« Etat d’urgence visuel » : une interview de Johanna Perret

La découverte marquante de son travail m’a donné envie de prolonger la rencontre avec la plasticienne Johanna Perret en lui envoyant quelques questions. Cette interview a été réalisée par mail durant la période de confinement du printemps 2020.

Le monde s’est arrêté, le temps est suspendu. Nous sommes confinés chez nous depuis maintenant plus d’un mois à cause de l’épidémie de COVID-19. Comment vis-tu cette période si particulière ?

Plutôt bien, très bien même. En tant qu’artiste, je suis en quelque sorte une confinée volontaire permanente, je ne vis donc pas cela comme un choc social.

Le confinement à ceci de positif, il me libère complètement des obligations du quotidien, le temps peut ainsi s’étirer à l’infini. Cette déconnexion permet de s’immerger totalement dans des questionnements relatifs à l’infinie variabilité des nuances, au rapport entre le motif et le format, à l’immanence lumineuse de la couleur…etc.

Aussi, je vous invite chaleureusement à aller visiter le site http://tribew.fr/lesamisdesartistes/. C’est un groupe de soutien aux artistes plasticien.ne.s touché.e.s financièrement par la crise covid-19. Ce collectif a été créé durant le confinement par des personnalité.e.s du monde de l’art : galiériste, critique, commissai, etc. Des ventes en ligne sont organisées pour soutenir les artistes privé.e.s de revenus et non éligibles aux aides gouvernementales (30% des ventes sont versés dans un fond de solidarité). Vous pouvez accéder à toutes les œuvres en vente via le #lesamisdesartistes. Les œuvres à moins de 500€ sont sous : #lesamisdesartistes500. On s’organise!

Ton exposition à l’Angle, – « Soluble » – vient de se terminer. Je crois que toutes les pièces de cette exposition ont été créées pour l’occasion… Est-ce-que c’est un moment particulier, la fin d’une exposition ?

Pour moi, non, c’est plutôt un moment relevant purement du pratico-pratique, c’est-à-dire qu’il faut emballer les toiles, organiser un transport et trouver un nouvel endroit de stockage dans l’atelier. C’est plutôt le vernissage qui tient du moment particulier car c’est l’aboutissement d’un cycle de travail souvent long et les jours précédents sont toujours intenses.

La vallée de l’Arve est un peu le « personnage central » de « Soluble ». Est-ce-qu’il y avait chez toi dès le départ une volonté de faire un art en prise directe avec le monde qui t’entoure ou est-elle venue progressivement ?

Pas du tout ! Au début, j’étais plutôt tournée vers la figure humaine et sa représentation. Le travail sur la vallée est une conséquence directe du problème de la pollution de l’air. Cette recherche a débuté en 2016-17, durant notre triste record du plus grand nombre de jours passés en alerte pollution maximum (36 jours). A cela s’était ajouté un brouillard épais et teinté de reflets inhabituels. C’est à ce moment-là que j’ai senti une sorte d’urgence à établir un état des lieux visuel de ce qui était en train de se produire. Il faut aussi préciser qu’à cette époque le problème était une réelle omerta. Ce positionnement environnemental est toujours présent dans mon travail, à travers la question de la disparition du paysage, mais maintenant mes préoccupations sont nettement plus picturales.

Il y a évidemment un aspect conceptuel dans ton travail, une réflexion sur la représentation, mais j’ai été frappé par son accessibilité, sa lisibilité. Est-ce-que c’est quelque chose qui est important pour toi ?

L’accessibilité de l’art est importante pour moi, bien sûr. Mais ce n’est pas cela qui guide mon travail, c’est-à-dire que je ne me dis pas en peignant « il faut développer un concept qui soit accessible à tous », ça c’est de l’éducation, pas de l’art.

Toutes tes peintures sont réalisées à la peinture à l’huile. C’est un parti-pris d’opter pour ce médium au temps d’exécution assez long ?

Oui et non.

Non, car j’ai toujours peint à l’huile depuis l’enfance. Ma mère était une peintre amatrice et elle ne travaillait qu’à l’huile et à l’encre (qui est mon autre médium de prédilection). J’ai donc naturellement commencé à peindre à l’huile, pour moi cela relève de l’évidence.

Et oui, car pour travailler les transparences, rien n’égale l’huile… ! De plus, l’huile est bien plus indulgente que l’acrylique, elle autorise le repentir. Avec elle, on a deux ou trois jours devant soi pour changer d’avis ou rectifier une nuance, c’est un luxe.

Je crois également qu’il y a une part autobiographique, généalogique, dans ton travail, puisque tu viens d’une famille de décolleteurs. Peux-tu nous parler un peu de ta relation à ce métier et au rôle qu’elle a joué dans ton travail artistique ?

En art, tout est toujours autobiographique, on ne parle bien que de ce que l’on connaît profondément.

Cette part généalogique est arrivée par surprise. Je pense que l’influence qu’a pu avoir ce métier dans ma manière d’aborder l’art est de l’ordre de la rigueur et de la chromie. Pour être décolleteur, il faut être résilient et dur à l’ouvrage, qualités indispensables pour le métier d’artiste. Mon père et mes deux grand-pères ont tous trois été décolleteurs. J’ai donc fréquenté le brouhaha des CN, l’odeur des solubles (que j’adore) et les tas de limailles dégoulinant de couleurs irréelles (chromie des solubles) durant toute mon enfance.

L’exposition « Soluble » contient une série de peintures non-figuratives et je crois que c’est une première pour toi. Peux-tu nous parler un peu de ce que l’abstration représente pour toi et du processus qui t’a mené vers elle ?

Pour moi, l’abstraction c’est « sans filet ». Le motif est une excuse, un point d’ancrage où se stabiliser dans le réel. L’abstraction est fatale, elle n’autorise pas l’erreur. Le risque est de tomber dans la complaisance picturale, qui n’est plus de l’art, mais de la décoration. Avec l’abstraction, on est seul.e avec la matière, qui doit s’exprimer uniquement par sa résonance, sa lumière, sa tonalité, sa saturation, ses transitions… Pour toutes ces raisons, j’ai mis du temps à passer le cap.

Le processus est simple : je me suis mise à tellement recouvrir le motif de certaines séries que la frontière entre l’abstraction et la figuration était presque inexistante. C’est alors que je me suis rendu compte que j’étais capable de faire tenir un tableau uniquement fait de couleur et de lumière, je n’avais plus peur.

Tu as pour la première fois proposé une installation en volume constituée de paniers de décolletage et d’ardoises provenant d’une carrière. Est-ce que ça t’as donné envie de réitérer cette expérience pour d’autres expositions ?

J’aime l’idée de créer des dialogues entre mes tableaux et des objets tridimensionnels. Cela permet aussi de travailler l’espace de l’exposition à la façon d’un Tokonoma. Je me sens proche de la manière dont la culture japonaise aborde l’idée d’espace, de vide et d’ombre. La chorégraphie du vide est très importante pour créer des atmosphères, ainsi qu’un cheminement donnant de la cohérence à l’ensemble des pièces proposées.

Quel serait le fil conducteur entre tes travaux antérieurs graphiques, la série des « Scènes de Jouy » par exemple et ceux réalisés spécialement pour l’exposition à l’Angle ?

