« Ode to a band »

 

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Sous le titre pompeux « nouvel ep en avant première exclusive », un article du webzine Mowno permet actuellement d’écouter deux titres inédits de Condense,  groupe lyonnais défunt il y a bien 20 ans ou presque.*

http://www.mowno.com/non-classe/exclusivite-mowno-ecoutez-le-nouvel-ep-de-condense-en-avant-premiere-du-4-au-10-decembre/

Les deux morceaux « Bacteria » et « Ode to a boss » (les joies du travail salarié et des « petits chefs – un thème cher à Marc, le chanteur, si je me rappelle bien) sont bien représentatifs de ce que fût la noise haletante des lyonnais. Cette voie étouffée sur quelques arpèges dissonants, comme tapis en embuscade, ces gros riffs saignants bricolés entre eux, répétés et répétés (déjà) comme si c’était la seule issue…

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Condense, c’était aussi les textes de Marc. Aussi étouffants que la musique qui lui servait d’exutoire, liant ressenti personnel, envies de révolte et considérations socio-politiques. Assez proches d’une certaine façon des préoccupations de la scène hadcore do it yourself avec laquelle  ils étaient plutôt en froid. Une écriture d’une maturité largement au-dessus de la moyenne, en tous cas.

Même les dessins, réalisés par un des musiciens (qui a dit « Do it yourself » ?), qui accompagnaient les livrets du groupe étaient bien chouettes… Condense, groupe parfait ?

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Quel plaisir de réécouter « Genuflex »… Avec le recul, c’est vraiment un album génial, équilibre idéal entre violence et introspection, que certains groupes atteignent parfois. Pas un morceau qui soit commun, des idées tordues et néamoins limpides. Aaaaahhhh, le punk-rock shizo de « We got power », les lignes atrocement dissonantes de « regress » comme passées en marche arrière, les notes tenues jusqu’à la nausée de « 81 » AAAAAAHHH ! les mélodies magnifiquement désespérées de « Controlled bleeding ou « It’s only basic paranoia »… AAAAAAAAAAHHHHH !

AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAHHHHHHHHHHH !!

Bref, comme vous l’aurez compris, c’était vraiment un beau groupe, que je conseille vivement à ceux qui ne connaissent pas. Et qui me fait dire que quelque part la version « noise » du rock a quelque chose de supérieur musicalement à d’autres versions (punk, garage, hardcore, etc.)… Je sais pas… ces morceaux où tout est possible, mais surtout le plus radical… cette façon de procéder par ruptures, par accidents et par accumulations, de répéter jusqu’à la nausée, juqu’à se faire mal, comme on creuse pour aller déterrer quelque chose… Il y a un truc puissant qui m’enthousiasme là-dedans…

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« Controlled bleeding » (Genuflex)

Voilà… Les disques vont être réédités prochainement par Atypeek music, un hommage largement mérité, et on trouve de chouettes vidéos de concerts sur le net, aussi.

Mangez, maintenant.

 

*Il y aurait beaucoup à dire sur les concepts d' »avant-première » et d »exclusivité » – comme de tout ce qui s’inspire de l’univers le plus commercial – mais personnellement je ne vois pas ce que cela a à faire avec un disque d’un groupe punk, ou d’inspiration punk… Pour la peine, je leur pique leur image…

Illustrations extraites de l’album « Genuflex » (Pandemonium records, 1995)

« Frog fest ! » (21 nov 2015)

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Quelques vidéos de cette soirée aussi mémorable qu’énigmatique (à l’occasion de l’obtention de la nationalité française d’un copain, je précise, absolument rien de nationaliste là-dedans!)

La reprise de « Jesus stole my girlfriend » du groupe australien Violent soho, par Le Manche et Môssieur André Michel, qui devrait faire une seconde carrière dans le punk garage houblonné :

Un classique du répertoire, toujours par les mêmes « Le manche » (quel nom !) :

Et enfin, euh, nous. Et ça nous a fait bien plaisir que notre première apparition publique se soit faite dans le salon d’un copain plutôt que sur une scène d’1m50 de haut, sponsorisée par, disons, des commerçants lepenistes. Au hasard.

« Voici le bruit incroyable » (Nevraska, We are the incredible noise – Makhno, 24 nov.)

Plein de monde ce soir-là à la Makhno – le restaurant frais, funky et d’extrême gauche libertaire de l’Usine, pour un concert made in la Yaute avec Nevraska et We are the incredible noise.

