’avais trouvé l’esthétique du disque peu attirante. En fait, elle correspond totalement à la musique de Taulard. Simple, à la fois réaliste et poétique, avec ses zones d’ombres et surtout ne se souciant pas trop de correspondre à des modes. Le disque est sorti en collaboration avec le label grenoblois Taenia Solium (et aussi Et mon cul c’est du tofu ? Mais c’est pas marqué sur le disque, j’ai pas trop compris…). Il est vendu à prix libre et sent bon le DIY. Y’a un chouette texte dans le livret qui explique les motivations pour sortir ce genre de disque et le choix du prix libre.

Et d’ailleurs, l’album est téléchargeable sur leur site. Trop gentils…

http://taenia-solium.net/cadre.htm

http://taulard.bandcamp.com/

http://taulard.blogspot.fr/

Varsovie, perle sombre

C’était durant une fête de la musique, à Grenoble, il y a déjà quelques années. On se dit que, quand même, on va aller y faire un tour, des fois que… Je m’étais arrêté dans un parc, devant un groupe dont le look plutôt sombre jurait plutôt avec l’esprit festif qui règne lors de cet événement.

La chance de découvrir des groupes, c’est ce qui est génial avec les festivals, et la Fête de la musique est une sorte de festival même si on a peut-être un peu moins de chance d’être surpris qu’ailleurs – d’être happé par quelque chose alors qu’on ne s’y attend pas. Je ne peux pas dire que je sois fan à priori du style de musique que joue Varsovie, mais on s’en fout car j’ai été complètement hypnotisé par leur set.

Varsovie joue un espèce de punk (c’était ça le look dont je parlais plus haut) – maintenant on dit « post-punk » -, un peu new-wave, c’est-à-dire sombre, mélancolique mais également épuré et qui a quelque chose de très juste et comme ciselé au niveau des mélodies. Au milieu des dizaines de groupes de (reprises) rock démonstratifs et braillards qui infestent la fête de la musique, comme c’était bon de tomber sur cette perle sombre !

Deuxièmement, Varsovie chante en français. Et ça sonne, ce qui en fait donc un cas assez rarissime et mérite l’intérêt.cd-1cd-2cd

Je ne me rappelle plus comment je me suis procuré Neuf millimètres, leur CD démo. Ce disque a produit sur moi exactement le même effet que les concerts : un groupe dont je n’attends rien et qui s’impose. Cinq titres parfaits, taillant leur route impeccablement entre montées de fièvres bruyantes et mélodies. Et surtout, surtout : rien à enlever, rien. Juste la moelle, chaque idée à sa place, pas un coup de grosse caisse en trop, rien. Claque.

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Je n’ai pas écouté leur deuxième disque, Etat civil, sorti en 2010. J’ai repris le train avec leur deuxième véritable album L’Heure et la trajectoire, sorti cette année. J’aime toujours, mais ce disque a quelque chose de plus clair. La production est moins abrasive sur certains morceaux, elle arrondit un peu plus les angles. La guitare se fait plus cristalline, la basse plus ronde, et la voix même est plus posée, perdant un peu le côté sale. D’avantage en avant, elle prend des accents rock français, noir désirien sur Hotel Roma ou L’Heure et la trajectoire (et son break aux relents de Joy Division). En tous cas, on peut pas leur reprocher d’avoir peur du lyrisme. Bon, le sentiment d’urgence et de fièvre est toujours là, ça sonne toujours et, personnellement, je me laisse volontiers entraîné par le dance-punk génial de Sunsiaré et son riff robotique. Mon morceau préféré de cet album dansant et lyrique.

PS C’est rigolo, le terme « post-punk » parce que c’est un terme inventé à posteriori pour qualifier une musique déjà ancienne, si on peut dire, et quasiment contemporaine du punk. En gros, si les Sex Pistols sortent leur premier album Never mind the bollocks en 1977, le « post-punk » arrive un an après, avec le premier disque de Joy division en 1978. Ou quelque chose comme ça…

http://varsovie.bandcamp.com/

http://www.thoseopposedrecords.com/

http://www.infrastition.com/index.php/en/

Kiss the bottle – une poignée de titres sur un cd donné dans un concert…

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Pas si facile de trouver une voix vraiment personnelle dans le hardcore. Les groupes se suivent et se ressemblent souvent. Dans tous les groupes qu’il a faits (Peu être, Carther matha, Amanda Woodward, je ne les connais pas tous), Gérôme a toujours fait preuve de créativité. Les paroles de Kiss the bottle reprennent des moments passés vers la Pologne (sauf erreur de ma part), un peu à la manière d’un carnet de voyage, autant dire du jamais vu dans ce style de musique (ça n’engage que moi). C’est rugueux, sale, comme la musique, comme le chant, plus simple et concret que ses paroles d’Amanda Woodward (mieux, à mon avis). Le chant lui aussi a quelque chose de plus posé et sonne davantage sur la musique. Le son est bon, ça envoie du bois mais je trouve que les riffs et les breaks s’enchainent un peu trop vite, de manière un peu automatique. Bref, je ne suis pas toujours fan de la musique mais c’est quand même chouette de voir une voix faire son chemin.
On peut écouter quelques titres ici, j’aime particulièrement « Sévèrement dosé » :
http://www.stonehengerecords.com/kissthebottle/