La perception du réel. Tout est une question de point de vue, d’observation et de volonté. Les huiles brouillent la lisibilité et le statut du sujet en épurant la composition du tableau, et les SDJ perdent le regard dans la masse de détails ornementaux qui perturbent la lecture du sujet. Ce sont deux manières opposées de parler de la même chose : comment hiérarchisons-nous les diverses strates du réel?

Quelles sont quelques-unes des figures artistiques qui comptent ou ont particulièrement compté pour toi ?

Il en y en a tellement… je vais essayer de vous en faire une liste non exhaustive : Sugimoto, Rushia, Ehrhardt… Les abstrait américains : Rothko, Frankentaler…etc. pour leur rapport à l’essentiel. Le siècle d’or espagnol pour leur « gravitas », ex: Zurbaran, Murillo, El greco… Et plus tard Goya pour les mêmes raisons. Courbet et les naturalistes pour l’amour du réel, les impressionnistes pour les atmosphères, Monet en tête. Les nordiques pour la lumière douce et immanente : Vermeer, Rembrant, Friedrich, Hammershøi…

Y-a-t-il d’autres artistes de la vallée de l’Arve ou d’ailleurs avec qui tu te sens des affinités et que tu voudrais nous faire découvrir ?

C’est une question difficile à laquelle je préfère ne pas répondre car les inclinaisons artistiques changent vite et les goûts sont versatiles. L’influence de l’amitié pèse trop lourd dans l’interêt que suscite l’œuvre d’un.e artiste ami.e. Je ne m’estime pas suffisamment objective pour pouvoir répondre.

La musique t’accompagne-t-elle dans ta création d’une façon ou d’une autre ?

Dans l’atelier je travaille toujours avec de la musique, la radio ou des lectures audio. J’aime tout type de musique : électro, rock, noise, blues, jazz, folk, chansons françaises, polyphonies, musique traditionnelle, etc. Tout dépend de de l’humeur du moment !

Avec Rémi Dal Nagro, vous avez le projet d’ouvrir un lieu artistique dans la vallée de l’Arve : Relief. Peux-tu nous présenter ce projet ?

Relief est en cours de création, il intégrera des ateliers, un espace d’exposition, une cuisine-bar, un studio de production audio, une salle de concert, un espace central amovible et un jardin partagé. L’association est installée à Cluses, au rez-de-chaussée d’une ancienne usine de décolletage.

Relief à pour vocation d’être un espace singulier et pluriel, dédié à toute personne souhaitant parcourir les passerelles existant entre les diverses formes d’expression. Tourné vers le public, Relief se veut évolutif, impermanent, ancré sur son territoire autant qu’ouvert à l’international.

Concrètement, les actions de la structure se développent en trois grands axes : développement culturel, lien social et éducation.

Un chantier bénévole se mettra en place dès que la crise sanitaire le permettra. En soutien au projet Relief, un événement se déroulera dans ses murs en cours de montage dès que possible ( probablement aux alentours de septembre-octobre ).

Merci à Anne pour son aide.

Dernière minute : l’exposition « Soluble » est prolongée du 9 au 26 juin à l’Angle sur rendez-vous.

>>>>>>>>>> JOHANNA PERRET

« Gais ménestrels de la noise » : une interview de It it anita

Le live ne ment pas : sur scène, It it anita est un groupe atomique avec une force d’entraînement considérable. Leur venue au Poulpe a été l’occasion de leur poser quelques questions, que les Belges supersoniques ont vite transformées en conversation virevoltante. Pour des raisons qui m’échappent, cette interview a un peu traînée et n’est publiée que maintenant, alors que le groupe est actuellement en studio pour enregistrer son troisième album. Merci en tous cas à eux.

Votre 2e album est sorti sur Vicious circle il y a quelques temps, vous tournez beaucoup et le groupe marche bien. Qu’est-ce-que ça a changé dans vos vies, ce relatif succès ?

Damien : Oui, on fait tous plus que ça ou des métiers qui sont liés à ça. Elliot est régisseur, Bryan est batteur avec d’autres projets aussi, Mike ne fait que It it anita, plus écrire, écrire, écrire… et il élève des poules aussi. Moi, je m’occupe aussi d’un label à côté donc je suis aussi manager et booker. Ca veut dire qu’on a réussi à se façonner des emplois du temps qui nous permettent de tourner quand on doit tourner. Par rapport à l’album, c’est vrai aussi que c’est lié à l’arrivée sur un plus gros label. Avant, on sortait les trucs nous-mêmes, on s’était fabriqué un petit label indé sur la Belgique mais depuis qu’on est arrivé sur Vicious circle et qu’on est avec le tourneur Jercob, on a beaucoup plus de promo, beaucoup plus de dates.

Et, vous appréciez, j’imagine, cette vitesse supérieure ?

D : Ah, ouais. Complètement !

Mickael : La France, c’est grand ! On peut faire 40 dates en France ! On a tourné avec Lysistrata et on a fait pleins de beaux endroits.

D : On a monté le groupe en 2013 et on savait qu’on allait tout faire pour que ça fonctionne le mieux possible. Donc par rapport à cette vitesse supérieure, je ne dis pas qu’on s’y attendait mais, en tous cas, on était prêts, si ça arrivait, à pouvoir s’organiser en conséquence.

Tu sortais les disques d’It it anita sur Luik records, c’est ça ?

D : Au départ, on avait monté Luik parce qu’on s’était dit que plutôt que sortir un truc autopromo, on allait se fabriquer une petite étiquette. Les choses ont évolué, on a eu un groupe, deux groupes de potes qui nous ont dit « Tiens, j’ai un album qui est prêt » et, de fil en aiguille, je me suis improvisé booker parce que les groupes, pour vendre des disques, il faut qu’ils tournent. Maintenant avec It it, on a un label et un booker extérieur, on peut se concentrer sur le reste et pas du tout sur l’aspect prod.

On vous a sûrement déjà posé cette question mais votre disposition scénique, les uns face aux autres, d’où est-ce-que c’est venu ?

Elliot : Ca fait longtemps qu’on nous l’a pas posée… (Rires)

D : Je me demande si, un jour, on s’est pas dit qu’on mettrait les amplis en side parce qu’ils vont quand même très forts et pour éviter qu’ils tapent direct dans le gueule des gens… Et puis on s’est mis nous-mêmes de côté. On a aussi des chants qui se répondent un peu en ping-pong. Ca a dû venir de là…

Vous êtes comme ça, en répète ?

Mickael : Pas du tout ! On répète comme des gens normaux !

E : Sur scène, en tous cas, c’est très agréable. On se voit les uns les autres, c’est vraiment l’essence même de la musique qu’on fait. Il y a un aspect énergique entre nous. Ce qui ne nous empêche pas du tout de nous tourner vers les gens, loin de là !

Et, du coup… le déplacement de la batterie dans la salle ?

Mickael : C’est du jamais vu !

Damien : Je ne vois pas de quoi vous parlez ! (Rires)

Elliot : Ca n’arrive pas à chaque fois ! Souvent mais pas toujours…

Ah, c’est un bon signe, alors ? C’est que c’est bien ? Ou alors, c’est parce que vous vous emmerdez…

Elliot : Y’a plein de facteurs, faut avoir des cables assez longs…

Mickael : Nous, on sait pas toujours comment ça va se finir. Il y a un côté inattendu et amusant pour nous et pour les gens. C’est win-win !

Elliot : C’est une vraie liberté, c’est marrant ! Quand on le fait, c’est vraiment qu’on a envie de le faire !