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Hé, mais c’est qu’il y a une bonne sono, ici ! Tout à coup, le math/noise-rock des Nevraska prend de l’ampleur. On retrouve un peu de la profondeur du son de leur démo, le jeu de basse bien complet, ses accords sur les cordes aigues en parallèle des cordes basses (Pascal utilise à la fois un ampli guitare et un ampli basse). Pareil pour les parties sur les tomes, qui prennent une autre allure. Le set claque. Clairement le meilleur concert que j’ai vu d’eux. Ils auront même droit à un petit rappel.

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Nevraska, c’est des mélodies sur le fil travaillées par des triturations noise, sur fond de rythmes  trépidants. Je pensais à No Means No en les regardant (allons-y pour  les références), pour leur capacité à mettre leur technique au service d’une musique finalement assez lisible.

J’espère qu’ils garderont ce côté abrasif, en tous cas… Ils devraient enregistrer leur album en mars prochain.

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J’ai fait une vidéo d’un des morceaux et j’étais bien content que ça tombe sur Nebula (https://www.youtube.com/watch?v=P_Kf4uFcwW4). J’aimerais bien faire ça régulièrement, pour des groupes ou des artistes locaux… Le son est assez pourri, par contre, reportez-vous à leur bandcamp pour une expérience d’écoute plus confortable…

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J’ai pas trop eu le le temps d’assister au set de We are the incredible noise (qui ont un nom qui claque, faut bien l’avouer). Chanteur très démonstratif et changements de styles abrupts, qui rappellent un peu certains groupes de Mike Patton (toutes proportions gardées, hein). Un style où t’as plutôt intérêt à être trés bon…

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J’ai également fait une vidéo d’un morceau – assez rock/stoner, j’ai trouvé -, visible ici : https://youtu.be/pPX2EYHjXLk.

Sur le retour, je suis témoin d’une fouille au corps, plus loin une avenue est barrée par des voitures de flics… ambiance état d’urgence… qui aurait clairement pu être un autre titre pour cette petite chronique de rien du tout.

 

 

« On a tous un côté Marylin… » (Marylin Rambo, Fuper, Lado – L’Ecurie, 17 nov.)

12235021_1647047992217879_5609822117425556904_nIl y a un nombre impressionnant de pédales d’effets sur scène pour Fuper. La musique du duo genévois a un côté assez minimaliste, lo-fi, une espèce de garage trafiqué ou de pop déréglée. Quelques plantages, dus sûrement à la jeunesse du projet, qui je trouve rendait le concert humain. On peut même dire que ça accentuait sérieusement le côté lo-fi.

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Fuper, merfi.

Lado, c’est une formation où les deux Marylin Rambo s’amusent à faire le backing band pour un madoliniste, si ce mot existe. C’est frais et folk de traviole.

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Marylin Rambo, c’est un duo guitare/batterie de Lozère. Math qui rocke pas mal, et même assez burné, un peu dans les parages de Pneu. Il parait que c’était pas leur meilleur concert, mais ça a bien fait danser quand même et c’était très agréable de les rencontrer. Aurel fait un microlabel très beau, epicericords (il fait le graphisme aussi) et multiplie les projets (au moins 4 à ma connaissance). Ils avaient une chouette table avec des fanzines et quelques  disques (c’est triste un concert sans table), ils m’ont vendu un CD qui ne marche pas mais comme ils donnent les affiches qu’ils vendent 5 euros, c’est pas grave.

Le label en question : http://epicericords.tumblr.com/

« L’orchidée cosmique » (Urgence disks – 1er nov.)

DSCN0350Quelques images  du show de L’Orchidée cosmique à Urgence disks. L’Orchidée, c’est un projet solo d’un bassiste d’Annecy. Plongées soniques tout en douceur, perte de pesanteur, grosse basse distordue. Ca joue autant avec les pieds et les pédales d’effets qu’avec les doigts. Tout se bouscule, se superpose ou se répond. Chouettes effets de contrastes sur les textures sonores. On pouvait penser aussi à des trucs un peu cold typés années 80, car finalement on retrouve des bases rock assez classiques, notamment lorsqu’il y a un beat. Un projet à suivre…

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Et une petite vidéo d’un morceau pas encore publié, et encore sans nom : https://www.youtube.com/watch?v=GvwrCei_9P0&feature=youtu.be

« Petits et gros cochons » (Pigs, Yurodivy, Nesseria, Sofy Major, Euglena, Wardhill, Plèvre – Usine, 25 oct.)

