Dix ans que Young widows, trio américain auteur de quelques albums qui ont fait tourner la tête de la planète noise-rock au milieu des années 2000, n’avait pas foulé le sol européen. Autant dire que leur venue à l’Usine – unique date suisse – était attendue avec une certaine fébrilité, qui n’a fait que redoubler lorsque le nom de Hex est venu s’ajouter à cette affiche flamboyante concoctée par Drone to the bone.
Projections vidéo géométriques sur le groupe. Défilements noir et blanc aveuglants. Grésillements visuels. Esthétique froide et irradiante. Le set de Hex est une expérience intense et envoûtante, esthétiquement très cohérente et aboutie, à l’image de leur premier disque.
La musique des Suisses marie lourdeur écrasante et légèreté éthérée. Rythmiques immuables, implacables, déployant des paysages sonores industriels machiniques, déshumanisés. Impression à peine atténuée par la présence de la chanteuse sur le devant la scène, mince filet de voix, souffle ténu qui circule à travers l’imposante machinerie mise en place par les instruments.
Une musique dans laquelle les gimmicks rocks sont totalement absents, qui ne vous prend pas par la main. Mais qui devient évocatrice et exaltante une fois qu’on y entre.
C’est un peu dans l’expectative qu’on vient voir un concert de Young widows. Faut jouer cartes sur table : les deux premiers albums de ce groupe, qui tracent une ligne directe entre le son de Chicago et celui de Washington DC – soit un axe Touch & Go/Dischord -, constituent une sorte de Graal musical devant lequel toute objectivité est quasi inconcevable. La voix et les inflexions bluesy de la guitare d’Evan Patterson se mariant merveilleusement avec le noise-rock nerveux et chahuteur propulsé par une paire rythmique indéboulonnable.
Mais la discographie du groupe, composée notamment de quatre albums, subit ensuite une inflexion, rencontre un point noir qui se nomme « In and out of youth and lightness ». Un disque dont le groupe lui-même aura du mal à se remettre, se refusant à jouer ces morceaux durant de longues années – comme nous l’apprendra l’interview réalisée l’après-midi, à paraître dans ces pages prochainement. Des contrastes moins marqués, des turbulences apaisées et bien plus rares et un horizon aplani et élargi pour laisser place à un rock hanté, dans les parages de Wovenhand ou de Nick Cave.
Le set s’ouvre avec « Godman » puis enchaine les titres tirés des deux derniers albums. »Young rivers », « Kerosen girl »: des morceaux massifs et fiévreux applaudis par un public fervent. Evan Patterson en frontman habité – qui remercie Hex pour son set fantastique -, le bassiste blanc comme un linge mais cognant ses cordes comme un damné.
N’empêche que, lorsque le groupe entame « Old skin » et « Took a turn », on sent que la tension monte d’un cran, que la fosse se met à s’animer au son du post-hardcore vibrant des débuts. Mais c’est déjà bientôt la fin – il n’y aura pas, sauf erreur, un seul morceau du premier disque (pour ça, il fallait être présent lors des balances, hé hé).
Le public crie son enthousiasme comme si Minor threat venait de finir son premier concert. Le groupe accorde un rappel rapide, sec – « Swamped and agitated », génial – et Evan Patterson débranche déjà ses pédales.
Page tournée.
Rideau.
Toutes les photos sont de Zoltan Novak (Little dot studio). Merci !
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