Est-ce-qu’il y a l’idée de casser un peu la routine du concert qui est finalement assez ritualisée et un peu « safe » ?

Damien : Non, mais tu verras, on rigole beaucoup, hein !

Elliot : C’est dur de se réinventer chaque soir…

Damien : C’est sûr que quand je vois les shows de Lysistrata ou des Monks (Psychotic monks, NDLR), nickels en termes de lumières, où tout est super beau… Nous on n’est pas vraiment là-dedans. On envoie ce qu’on envoie et puis entre deux morceaux, Bryan fait des blagues – enfin Henri fait des blagues – moi, je raconte des conneries et souvent ils me demandent de fermer ma gueule.

M : Et certains autres membres du groupe sont anti-lights. Moi, je trouve qu’un bon concert se suffit à lui-même. Quand c’est trop léché et trop travaillé, ça veut dire que tout est trop léché et travaillé.

Elliot : Effectivement, mon deuxième métier c’est régisseur lumières mais, dans le cadre de It it anita, je le vois quand même avec un œil de musicien et je suis capable de faire une différence !

Damien : Donc, tu es d’accord qu’on ne veuille pas de lumière ? (Rires) On a déjà fait un concert avec une vidéo de NBA derrière. Pas de lumière, juste une projection d’un match ou les meilleures actions de Jordan…

L’autre jour, je regardais un documentaire sur le queercore et la vague homosexuelle hardcore et ça m’a vraiment frappé la façon dont ces mecs voyaient d’abord le punk comme de l’activisme et l’utilisaient pour foutre le bordel et pour choquer les gens. Je me disais que c’était quand même fort… Est-ce-que vous, vous vous concevez plutôt comme des musiciens ou aussi comme des activistes d’un mouvement culturel ou artistique, quel qu’il soit ?

Elliot : Je pense qu’au moins, ils faisaient des choses… Michael est président de la Turbojügend ! C’est un peu des icônes gays, non ?

Mickael : Pas que gays…

C’est quoi la Turbojügend ?

Mickael : C’est l’espèce de fan-club mondial de Turbonegro. Beaucoup de villes dans le monde ont ce club d’amis proches – très proches – et ils font beaucoup d’activités, vont voir les concerts, ils font du karting, ils ont des vestes très typiques… Moi, je me considère comme un menestrel (Rires aigus) Quelqu’un qui enfourche son cheval le matin et qui doit aller dans le royaume d’à coté faire un spectacle, il doit jongler et puis on lui jette une petite pièce, puis il va ailleurs.

Damien : Et il se moque du roi…

Mickael : Je me sens pas très en phase avec la… culture actuelle de masse. On divertit mal les gens, c’est une drôle de période. Et puis, quand on grandit, on se pose plus de questions parce qu’on a aussi des enfants et on se demande quels seront leurs repères et y’a pas pire repère qu’un Black Friday. Je trouve qu’on vit dans un drôle de monde où il y a plus vraiment de repères. Je suis pour un retour à la simplicité.

Elliot : Pas de lights ! (Rires)

Damien : On est sensible au monde qui nous entoure et on a envie de raconter des choses qui ne vont pas mais on n’est pas activistes. On va pas dénoncer des choses sur scène.

M : Moi, je trouve qu’à partir du moment où les gens dénoncent des choses sur scène, c’est plus de l’activisme, c’est du théâtre. Je crois que tu peux être activiste sans t’en vanter. En fait, ce qui manque à tout le monde, c’est de la citoyenneté. C’est ce qui manque comme cours à l’école primaire : être un citoyen qu’est-ce que c’est ? C’est devoir faire des choses pour les autres et avoir des choses en retour.

D : A l’époque où Fugazi et Minor threat ont lancé leur mouvement straight-edge, ils allaient dans un sens mais c’était pas théatralisé. Que leurs concerts et leurs disques soient accessibles à tout le monde, c’était engagé mais c’était pas théatralisé. Et leurs principes sont encore appliqués maintenant…

Quoique Ian MacKaye n’ait jamais considéré qu’il ait lancé un mouvement…

Damien : Justement, ça va dans ce sens-là ! Il n’a pas du tout envie de s’approprier le truc ! Il y a des principes qui sont là. Il a réussi à le faire, il y a des gens qui ont suivi le truc.

Elliot : Prenez ce que vous voulez, quoi.

Je ne pensais pas forcément uniquement à un sens politique, d’ailleurs… Ca peut être plus large que ça. On peut aimer et militer pour certaines formes de musiques imbuvables pour d’autres et avoir envie de faire vivre une scène autour de ça, organiser des concerts, s’investir dans des lieux… Un esprit activiste qui est un peu à la base de ces musiques. D’ailleurs, je sais même pas si ces musiques sont viables sans cet esprit-là… Rentables, oui, pour certains sûrement, mais pas pour d’autres…

M : C’est un grand débat… C’est comme les services publics… Est-ce que le train doit être un service rentable ? Je ne crois pas. On ne devrait pas limiter les budget du service public. Ca devrait être no budget. Je crois que le citoyen devrait avoir beaucoup plus de facilités pour plein de choses. Parler de musique et de rentabilité, je trouve ça un peu bizarre. Est-ce que le foot est rentable ? Combien ça coûte un match ? Combien est-ce que la municipalité de Liège paye chaque semaine ? Des centaines de milliers d’euros, je crois. Et qui en bénéficie vraiment, au final ? Très peu de gens.

D : Y’a eu cette étude, il y a quelques années, sur le fait que la culture rapportait plus d’argent que, par exemple, l’industrie automobile parce que, quand tu vas à un concert, tu consommes, tu va au resto avant…

M : Il y a une sono qui a été louée, le brasseur qui a amené des fûts…

D : Ca créé de la consommation plutôt saine. Il y a des flux d’argent qui au final font que ça rapporte plus que d’autres industries.

Justement, tant qu’on parle du côté économique, je voulais vous interroger sur le rôle des agents qui représentent les groupes et exercent un contrôle qui peut être assez fort. Par exemple, des amis étaient bookés sur une date par le lieu et leur concert a été annulé par l’agent du groupe de tête d’affiche sous pretexte qu’il n’avait pas été prévenu, d’après ce que j’en sais. Est-ce-que vous avez un avis sur ces questions ?

Damien : Si tu veux mon avis, c’est nul.

Elliot : La seule raison que je pourrais entendre, c’est que le mec de la salle booke la première partie, il s’emballe un peu et le groupe de première partie est plus imposant que la tête d’affiche : ils arrivent avec quatorze amplis. Ca, je pourrais l’entendre. Mais sinon, ça peut pas désservir la tête d’affiche.

M : Sauf si le support est meilleur que la tête d’affiche !

D : Mais, au contraire, les gens vont se dire « Ah, j’ai passé une super soirée, j’ai vu deux super groupes ! »

E : Ouais, il n’y a pas vraiment de bonnes raisons…

M : Support, c’est très compliqué aussi…

D : Et sinon, pour revenir au début de la question, le rôle de l’agent est quand même important. Il trouve des dates que nous, on ne pourrait pas trouver. Les agents qui sont sensés font un excellent boulot. On a des agents dans tous les pays et on est très content de bosser avec ces gens-là.

Ca vous est déjà arrivé d’être la première partie devant un public qui s’en foutait un peu ?

D : Ah ouais, c’est déjà arrivé ! Pas de souvenirs précis mais on s’est déjà rendu compte qu’on était dans des endroits où c’était un mauvais casting.