DSCN0332Drone to the bone est une association qui organise des concerts depuis 6 ans – post-hardcore ou affilié en général mais aussi de la musique plus expérimentale de temps à autre – dans des salles genévoises comme l’Ecurie ou l’Usine. On leur doit  notamment les concerts de Death Engine ou Retox, pour ne citer que quelques exemples récents mémorables. 6 ans, une occasion comme une autre de faire la fête autour d’un monstre concert ce soir-là.

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Yurodivy

Yurodivy est une jeune formation de Strasbourg (deux ans d’existence), qui joue un post-hardcore sombre. Comme beaucoup d’autres groupes, seulement, ils ont la très bonne idée d’insérer des passages noise bien dissonants dans leur musique. Avec en plus un son efficace et pas saturé d’effets.

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Plèvre creuse une veine similaire mais où l’aspect violent et chaotique est beaucoup plus marqué. Le groupe déverse sa lave sonique sur le public, qui était déjà pas trop exité mais là parait carrément assommé.

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Plèvre

Avec Nesseria, on retrouve le côté plus dynamique du hardcore. La voix est également proche du grind-core, mais  le groupe balance des parties ultra-rapides, des parties down-tempo ou post-hardcore, ça pioche un peu partout et c’est vraiment bien foutu.

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Nesseria

Les deux groupes qui suivent prouvent bien que voir un groupe sur scène est complètement différent de l’écouter sur disque. Personnellement, je n’aurais pas forcément été client à priori du stoner de Wardhill. Par contre, voir la passion et l’énergie qu’ils dégagent sur scène est vraiment génial.

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Wardhill

Même chose pour les russes d’Euglena et leur black/grind, avec lesquels la pression monte d’un cran, pour un coup de pied au cul total. Là aussi, on sent que les gars sont les premiers fans de leur musique et qu’ils sont trop contents d’être sur scène.  Ca bouge, ça blague, ça interragit avec le public. Et au final, le groupe transmet quelque chose d’assez positif. Plutôt marrant pour un groupe qui fait une musique aussi sombre…

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Euglena

Pas si facile de passer après la tornade russe, mais Sofy major n’est pas un groupe à se démonter facilement. A vrai dire, ils ont même un côté assez monolithique. On s’embarasse pas trop de breaks et de variations, ça file droit, c’est puissant et linéaire.

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Sofy major

Pour être honnête, j’étais surtout venu pour Pigs, appâté par la présence de Dave Curran, basse d’Unsane, ici au chant et à la guitare. Sur disque, on retrouve le côté bien lourdingue d’Unsane mais avec une dimension mélodique plus marquée. Quelque part, ce concert, c’était deux générations qui se rencontraient et je me demandais quelle impression Pigs ferait, après des groupes plus « modernes »…

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Dès les premières notes, on sent qu’on a pas affaire à n’importe qui. Tout sonne et est ultra en place. Comme sur disque, le son te colle au plafond et tu n’arrives plus à redescendre. Dave Curran est une boule de nerfs, cool avec le public, mais tendu et affûté. Le batteur m’a particulièrement impressionné (ex-Hell no, un vieux groupes New-Yorkais, copains de Born Against si je me rappelle bien).  Il frappe tout ce qui doit être frappé, tricote le charlet juste ce qu’il faut. Y’a rien de mieux à regarder qu’un bon batteur!

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Ce qui est bizarre, c’est que la salle s’est un peu vidée au fil du concert. C’est un peu con vu la qualité des groupes qui jouent… Parfois, ça donne l’impression que c’est le creux de la vague pour ce genre de musique… ou la fin… ? Remarque, j’ai vu Unsane une fois, au Confort moderne à Poitiers, il y a peut-être 15 ou 20 ans et c’était à peu près dans les mêmes conditions. Alors… alors, longue vie à Drone to the bone.

http://dronetothebone.tumblr.com/

http://music.solarflarerds.com/album/you-ruin-everything

http://www.yurodivy.net/

https://nesseria.bandcamp.com/

https://euglenaband.bandcamp.com/

https://plvre.bandcamp.com/

http://wardhill.bandcamp.com/

http://www.sofymajor.com/

« Plein de nostalgie et d’idées stupides » (Gondoliers – Urgence disks, 16 octobre)

affichePetite transe de fin d’aprem’, avec Gondoliers. Guitare/Synthes, batterie, chant. Il en faudrait pas beaucoup plus pour remplir  Urgence disks. Le groupe propose un set de post-punk intense et hanté, des mélodies ludiques au synthé qui se mèlent aux riffs distordus de la gratte.

