Ce split est la première production d’un nouveau label de Grenoble, Four4 recordz, et est disponible uniquement en cassette – ce qui fait que je ne le possède pas physiquement, n’étant pas équipé de ce matériel de pointe. Je suis tombé dessus complètement par hasard, autrement je n’en aurais probablement jamais eu connaissance, comme la plupart des gens d’ailleurs.
Archet cassé !, c’est le projet solo de Josselin, le chanteur de Taulard. Difficile d’éviter les comparaisons avec ce groupe vu que l’air de famille est évident. Même rythmes binaires, mêmes synthés qui donnent envie de siffloter, comme un air de game-boy. A y regarder de plus près, les nappes de synthé sonnent quand même un peu plus molles, plus cotonneuses, les sonorités plus synthétiques. La musique a un peu moins d’allant et l’ambiance générale est plus intimiste, accentuant l’impression de solitude.
Le chant a un peu évolué aussi et se permet quelques effets qui lui donnent davantage l’air d’un « chanteur » mais sans qu’il perde non plus ce côté slammeur paniqué, ces lignes un peu bancales et ces rimes à deux balles, qui faisaient tout le charme de l’album de Taulard. Il a ce truc génial de faire sonner des phrases toutes bêtes – « L’endroit où j’ai grandi / était si p’tit / j’pouvais même pas choisir mes amis » – exactement comme, dans un style différent, certains groupes de rock français que j’aime presque malgré moi, les Wampas ou les Shériffs par exemple.
Mais ce qui est le plus captivant, c’est le contraste entre cette musique légère qui s’écoute et se retient en un clin d’oeil et le propos cru des textes. Anecdote glauque dans « Prof de français », douloureuse dans « Grincements ». On retrouve ce contraste dans pas mal de choses qui sortent en ce moment, sauf qu’ici c’est au-delà du style. Récit sans fard du quotidien, auto-analyse désarmante de sincérité des doutes et souffrances du personnage/chanteur au fil d’une année qu’on suit à travers des morceaux comme « la loose » ou « Année de merde ».
Le métier de prof revient comme un fil conducteur dans les morceaux. L’hésitation face à une voie tracée et la perspective de s’éloigner de la musique, de la création, jusqu’à cette fin hallucinante, « J’irai pas à Versailles », où la voix, citant la réponse froide et bureaucratique de l’institution face à la démission, semble perdre tout élan et se crasher dans la torpeur dépressive.
Version sous anxiolytique de Taulard en quelque sorte, Archet cassé !, c’ est un bijou de chanson française-ragga minimaliste et cabossée.
La face Lovataraxx, elle, est assez étrange. Une tonalité globalement new-wave sombre avec un son qu’on croirait tiré tout droit d’un Joy Division, mais les morceaux sont assez hétérogènes. « Ohrwurm » a des allures de titre de Yann Tiersen qui aurait trop tripé sur la bande à Ian Curtis (phrase cliché de chroniqueur de disques n°523), « Hymnel » lorgne du côté de Cure mais avec des choeurs un peu surf et « Roméo » propose un chant français narquois et répétitif. Cette face se termine sur « Idolon », un morceau qui pourrait être la bande-son d’un film d’horreur antique, quand on disait « film d’épouvante ». Bref, il y a tout un monde.
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Split cassette Lovataraxx/Archet cassé !, Four4 recordz, mars 2016.