E : A côté de ça, on a déjà fait des premières parties où c’était super, aussi. C’est important de le dire. And so I watched you from afar, par exemple… excellente tournée !

D : Et le groupe était très content. Ils nous ont découvert aussi… On a fait six dates avec eux.

E : On s’est hyper bien entendu avec eux. Ils s’intéressaient à nous, ils venaient nous voir, on a eu un très très bon rapport…

M : ils sont techniquement… high level.

D : Ils ont enregistré leur album d’une traite. Ils ont répété pendant un an et ont fait une prise live de l’album de A à Z…

Pour en revenir un petit peu à votre musique, il m’a semblé que vous marquiez un peu davantage les contrastes sur votre dernier album, « Laurent », avec des passages plus pop plus assumés. Est-ce-que c’est une direction que vous prenez pour la suite ?

M : C’est bien aussi pour varier, en concert. C’est contraignant pour nous et pour les gens quand tout est trop fort et trop vite. C’est fatiguant, ton corps dit juste… Slow down baby ! (Rires) C’est bien d’avoir des montées, des descentes, des descentes, des montées. Monter, redescendre un petit peu… (Rires) Et ça, je trouve que Lysistrata le fait très bien !

E : C’est pas spécialement une volonté d’aller vers un truc calme ou violent. Je crois qu’on fait juste ce qu’on a envie de faire, peut-être d’une façon un peu différente de la façon dont on le faisait au début…

D : On écoute tous beaucoup de musiques différentes depuis très longtemps et donc il n’y a pas de raisons qu’on fassent que des trucs nerveux. Si, à un moment donné, on a envie de faire un truc plus stoner, ou plus post-rock, on le fait. Mike avait fait un morceau un peu à la Daft punk, un jour. Bon, il n’a pas été repris mais il existe et il est super !

J’ai lu que vous aviez tendance à arriver avec des morceaux relativement finis en répètes…

M : Pas complètement finis mais, normalement, l’ossature est déjà faite.

D : Mike compose et ensuite on rajoute.

B : A la batterie, il me met toujours une base et il me dit « La base est là, fait ce que tu veux ».

M : Comme les Beatles finalement… C’est pas Ringo qui amenait un morceau ! (Rires)

B : Il les amenait mais on les mettait de côté… All right, Ringo ! (Rires)

M : Et si ils jouaient un riff et qu’ils ne s’en souvenaient pas le lendemain, c’est que c’était un mauvais morceau et ça, c’est tout à fait vrai !… Ca, c’est le côté poppy du groupe. J’ai besoin de me raccrocher à une mélodie. J’ai du mal avec les groupes trop destructurés. J’aime bien aller voir un concert et pouvoir taper du pied. C’est important pour mon horloge interne. (Rires) Les trucs trop compliqués, ton cerveau a du mal à suivre, ton corps à du mal à suivre. Ca peut être une super performance, mais tu vas au concert et tu te souviens d’aucun morceau…

C’est marrant parce que le dernier groupe que j’ai interviewé, c’était Dewaere et je leur ai demandé si ils pensaient que le rock à guitares pouvait encore avoir du succés où si les années avaient été une sorte d’âge d’or et ils m’ont répondu que ce qui marchait et qui marcherait toujours, c’était les chansons…

D : C’est clair ! C’est ce qui restera !

E : Mais ça ne veut pas dire que le rock n’attire plus les foules… Plus autant, ça, on est d’accord ! Mais pourquoi pas un retour ? Moi, j’y crois ! Après, est-ce-qu’on peut dire que Smells like teen spirit est une chanson ? Oui… mais la définition est vague !

M : Le refrain est hyper fédérateur ! Le refrain est quand même fou !

E : En tous cas, c’est pas l’idée que je me fais quand on me dit une chanson…

M : Tu penses à quoi, plutôt Stewball ? (Rires)

E : Ah ouais, Hugues Aufray, il sait écrire une chanson !

Est-ce-que vous avez écouté le dernier album de Kim Gordon ? Je sais que Sonic youth a été un groupe assez important pour vous…

M : J’ai entendu trois morceaux. J’ai trouvé ça quand même pas mal mais je pense aussi qu’on en tirerait pas une ligne si c’était pas Kim Gordon. C’est la plus arty du groupe, je crois qu’elle peut taper sur une bouteille et faire hahahaha…Je l’avais vue en live il y a quelques années, avec Body/Head, putain, c’était un larsen de 30 minutes ! Heureusement qu’il y avait Disappears avant qui jouaient, c’était vraiment super ! Si c’était pas Kim Gordon, y’aurait eu personne dans la salle ! Mais je l’adore, elle est belle quand elle chante. Elle chante et elle joue pas bien mais c’est ça qui est bien ! C’est un membre vraiment important de Sonic Youth mais en solo… Thurston Moore a beaucoup plus d’impact, pour moi. Lui écrit des chansons !

D : Après ce qu’elle avait fait avec Free kitten, c’était un peu plus des chansons, c’était un peu moins expérimental…

M : Oui, mais c’était pas elles qui écrivait les chansons… Et donc, je n’ai pas tout écouté mais je vais l’acheter parce qu’en plus je trouve que la pochette est belle. Si elle vient jouer demain, j’irai la voir.

D : Elle joue au Poulpe demain, justement ! (Rires)

Et vous, ça vous arrive de travailler avec vos défauts ?

M : On ne fait que ça !

D : On n’est pas des vrais musiciens ! On sait se servir d’une guitare tant bien que mal et on fait comme on peut.

M : On en parlait avec les gens de Nurse… Il y a une différence fondamentale entre jouer seul et jouer en groupe. Il y a plein de gens très bons seuls dans leur domaine mais en groupe ça n’ira pas parce que c’est un autre process. C’est gérer les humeurs, les envies de chacun. C’est comme une famille, un peu. Moi, j’aime bien jouer en groupe parce qu’on est plus forts. En groupe, on va de l’avant, on va sur la route, on fait des kilomètres, il y a un côté un peu POWER MEN ALAWONEAGAIN !!! (Voix forte et accent de cow-boy assez indescriptible, NDLR). Il y a un côté believer, je sais pas comment expliquer… Demain, on ira encore plus loin que là où le soleil se couche… Lucky Luke, un peu !

E : Enfin Lucky Luke, il a quand même Jolly Jumper… et Rantanplan !

Alors, c’est qui, rantanplan, parmi vous ?

M : Je sais pas… C’est Laurent. Vu qu’il est pas là…

Il y a toujours pas mal de choses assez détonnantes qui se passent en Belgique. Quelles sont les découvertes, musicales ou autres, que vous voudriez nous faire partager ?

E : Si je devais en citer un, ce serait Millionnaire. C’est un peu un groupe emblématique pour moi. J’ai une petite fierté que ce soit quelque chose de Belge.

M : Millionaire forcément, Deus, forcément, Soulwax, forcément.

E : Des groupes qui ont façonné ce que les gens appellent un peu grossièrement le rock belge.

D : Actuellement, y’a la nouvelle scène noise flamande avec Shht, Guru guru, Raketkanon…

E : Et Le prince Harry, les copains avec lesquels on joue tout le temps…

M : Plus au sud du pays : Cocain piss. Ils sont de Liège et ils s’exportent bien. Steve Albini les adore. Il met leur tee-shirt quand il fait des tournois de poker.

D : Zwangere guy a un album vraiment fou, c’est un rappeur bruxellois qui chante surtout en flamand.