DSCN0169J’ai trouvé qu’ils avaient ce truc d’arriver, avec des recettes bien connues, plutôt basiques, à produire quelque chose de percutant, de réel. Presque d’ incarner l’esprit même du punk-rock, avec trois bouts de ficelles. C’est con, mais ce sont souvent des groupes américains qui me font cette impression…La différence peut-être entre un groupe qui essaye de faire de l’effet et celui qui veut juste jouer sa musique le plus intensément possible, là, maintenant. Il n’y avait qu’à voir le batteur, la tête renversée, la bouche ouverte et les yeux clos, taper comme un décérébré sur ses deux cymbales…

DSCN0171Faut dire que le lieu est particulier, aussi. Urgence Disks, c’est vraiment un endroit minuscule mais en même temps, le groupe ne bénéficie d’aucun artifice pour faire de l’effet. Pas de scène, à peine de lumières, sono minimale. Du son brut, pas de triche, et ça le fait. D’une façon qui ne pourrait pas se passer dans une salle avec de plus gros moyens…

Surtout que le groupe sait ménager ses effets et garder  le meilleur pour la fin : un chouette morceau, avec une montée en intensité un peu plus forte que les autres, et le guitariste qui passe de manière impressionante de sa guitare dont il tire des accords grinçants et aux parties synthés jouées quasiment en même temps.

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Drôle de nom, Gondoliers, sinon. Mais quand on y pense, ce n’est peut-être que justice qu’après des décennies de suprématie culturelle américaine, ce soit la vieille Europe qui inspire l’imaginaire des punks. J’attends les groupes qui s’appelleront dolmen, arc de Triomphe ou Tour de pise !

« Brassé localement  » (Nevraska, Komodo experience – Brasserie pirate, 26 sept.)

komodo nevraskaDécouverte pour moi de ce chouette lieu – la brasserie pirate. Encore un endroit sur Annecy qui fait de bons concerts, tous les vendredi pour être précis.

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Nevraska

Nevraska joue en premier. Petite intro bruitiste et c’est parti pour un set de leur math/noise-rock, qui sait aussi être mélodique et swinguant. C’est pas du math-rock qui fait mal à la tête, juste ce qu’il faut de galipettes pour te garder éveillé.

DSCN0091Pendant leur set, on reconnait Liru et Nebula, les deux morceaux « démo » bien percutants déjà disponibles sur leur bandcamp et j’écoute les autres avec intérêt (l’expérience de voir un groupe en concert est totalement différente selon qu’on connait leurs morceaux sur disque ou pas, je trouve). Certains sont plus dansants, plus lisibles mais en général leur style est assez trépidant et te laisse guère le temps de reprendre ton souffle. L’abum, prévu pour début 2016, s’annonce bien! Et d’ailleurs, il y a une campagne de financement par pré-commande.

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Komodo experience

C’est Komodo experience, autre groupe d’Annecy, qui joue ensuite. Noise-hardcore-punk, disait le flyer. Peut-être, surtout pour la batterie, j’ai trouvé (un batteur qui, disons, n’hésite pas à taper sur ses fûts…), parce que la guitare, elle, reste assez métal. Du coup, ça fait un espèce de crossover. Ultra-énergique, mais moins ma tasse de thé, personnellement.

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Interview : « Jean-Christophe Rabiller, Minimum trip »

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Jean-Christophe est un drôle de gars et j’aime bien les drôles de gars. Il vît assez simplement à Grenoble, où je l’ai rencontré en faisant du ski de rando, et a la particularité de passer une partie non négligeable de l’année de l’autre côté de la terre, lors d’expéditions en kayak gonflable bricolé avec un budget minimal. Il écrit, photographie et filme ces voyages et il a également pratiqué la peinture. Et ici, il répond donc à mes questions, plus ou moins.

Pourrais-tu nous faire l’historique de tes expéditions ?

Ca a commencé par un gros but ! J’avais en tête de faire le tour de l’atoll de Rangiroa en Polynésie française et je me suis aperçu, sur place, que mon matos était pas au point, je me suis blessé et, donc, je n’ai pas fait le tour de l’atoll. Mais je suis revenu un ou deux ans plus tard et ça a été ma première expédition : le tour de l’atoll de Rangiroa sur un kayak gonflable.

J’ai mis un peu moins de trois semaines, dans des conditions extraordinaires. Seul avec le sable blancs, les cocotiers, les îles – y’a à peu près deux cents îles autour d’un lagon, pratiquement inhabitées – l’eau turquoise, les oiseaux. J’arrivais sur des îles totalement improbables encore plus belles que les plus belles cartes postales du coin. C’était il y a sept ou huit ans, je n’arrive plus trop à me rappeler.

C’était avec un kayak que je n’avais pas construit moi-même. Petit à petit, dans les expéditions qui ont suivi, j’ai mis au point un kayak.

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La deuxième expédition que j’ai faite, c’était à Madagascar, avec un kayak gonflable que j’ai construit moi-même, mais à partir d’une housse préexistante dans laquelle j’ai mis quatre boudins gonflables indépendants. C’est pour une question de sécurité – comme ça si dans une traversée, tu as un boudin qui se dégonfle, il en reste trois. D’ailleurs, j’ai eu ce problème aux Fidji, à cause d’une valve défectueuse que je n’avais pas faite moi-même.

L’expédition d’après, c’était aux Fidji et là j’ai fait la totalité du kayak. Sauf les valves et du coup j’ai eu un souci de valve sur place !

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Iles Salomon, 2014.

Donc tu n’utilises maintenant que du matériel que tu as fabriqué toi-même ?

Ouais. Alors, le kayak, je l’ai fabriqué avec du pvc et de la colle pvc. J’ai fabriqué la tente, aussi. Et puis tout un tas de petit matos. Par exemple, le sac étanche que je mets à l’arrière du kayak, et dans lequel je range le kayak quand je prends l’avion. Tout ça pour avoir du matériel léger, solide et efficace.

En fait, on s’aperçoit que, dans le commerce, le plupart des choses qui sont vendues sont axées sur le design – c’est dans l’air du temps, les constructeurs refont le monde chaque année pour faire marcher le business. Mais très souvent, c’est mal conçu, pas solide, avec des défauts qui sont inconcevables. Par exemple, leurs sacs étanches – sacs étanches qui servent aussi de sacs à dos – sont de couleur noire. Sous un cagnard énorme, il va faire 80°C dans le sac, donc tout est bousillé. Donc, il faut avoir des sacs blancs. Mais pour trouver des sacs blancs, étanches, avec des fermetures costauds, c’est galère.

Decathlon, à un moment, avait fait une tente de trek noire. C’est terrible, quand il pleut et qu’on doit rester dans la tente, on ne voit rien ! Et le moindre rayon de soleil chauffe beaucoup trop !

C’est donc extrêmement important d’être bricoleur pour pouvoir faire son matos soi-même. J’y passe des heures. Sur le kayak, j’ai encore passé une cinquantaine d’heures à modifier sa forme pour le rendre plus hydrodynamique.

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Quelque part aux Fidjis.

Tu as fait une expédition que tu as appelée « Expédition 6 kilos »…

C’était Madagascar. C’était le poids du kayak et la totalité du matériel faisait 20 kilos, sans les affaires de chasse sous-marine. Mais maintenant je pars très souvent avec les affaires de chasse sous-marine et, en tout, j’ai 25 kilos. L’avantage, c’est que je ne suis dépendant de personne. J’arrive, je gonfle mon kayak et je pars.

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Quels sont tes objectifs quand tu pars en voyage ?

Je ne sais même pas si j’ai d’explications. J’aime beaucoup la mer. Je trouve extraordinaire de se retrouver tout seul dans des endroits aussi beaux et déserts. C’est un peu un recentrage sur soi-même. Le fait de se retrouver tout seul, ça coupe un peu avec la vie que j’ai à Grenoble. Et ça me permet d’avoir la mer en été et la montagne en hiver !

Ca permet d’être libre, de faire ses propres choix sans que ce soit imposé par quoi que ce soit, si ce n’est les conditions climatiques ou la nature. Sinon, il n’y a personne pour nous dire ce qu’il faut faire, où dormir.