E : Shht, l’album est encore une expérience très bizarre à vivre. C’est vraiment un mélange de studio et de live, ce groupe, mais c’est hyper bien !

On peut peut-être conclure sur vos projets ? Est-ce-que vous avez un nouveau disque qui va sortir ?

D : Oui, on est en train d’en discuter avec le label. C’est ça être professionnel, on est prêts mais, pour sortir un disque, il faut 7 mois à partir du moment où il est fait ! Pour en revenir à tes premières questions sur le pourquoi de notre label, JB de Born bad était éventuellement intéressé pour sortir notre deuxième disque mais ça aurait pris un an à cause du planning, de la promo, etc. et on voulait le sortir vite. Il était déjà prêt depuis plusieurs mois. Ici, c’est pareil. On va l’enregistrer pendant la première moitié de l’année 2020. On aura le mix et le master au milieu de l’année et le label a besoin d’au moins six mois pour le sortir. Philippe est un puriste du vinyl, il travaille avec une usine qui est implantée en France, donc voilà.

Vous allez l’enregistrer avec Laurent ?

M : Ca se discute et, pour le moment, c’est encore secret !

>>>>>>>>>> IT IT ANITA

>>>>>>>>>> VICIOUS CIRCLE

« 666 révolutions par minute » : une interview de Hazam/Instant bullshit

On n’écoute pas de la musique tout seul. On l’écoute parce quelqu’un vous a dit de l’écouter. Au fil des publications pour lesquelles il a écrit – actuellement son blog Instant bullshit -, Hazam ne cesse de dérouler une pelotte de musiques déviantes et intranquilles. Punk, noise, musiques expérimentales ou avant-gardistes, selon l’humeur et les rencontres. Chroniques de disques, reports de concerts, défilé non-stop d’écrits souvent labyrinthiques. Je suis allé l’interrompre un moment avec quelques questions.

Hello Hazam, quand as-tu commencé à écrire ? Peux-tu nous faire un historique des publications et supports pour lesquels tu as écrit ?

J’ai d’abord commencé par faire de la radio, j’étais au lycée, j’écoutais déjà beaucoup de musique et j’ai trouvé dans la radio le moyen de faire quelque chose avec ce qui était devenu pour moi une passion et celui de découvrir toujours plus de groupes, de disques, de musiques. Lorsque j’ai pu légalement partir de chez mes parents j’ai débarqué dans la grande ville la plus proche (Lyon) où j’ai cherché et rapidement trouvé une radio qui me corresponde : c’était Radio Canut où je suis resté une douzaine d’années. À radio Canut je faisais des émissions seul aussi j’ai commencé à parler de plus en plus entre les disques que je passais et c’est ainsi que j’ai commencé à écrire, d’abord des simples notes puis de véritables petits textes. D’autres à Canut – Jean-Mi, futur Bästard ou Stef, futur boss du Sonic – ont fait exactement le chemin inverse et ont choisi de ne plus parler et au contraire de mélanger les disques, les sons et de se diriger vers toujours plus de création sonore. Puis j’ai rencontré des gens qui m’ont proposé d’écrire des articles pour des supports papier (et après pour des sites internets) et depuis je continue d’écrire, principalement pour moi, pour ma propre gazette.

Ursa

Tu as collaboré à plusieurs webzines comme Le Zèbre ou Perte & fracas, et tu es revenu à un support individuel, le blog Instant Bullshit, y a-t-il une raison particulière ?

J’ai aussi écrit pour un journal papier gratuit lyonnais à tendance culturelle généraliste pendant presque quinze ans, j’ai un temps collaboré à un journal musical national distribué en kiosque mais finalement je suis un solitaire et un égoïste, je préfère travailler pour ma gueule, sans compter que j’ai un sérieux problème avec les connards pour qui dans les mots « rédacteur en chef » c’est le « chef » le plus important (cette remarque fonctionne aussi avec « directeur de publication » et « directeur »). Ce qui ne m’interdit pas de prendre part à des projets collectifs de temps en temps, si on me le demande et bien sûr si cela me branche (par exemple l’année dernière j’ai écrit un ou deux textes pour un livre).
Pour moi écrire est quelque chose de vital mais je n’ai aucune imagination, je ne sais pas inventer des histoires et réfléchir n’est pas mon fort non plus donc écrire sur la musique et chroniquer des disques me permet de conjuguer deux des trois ou quatre choses parmi les plus importantes dans ma vie et en même temps cela me donne un cadre, des contraintes, et donc l’énergie et les idées nécessaires pour assouvir ce besoin et cette envie d’écriture. Ceci dit l’expérience Perte & Fracas a été essentielle pour moi, elle s’est déroulée en deux temps et lorsqu’en 2014 Xavier est revenu vers moi pour que je réécrive dans Perte & Fracas cela m’a en quelque sorte sauvé, j’étais au bord de graves problèmes personnels et d’épreuves de vie et écrire pour PeF a alors été salutaire. Il y a dans certaines chroniques écrites à cette époque et un peu plus tard des mots qui parlent de tout ça, du fracas de l’existence, de la chute, de la dépression, des amours perdues, de la mort. Puis j’ai laissé tomber Xavier et Perte & Fracas sans crier gare, assez lâchement, parce que je n’en avais plus besoin, et je ne m’en suis jamais excusé. Mais que Xavier soit ici remercié, même s’il ne sait pas exactement ce qu’il a fait pour moi.

Je ne sais pas si Instant Bullshit a une ligne éditoriale explicite, mais si il y en avait une, qu’est-ce-que ce serait ?

La ligne éditoriale tourne uniquement autour de mon nombril et dépend du temps que je passe à le caresser (des fois je n’en ai pas le temps, d’autres fois je ne fais que ça, c’est tellement délicieux). Je parle donc de musiques et de disques que j’aime ou de musiques et de disques que j’aime détester. C’est le reflet de mon égoïsme et de mon narcissisme. Parce que ça me plaît.

Neige morte

Pourquoi et pour qui écris-tu ? Ou, autrement dit, quel est le sens d’une publication comme Instant Bullshit dans la scène musicale actuelle ?

Je ne sais pas et je m’en fous. Il y a des chroniques qui plaisent, d’autres non. Il m’arrive d’avoir des réactions à certains de mes textes mais ces réactions sont rarement argumentées, c’est plus du genre : « ah c’est cool tu fais partie des rares personnes à avoir parlé de ce disque » donc c’est comme un « like » ou un « cœur » sur un réseau social, ça ne veut pas dire grand chose.

Tu écris des chroniques de disques et de concerts mais tu ne fais pas d’interview. Pourquoi ?

Je ne sais pas trop parler aux gens. Quand j’ai besoin de dire quelque chose à une personne je préfère lui écrire. Alors faire des interviews… c’est difficile pour moi et cela l’est de plus en plus. Lorsque je vais à un concert je préfère me cacher derrière mon appareil photo plutôt que d’avoir de réelles discussions.

Je crois que, comme moi, tu a commencé à écouter de la musique à un moment où les fanzines jouaient un grand rôle. Est-ce que c’est quelque chose qui a été important pour toi ?

Oui et j’en ai plein chez moi. Je suis très heureux de constater que depuis quelques années les fanzines reviennent à la vie, que des gens veulent à nouveau imprimer des mots, écrire sur leurs idées, leurs ressentis, et que cela soit sur autre chose qu’une page web à peine consultable sur l’écran microscopique d’un téléphone pseudo intelligent. Mais je ne suis pas assez courageux pour faire de même : écrire pour un blog c’est tellement plus confortable et pneumatique.

Y a-t-il des personnes dont le style d’écriture t’ont particulièrement marqué et donné envie d’écrire sur la musique ?

Je ne sais pas trop… Les bouquins sur la musique sont souvent tellement mal écrits ! Et je ne te parle même pas des autobiographies de musiciens. Pourtant je lis beaucoup de livres sur et autour de la musique : le sujet m’intéresse beaucoup plus que le style employé, que la forme. J’aimerais pourtant bien te citer Lester Bangs mais ce type est tellement inatteignable, jusque dans ses erreurs d’appréciation, d’ailleurs… Et puis j’aime beaucoup ces auteurs qui écrivent des romans et des récits que je peux lire un peu de la même façon que j’écoute un disque qui me plait et me touche : Bukowski, Fante (père et fils), Philip K. Dick, Roberto Bolaño, Harry Crews, Jack London, Norman Mailer (enfin, principalement pour « Un Rêve Américain »), beaucoup d’auteurs américains, en fait.

Emilie Zoé

Je voulais aussi te poser une question sur la négativité et l’intransigeance. Quand on parle de musique avec une personne, on dit  « Ça, j’aime pas » ou « Ce groupe, j’ai jamais compris », – ça paraît même essentiel, c’est ça qui fait le sel des goûts de chacun – mais c’est quelque chose qu’on ne retrouve pas toujours dans la presse écrite. As-tu des idées là-dessus ?

Oui j’ai quelques idées. Dire ou écrire « j’aime » ou « j’aime pas » est interdit par la psychorigidité du journalisme professionnel. Mais il y a également cette pratique qui consiste – sur le web – a donner en pâture et en avant-première un disque via un player intégré ou une vidéo mais sans donner réellement d’avis, c’est de l’écriture événementielle, de la recherche de buzz. Et j’en ai vraiment rien à foutre. Sinon donner son avis est dangereux lorsqu’on vend des espaces publicitaires et que l’on passe son temps à gratter des disques promotionnels ou des places de concert gratuites pour occuper ses soirées.

T’est-il arrivé d’avoir des retours négatifs sur un article ?

Oui j’en ai eu à l’époque de Heavy Mental mais pour l’instant pas pour Instant Bullshit alors qu’il y a un formulaire de contact en bas à droite sur la page du blog pour qui souhaiterait me contacter mais personne ne l’a encore fait. En moyenne une personne passe moins d’une minute sur une page internet ne comprenant que des mots mais aucune vidéo ni aucun extrait musical : la lecture assidue est devenue un véritable acte de bravoure… alors réagir avec des mots à d’autres mots c’est carrément de la science fiction dans un monde où avoir l’air de réfléchir est plus important que la réflexion en elle-même.

Quelles sont les publications, papier et numérique, que tu consultes aujourd’hui et pourquoi?

Je lis Perte & Fracas, Des Cendres A La Cave, Le Monde, Le Monde Diplomatique, Courrier International, Le Figaro et quelques autres trucs lorsque je tombe sur un article dont le sujet m’intéresse. Mais je consulte surtout des sites d’informations alternatives et d’opinions contrastées (rebellyon.info par exemple).

Dewaere

Tu fais également des photos de concerts, qu’on retrouve régulièrement sur Instant Bullshit et qui ont aussi fait l’objet, je crois, d’expositions. Peux-tu nous parler un peu de ton approche la photographie ?

La plupart des photos que je prends sont plutôt visibles sur mon flickr où il y a un album consacré aux photos de concerts et un autre avec tout le reste : des paysages, mes enfants, des photos de rues, etc. Je n’expose pas vraiment – seulement cinq fois à ce jour dont deux expositions collectives – parce que j’ai la flemme. Pendant longtemps je n’ai pas voulu faire de photos parce que c’est lié à mon histoire familiale et que j’ai tout fait pour rejeter celle-ci. Puis j’ai fini par grandir (enfin, pas trop non plus) et j’ai voulu documenter les concerts où je me rends. J’aime le noir et blanc très contrasté et j’aime faire des instantanés avec des gens qui bougent à l’intérieur du cadre, donc faire des photos de concerts est idéal pour moi. Mais honnêtement je n’y connais pas grand chose, je suis incapable de te citer des « grands photographes » qui me touchent – exception notoire : certains vieux trucs de Jan Saudek – ou de te parler technique. En plus ça m’emmerde un peu, presque autant que les conversations entre fans de sport. J’ai appris par moi-même, je me suis au point tout seul des petites techniques un peu fainéantes mais qui donnent illusion de faire le taf. Du moins, je l’espère. Et puis, une photo, ce n’est pas une simple représentation de la réalité mais (donc) une illusion transformée de celle-ci, figée, et des fois même presque mortuaire. Une photo doit montrer ou exprimer quelque chose et comme ce quelque chose est la plupart du temps inexprimable (comme l’émotion et l’ambiance d’un concert) il s’agit de faire autrement, une image qui se rapproche des fois à peine de ce que l’on a ressenti. Je ne crois pas en l’objectivité et en la neutralité du photographe ou du preneur d’image. Ou alors on parle de caméra de surveillance et de totalitarisme du reflet d’un miroir sans tain.

Tu vas très régulièrement voir des concerts, quel est ton impression la scène lyonnaise actuelle, que ce soit du point de vue des groupes, des salles, du public ou autre ?

La musique à Lyon est très présente et très variée. Je n’aime pas parler de « scène », ça fait géographe, sectaire ou patriote, bref un truc qui pue. Il y a des groupes, des salles, des orgas, des concerts, des publics et c’est tout. Mais c’est très cool tout ce foisonnement à portée de main. En plus, les concerts à Lyon restent abordables financièrement – du moins ceux auxquels je me rends – et l’éthique Do It Yourself / Do It Together est très présente et importante. Bien sûr, il y a quelques tocards qui se la jouent rebelles du rock’n’roll, comme de partout j’imagine. Mais, globalement, habiter dans cette ville est une chance, oui, même si sur beaucoup d’autres plans ça craint (le nettoyage et la gentrification des quartiers populaires, la surenchère immobilière, Lyon capitale de l’extrême-droite européenne, la fête du Beaujolais, la fête des Lumières, les Nuits Sonores, le harcèlement des contrôleurs dans les transports en commun alors que bus et métros devraient être gratuits pour les gens démunis, Gérard Collomb, l’Olympique Lyonnais et ses supporters décérébrés, l’hypocrisie de la Métropole face au problème des réfugiés, je pense notamment à ceux qui sont parqués depuis des mois dans l’ancien collège Maurice Scève dans le 4ème arrondissement, etc).

France

Et le meilleur groupe lyonnais en ce moment, c’est qui ?

Je ne sais pas ce que signifie « meilleur groupe lyonnais » mais je peux citer quelques groupes que j’aime bien en ce moment comme Neige Morte, Balladur, Tôle Froide, Bleakness, Hørdür, Grand Veymont, François Virot Band, Warfuck, Schleu !, Saló, Kouma, Chromb !, Meurtrières, Contractions, Monplaisir ou Ursa. Mais mes préférés restent Tombouctou. J’avais littéralement adoré le premier album et je sais que le groupe a désormais suffisamment de nouvelles compositions pour enregistrer un deuxième LP, j’aimerais vraiment qu’il y arrive.