Les rencontres avec les gens sont importantes quand même. Dans mes voyages, j’ai largement le temps d’être tout seul et de rencontrer des gens. Quand je suis dans des coins où il y a de quoi chasser, je m’arrête dans des villages et je ramène mon poisson pour les gens. Et du coup je mange avec eux et il y a un bon échange et parfois on tombe sur des gens qui sont très très contents de vous avoir – pas forcément que pour le poisson, hein (rires) ! Je pense par exemple à une semaine que j’ai passée dans les îles Salomon, dans un lieu totalement paumé où habite une famille, une douzaine de personnes peut-être, le mari travaillait dans un des seuls resort à touristes du coin. Chaque jour, je leur ramenais 15 voire 20 kilos de poisson, on le mangeait ensemble, ils pouvaient le revendre éventuellement quand il y en avait trop. C’était vraiment un très bon deal. Ils m’ont trouvé une terrasse couverte pour mettre ma tente et on a passé une semaine très agréable à partager.

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Les gens sont-ils intrigués par ce que tu fais ? Est-ce quelque chose dont ils te parlent ?

J’ai du avoir ces discussions-là mais je n’arrive pas à m’en rappeler. C’est rare. Je pense que pour eux, ça doit être assez naturel de venir dans des endroits comme ça. Il sont en pleine nature, ils sont heureux, je crois. Après, je choisis bien mes îles aussi ! (rires)

Suite de l’historique ?

Juste avant Madagascar, il y a eu les Fidji avec le kayak que j’avais construit à partir d’une housse préexistante et je me suis pris un but aux Fidji. J’avais fait une grosse erreur sur les boudins. J’ai fini mon kayak une semaine avant de partir, j’ai pas pu le tester. Je suis arrivé sur place, j’ai fait un kilomètre en kayak et je me suis aperçu qu’il était totalement instable et que je ne pouvais pas faire mon expédition. Je suis resté 35 jours sur la même plage sur une île assez paumée. J’étais à 1 km d’un resort à touristes mais l’endroit était quand même paradisiaque, hein ! Heureusement, j’avais mon matos de chasse sous-marine et j’allais porter mon poisson au staff du resort et en échange ils me filaient des trucs, genre Coca-cola, pizzas, du chocolat… et sinon, je mangeais du poisson et des noix de cocos. Ca, c’était au mois de juillet, après je suis rentré en France. J’ai mis au point mon kayak et c’est le même été que je suis parti à Madagascar faire l’expédition 6 kilos, qui a très bien marché.

fidji machette détouréeAprès, je suis retourné aux Fidjis, pour me venger, avec un kayak entièrement construit. Une expédition superbe pendant un mois. Puis, je suis retourné à Madgascar, un peu sur les traces de ma première expédition mais pas tout à fait pareil. Ensuite, j’ai refait les Fidjis, une troisième fois, et après j’ai fait les îles Salomon, cet été.

Quels sont les dangers dans tes voyages ?

Aux îles Salomon, j’ai su après avoir pris mon billet d’avion qu’il y avait des des crocodiles ! Il a fallu gérer les crocodiles ! Je me suis renseigné sur les zones dangereuses où il ne fallait pas aller, ou au moins où je pouvais traverser mais pas descendre du kayak… Les requins, c’est pas un danger. Par contre, quand je chasse, il y en a à tous les coins de rue et, de temps en temps, il faut leur taper sur le museau pour pas qu’ils ne s’approchent trop près. C’est comme s’il y avait des chiens qui te tournaient un peu autour. De toutes façons, à partir du moment où tu mets ton poisson sur le kayak et pas à la ceinture, il y a assez peu de risque.

Tu voyages seul, le partage ne te manque-t-il pas ?

Eh bien, non. Parce que j’ai besoin de ces moments-là. Par contre, j’ai un retour gràce aux compte-rendus et films que je fais. Quand je fais un reportage sur place, je sais que ça va être vu après et donc partagé. Ce serait quand même frustrant si il n’y avait pas un partage après.

D’où te vient l’inspiration pour faire ces expéditions aussi lointaines ?