Les photos des groupes sont bien évidemment de Hazam. Merci à toi.

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>>>>>>>>>> ET UN AUTRE

« Trans-siberian noise-rock express » : an interview with Jars

Muscovite noise-rockers Jars stopped in our area last November and we had the coolest time. The show was a total blast in a packed Bistro des Tilleuls and in front of an audience gone wild. This interview was done after the gig with Anton (guitar, voice), Pavel (bass) and Sasha (drums).

You are in the middle – or, rather three-quarters, – of the tour, how has it been going so far ?

Pavel : So far, two days off but the second day off was because of the car. We didn’t want it, we didn’t have a rest, we just fucked up with the car.

But they managed to put up another gig for you, didn’t they ?

Sasha : Yeah, and the second gig was even better ! Much more people came and everyone enjoyed it so much ! We had a great time in Guéret !

Is it your first European tour ?

Anton : No, I’ve been playing in Jars for 8 years, with a lot of different people,. We’ve been together for about two years. This is our first big European tour. Our first time further to the west than Germany.

S : So it’s our first time in France, in Spain, etc. all together. Definitely worth it !

Your last record was put out by a French guy, Lionel from Pogo records. Can you tell me the story behind it ?

A : The story is really simple. He just wrote us on Facebook and asked if he could put our record on his bandcamp. I said yes and then he helped us releasing the new one. He also helps a lot on this tour, sending info to everyone, spreading the word. Thank you, Lionel !

S : Yeah, he is a great guy.

Your music is grounded in noise-rock but you sing in Russian, unlike many bands who sing in English even if they’re not from this country…

A : We have some records in English – early ones. For me, it’s very important that the words I sing touch me. I need to feel what I sing. And, at some point, English stops doing it. The lyrics in Russian are a good way to go deeper… To tell yourself what you think and feel about different things.

P : I’d like to add that, on this tour, we played with different bands from different countries and when the bands sing in their native language, for some reason, it’s more interesting. Today, in the van, we listened to a band from Basque country, they sing in their language and it’s really great !

A : It makes music more diverse…

Anton, obviously the lyrics are important for you… It’s something that you spend time on ?

A : A lot of time…

S : After the song is ready, Anton spends several months creating the lyrics. This is how important it is to him.

A : Some of the new songs that we played tonight, the lyrics are in process. But no one can understand them. (Laughs)

Yeah, except when you explain it between the songs just like you did tonight when you talked to us about political events happening in Russia… Is the political situation in Russia something that has an influence on your music?

A : Not the music but the lyrics, definitely. Everything comes from the feelings inside… so maybe our music too !

It’s quite unusual for a noise-rock band. Usually punk and hardcore bands are more into politics…

A : I consider us as a punk band ! And, anyway, if you walk in the street with a guitar and somebody stops you and ask about what you play, it’s easier to answer « I play punk. » than going into details about noise-rock…

S : Basically, noone understand what noise-rock is. (Laughs)

So how is it to be a punk band – or a noise-rock band – nowadays in Moscow ?

A : Nowadays, Moscow is a good place to do any kind of music ! We have strong social networks, a strong scene. If you want to book a gig, you just do it. I’ve been in the punk scene for a very long time. I know everyone so it’s kind of easy for us.

S : I see a lot of newcomers and a lot of great new bands. In my opinion the scene in Russia and in Moscow in particular are on their rise. It’s really wild !

A : And there are people who want to listen to it, that’s very important !

S : And when you are in this environment, it’s so inspiring that it really helps you to push yourself and rise above yourself. Actually, I think that right now Moscow is the best place in the world to create music !

A : Yeah, one of the best place ! Ten years ago, we needed a lot of media to do a good show. Today we still need it but it’s much easier.

P : I think somehow that people have changed. They are far more interested in knowing what other guys are doing.

A : Yeah, ten years ago, a good band was a band singing in English. You were good if you played like Arctic monkeys. Now you’re good if you play like Grazhdanskaya Oborona and you sing in Russian ! Now we’re looking inside our own culture.

S : And also there are a lot of bands from different parts of our country, not just Moscow : Khabarovsk, Irkoutsk, Vladivostok…

A : And the guy who drives us has played a major role in that !

Yeah, you talked about Denis during dinner…  So, let’s pay tribute to the man ! You said he was able to drive from Portugal to Vladivostok !

P : Several times !

A : He did six tours from Moscow to Vladivostok. The point of this tour is the connection between different cities and it really works ! Now we have a lot of friends from Siberia…

S : Yeah, it makes touring way easier. Some years ago, it was almost impossible to imagine that you could tour through the whole country, right now it seems doable even if it’s difficult. It just takes a lot of time but you know almost everyone on the way, great people and great bands. So it’s easy : you quit your job and go touring ! (Laughs)

OK, so can you educate me a little about the Russian scene ? Can you give me some names that are important to you ?

P : Oh, we’ve been asked that before and you’ll need to stop us because the list is long !

A : So let’s set up the rules : only bands that are active now, ok ?

S : The first band that comes to my mind is EEVA. Great band, the guitarist was in the audience. He lives in France right now. And also, another band : RAPE TAPE from Khabarovsk…

A : Terrible name…

S : It’s an absolutely insanely great band ! I think it’s one of the best live bands in the world right now !

A : My choice is Pozori. It’s feminist electro-punk. Right now, they kind of disbanded but soon there will be a kind of reunion. I plan to play in this band. (Update : Anton is now playing bass in Pozori. -Ed.) It’s noisy, it’s angry and it’s kind of funny. It’s music that punches you in the face ! By a girl ! Fucking cool !

S : I have to say that the music is absolutely disgusting ! You will love it !

A : And my second choice will be C.X. They call themselves « boozecore ». It’s really slow sludge metal. They sing about literally two things : weed and vodka. They are so simple that it becomes political. Weed is restricted in Russia. Vodka is not restricted but not admired. They sing against cops – or pigs, as they say – and their message is : you don’t have to tell me what to do. I will smoke weed and drink vodka everyday !

P : My first choice is Supergoats, two guys form a town called Kirov, one is on drums and the other sings and play guitar and I’ll call their music raw-power-rock. They sing about dicks, tits and fuck. On one side, it’s very silly but on the other side it’s very raw, very arghhhhh !

S : It’s great fun, they are so wild ! The vocalist beats himself in the face during the show  and he beats himself really hard ! And he dances on the stage like this (pushing objects around. Ed.) It’s really fun. I love this ! Great shows !

P : His name is Pavel too. He is a big figure in the Kirov underground scene !

A : He is the Steve Albini of Kirov. Great guy !

P : The second band is IBN. I play in this band but I mentioning it because I only play the bass. The guy I play with is 10 years younger than me and I absolutely love him because of his fresh and open mind and his great ideas. As a person a bit older, it’s great to work with a younger, high-energy guy. It’s something like noise-rock but not as aggressive as Jars, it’s softer but… we do great shows too !

Thanks, I will listen to all the names that you have mentioned. There’s one name that comes to mind and that’s Pussy riot, the one Russian band that we have heard of in France in the recent years. So… do you have things to say about them ?

A : I took part in one of their actions and I got punched in the face ! (Laughs) It was really strange : when they see girls who gets power, they immediately get angry. It actually took place in MacDonald’s and I was really surprised that people reacted so quickly. I like them. They do a lot of good things – apart from being now a pop band. With the money they made on tour, they launched a media called Mediazona, which writes about police brutality and human rights and I think it’s the best media I read in Russia now !