Le but, c’est se retrouver dans un endroit isolé. Je suis obligé d’aller de l’autre côté de la terre pour trouver des conditions agréables pour naviguer. Pendant l’été français, il faut aller dans l’hémisphère sud. Si j’allais dans l’hémisphère nord, il y aurait des risques cycloniques et il fait très chaud, il pleut. C’est très désagréable. Je vais d’ailleurs aller dans les Bahamas. Pour la première fois dans l’hémisphère nord. En plus, il n’y a pas de cocotiers. L’ombre va être difficile à trouver. On va voir comment ça se gère… Ca se gèrera de toutes façons…

Les noix de cocos, c’est vraiment un truc basique dans mes voyages. En gros, les trois-quarts de ce que je bois, c’est des cocos verts (Noix de cocos qu’il faut décrocher de l’arbre et qui contiennent le plus de jus). C’est aussi la nourriture que je mange le midi. En Polynésie française, des cocoteraies, il y en a partout. Ca permet d’emporter moins d’eau, moins de nourriture. Donc, aux Bahamas, ça va être compliqué. Non seulement, il y aura moins de cocotiers mais il y aura moins de magasins ! (rires)

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Tu montes en haut des cocotiers ?

Non, j’ai juste un crochet que j’accroche avec de la chambre à air sur un bout de bois que je trouve sur place et coupe à la machette. Sans machette, dans ces pays-là, on n’est rien !

As-tu connaissance de personnes qui font des expéditions similaires en kayak gonflable ?

Non. D’ailleurs, le kayak, si je l’ai fabriqué, c’est qu’il n’existait pas, a priori. Je n’ai jamais vu personne partir en solo sur un kayak gonflable. J’ai cherché sur internet : il y a des gens qui ont fait des choses sur des kayaks gonflables mais plus gros, plus lourds et pas en solo. D’ailleurs, je n’ai jamais croisé de kayakiste en solo quand j’y étais. Je croise parfois des voyages organisés qui sont en kayaks.

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Quelles sont les caractéristiques de ton kayak par rapport à ceux que tu peux trouver dans le commerce ?

Le poids, surtout. Le modèle que j’ai fabriqué entièrement fait 7 kilos. Et les quatre boudins pour la sécurité. Et puis, il est vraiment extrêmement résistant. Je n’ai jamais percé un boudin. Les bâches de camion PVC, c’est vraiment solide. Même sur du corail, faudrait y aller…

Donc : poids, sécurité, solidité. Le modèle que j’ai fabriqué entièrement fait 7 kilos. Je mets au défi quiconque de trouver l’équivalent dans le commerce. Ca serait d’ailleurs peut-être intéressant de produire ça, il y aurait peut-être des gens prêts à investir. Ce qui est extraordinaire, c’est que je peux aller partout. Porter le kayak, c’est vraiment pas un problème. Dès que je débarque quelque part, tout est simple. Pas besoin de s’échiner à tirer un kayak lourd. Si il y a besoin, je peux même traverser à pied des endroits. Je pense notamment que ce sera utile dans des endroits comme les lacs au Canada.

As-tu connu des moments difficiles dans tes expéditions ?

Il y a des moments qui ne sont pas évidents. Le premier, le deuxième jour, il faut se faire violence. Il faut complètement changer de repères par rapport à la vie qu’on a d’habitude. Quand je suis arrivé aux îles Salomon, il flottait, il faisait humide, super chaud, avec des moustiques. Je découvrais qu’il n’y avait pas de plage, que de la mangrove. C’était le bordel pour débarquer. Et je comprenais que ça n’allait pas être simple. Mais bon, au bout de deux ou trois jours, on prend ses repères. Différents de la vie de patachon qu’on mène ici. Même quand tu fais de la montagne, le soir, tu rentres chez toi. Quand tu vis trente-trois jours sur un lagon, c’est différent. Mais après, une fois que c’est lancé, c’est le paradis.

Tes voyages sont complètement autofinancés ?

Oui. Je ne cherche pas à avoir de sponsor, parce qu’après tu es redevable de quelque chose. Il n’y a que le billet d’avion qui me coûte quelque chose. Sur place, je ne dépense pratiquement rien. Le matériel ne me coûte pas grand-chose puisque je fabrique moi-même. C’est surtout du temps. J’ai un budget zéro !

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Iles Salomon, 2014.

Est-ce que tu travailles ici juste pour partir ?

Ben, je vis pas pour travailler, ça c’est sûr ! Mais je ne déteste pas du tout ce que je fais. (Jean-Christophe donne des cours particuliers de Maths-Physique) Aujourd’hui j’ai une telle liberté que je ne pourrais plus être dans un cadre avec une hiérarchie, des horaires imposés.

Même si je travaille assez peu, je travaille. J’ai une vie normale, je ne suis pas marginal mais j’ai complètement quitté la société de consommation. Je ne pouvais pas être dans la société comme tout le monde, ça c’est sûr, et je crois que j’ai réussi à trouver un équilibre par rapport à la vie que je recherchais. Après, ça peut changer. Peut-être qu’un jour, il y aura un départ définitif…ou au moins vivre isolé, trouver un atelier pour reprendre la peinture…

Après, il y a tout le côté après voyage qui est de monter les films. Ils sont à cheval entre la recherche artistique et le compte-rendu d’expédition.

afro détouré

Est-ce que tu pourrais définir ton approche esthétique ?

Ce que je recherche, c’est à me faire plaisir dans une aventure. Les films je les vois comme une sorte d’oeuvre, quelque chose que j’ai besoin de faire. Tout comme dans la peinture, j’avais besoin de montrer certaines choses que j’avais dans la tête… Je veux que ce soit le contenu qui fasse mon film, la nature, sa beauté, les rencontres avec les gens… Il y a quand même une sorte de militantisme pour montrer aux gens qu’il y a autre chose que la société de consommation, que de se faire manipuler par les grands groupes, par la publicité. Qu’on peut faire autre chose de sa vie. Quand les gens sont dans la société de consommation, ils ne peuvent pas être heureux, c’est pas possible. Au bout d’un moment, ils sont frustrés, ils font chier les autres et ça profite à personne. Donc, il y a l’envie de montrer qu’il existe une autre réalité. Ou plutôt, qu’il existe une seule réalité et qu’elle est occultée par les conneries qu’on veut nous faire avaler. Je dirais que chez beaucoup d’artistes, il y a un recul par rapport à la société parce que, par définition, ce sont des gens qui ne voudront jamais être dans le moule.

Etre artiste, c’est uniquement une réaction à la société ?

Même s’il ne faut pas généraliser, il y a une réaction, je pense, chez beaucoup d’artistes. Ou, en tous cas, un besoin de ne pas être dans les clous… Un besoin plus prononcé que chez d’autres, d’aller dans des chemins de traverse…

Ca a l’air d’être assez important pour toi, qui te surnomme « artiste autoproclamé »…

J’ai toujours critiqué l’art contemporain officiel, c’est-à-dire quelque chose qui nous dicte ce qu’on doit penser et faire et j’ai toujours milité pour essayer de dénoncer cet état de fait, un peu comme je dénonce la société de consommation. Et un jour je me suis fait traité d’ « artiste autoproclamé ». Je me suis dit « Ben ouais… C’est exactement ce que je suis. » Et la phrase est restée…

fidji chouette photo canoé

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Sitographie

http://jcrabiller.free.fr/

PS

Jean-Christophe vient de sortir un album d’électro – sous son pseudo « Karderouge »-  qui s’appelle « Presshertz » et qu’il a fait tout seul avec ses petites mains et son petit ordinateur. C’est assez fou et ça s’écoute ici : https://www.youtube.com/watch?v=uO8qYrvRNk8 en plus de s’acheter sur certains sites spécialisés bien connus.

« Sonique beauté » (Filiamotsa/G.W.Sok, Bouffon de la Taverne, 12 sept. 2015)

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Hey, quelques images du concert de Filiamotsa, hier, à la Taverne de la république avec G.W.Sok.  Un groupe assez unique : deux violons, une voix, une batterie et un synthé (ou une machine qui y ressemble…) et des morceaux impressionnants qui tissent post-punk the Exien, psychédélisme grinçant style Velvet et atteignent au bout d’un moment la vitesse supersonique dans une atmosphère symphonique très post-rock. Impressionnants, même si une certaine urgence punk me manquait parfois. Heureusement qu’il y avait G.W.Sok et ses poèmes surréalistico-politiques (textes pas inclus dans leur dernier disque, dommage), sa voix et son attitude immuables, comme déterminé à débiter la litanie des absurdités du monde jusqu’à sa fin.

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Même s’il ne leur ressemble pas, j’ai trouvé que ce groupe sonnait parfois comme un hommage à The Ex, à leur façon assez unique d’être de traviole et de faire du bruit, depuis pas mal d’années.

Plutôt classe, en tous cas, de voir des concerts comme ça à prix libre…

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Le groupe rejoue mardi, au même endroit je crois, un set davantage consacré à la poésie – dont on a eu un petit aperçu avec une reprise de « Holy » de Allen Ginsberg. Ca donnait des frissons, beau comme du Patti Smith. Ca pourrait être une soirée pas trop mal…

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Et puis, le concert a été mis en ligne (mais c’était mieux en vrai)…