S : Yes, it’s the most professional media in Russia today.

You mentioned bands of many different styles… What are you most interested at the moment musically ? What are you looking for when you go to a show or buy a record ? I mean : what’s your personal relationship with music at the moment ? What bores you ? What are you excited about  ?

A : Actually, I like good punk-rock and noise-rock bands that don’t invent anything new. But, right now, I’m interested in improvisation stuff. Playing with rythms and time signatures rather than always the same 4/4 stuff. I like that, I like noise, I like what Death grips does. Pretty ununderstandable music for me, yet. I like… unusual use of instruments. Probably we can mention Lightining bolt. The things they do with only bass and drums are really interesting. I also like minimalistic stuff : you only use the sound of your instrument but try to make something really strange.

Are there any French bands that you like at the moment ?

: Yes, I like Psychotic monks – quite like the Irish band Girl band. I even want to bring them to Russia but I don’t know how to contact them… Also Harpon, frightening music ! There was a band called Doppler. I heard them five or seven years ago and they totally blew my mind : so emotional, so technical, so cool.

S : I would say that… Some time ago, I stopped listening to records by emerging bands. Because I always want to see the band live first. The records are often a bad intermediary for the energy that the band has live. So I prefer going to live shows. Sometimes the records are cool but on stage it’s not so powerful and no so emotional. And also I’m in my thirties so I think it’s time to stop aligning my identity with the music I listen to. I don’t care about the style. I listen to jazz, academic music, everything ! It’s just about the talent of people who are really into what they are doing.

A : Actually, I do remember another French band : Aussitôt mort… or Mort mort mort ! We played with them in Moscow and Denis drove them ! It would be a crime to forget cool French punk bands like this.

P : I’m afraid that my answers aren’t that interesting… I’m trying to listen to new music, new bands and so on but, for some reason, I still like bands from the old age and for some reason I am still inspired by the Beatles and so on. Old stuff ! I listen to some new music but my heart, for some reason, is still with this old age. Sorry ! (Laughs)

Photo live : lowlightconditions. Merci à toi.

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« Déglingo comme il faut » : une interview de Dewaere

Dans la foulée de leur concert au Poulpe, les membres du quatuor pop-punk-noise explosif Dewaere ont pris le temps de répondre à mes questions. Etaient présents Marc (basse), Julien (guitare) et Maxwell (chant) ainsi que Franck (batterie) et Yann (tour manager qui fera quelques interventions bien senties). J’ai l’habitude d’ajouter la mention (Rires) pour donner une idée de l’état d’esprit à ce moment mais, là, c’est toute l’interview qui est à lire avec un sens de l’humour et du second degré bien aiguisé. Dewaere, c’est des tubes en série qui explosent sur disque, des concerts pied au plancher souvent délirants et incontrôlables mais leur interviews aussi sont rock’n roll.

Vous jouez très régulièrement et votre album en est à son troisième repressage : ça a l’air de pas mal marcher pour Dewaere. Est-ce-que c’est le fruit d’une stratégie établie et vous étiez sûrs de votre coup ou, au contraire, est-ce-que ça vous prend un peu par surprise ?

Marc : Totalement par suprise. Quand j’ai été recruté pour un boulot, on m’a demandé : « Est-ce-que tu vas repartir en tournée ? Est-ce-que tu seras totalement dispo pour le travail qu’on te propose ? » Moi j’ai dit : « Les tournées, c’est terminé ! » – j’avais 38 balais à l’époque – et je me retrouve dans la situation totalement inverse ! Mais, à la base, ce groupe, c’était juste pour faire du rock.

Julien : On a composé des morceaux, on a rencontré Maxwell. On s’est dit c’est cool, ça nous plait, on enregistre. Notre batteur connaissait un gars de chez Bigoût records et de chez Phantom records. On a envoyé notre album. Les mecs ont dit : « Oh, c’est génial ! » Ils nous ont proposé un deal pour 300 vinyles. Donc on a sorti l’album et suite à la sortie de l’album, on a eu de bons retours, qui nous ont apporté des dates, qui nous ont apporté un tourneur, puis d’autres dates, encore de bons retours sur l’album hyper régulièrement… Tout s’est enchaîné mais c’était hyper inattendu…

Hugues jouait dans Flying worker auparavant, et aussi Neige morte, Veuve SS – des groupes qui tournaient ou tournent plutôt dans la scène hardcore/DIY -, est-ce-que le fait de travailler avec des intermédiaires comme votre tourneur et dans des circuits plus larges vous pose certaines questions ?

Maxwell : Moi, je déteste chercher les dates, organiser les répètes – et je crois que tous les musiciens sont d’accord avec moi quand je dis ça. Quand tu as quelqu’un qui organise des dates, franchement tu peux te branler sous la douche tranquillement avec l’image de la reine dans ta tête ! (Marc plié de rire. NDLR)

Julien : Et puis, c’est pas comme si on était avec un agent véreux. Le mec, il est plus jeune que nous…

Marc : Il est méga passionné. Notre relation est hyper saine. On est à la même hauteur. Il nous aide à nous développer, il a capté le truc et… il bosse bien !

Maxwell : Il nous adore et on l’adore !

Julien : Parfois, il y a eu des gens qui nous disaient : « Nous, on veut pas passer par un tourneur, on veut passer en direct. » Mais c’est unE erreur totale parce qu’en passant par eux, c’est tellement plus simple. Eux, c’est leur métier. Nous, notre truc c’est de jouer de la musique et, eux, c’est d’organiser.

Du coup, qu’est-ce-que vous pensez des pratiques des tourneurs qui consistent à avoir un droit de regard sur les premières parties ?

Julien : Franchement… Pas grand-chose. Je pense que si j’étais tourneur, je ferais la même chose !

Marc : Là, tu poses la question aux musiciens, faudrait que tu demandes au tourneur. Basiquement, le tourneur, c’est un vendeur mais un vendeur qui kiffe son truc, pas un mec qui vend des pots de yaourts, c’est un métier passion. Si il nous fait jouer dans des lieux comme ici, c’est pas pour l’argent, c’est parce que c’est là que le groupe rencontre son public.

Julien : Il y a des tourneurs qui nous auraient fait jouer en première partie de Matmatah à l’Olympia mais lui si il nous fait jouer en première partie, c’est sur une date avec le Villejuif underground ou avec Cocaine piss.

Maxwell : Ca marcherait pas du tout…

Julien (interloqué) : Je sais pas… Pourquoi ?

Maxwell : Ca marcherait pas du tout parce que c’est NOUS les meilleurs ! (Rires)

Julien : Non, ce qui fait qu’on est bien avec lui, c’est que c’est pas business mais il y a un bon truc de développement.

Votre musique a un côté assez entraînant, assez fun. Est-ce-que c’est une envie que vous aviez dès le départ ?

Julien : Pas du tout ! Avant que Maxwell arrive, on avait que des instrumentaux orientés noise/math-rock. Assez rapidement, on s’est rendu compte qu’il fallait que nos morceaux deviennent des chansons.

C’est vrai que la voix de Maxwell sur du math-rock, j’ai un peu du mal à imaginer ce que ça pourrait donner…

Marc : Si ! Si ! Ca pourrait marcher mais ça serait vraiment chelou !

Julien : Il a apporté quelque chose de beaucoup plus pop à nos morceaux et c’est tant mieux.

Gloire à Maxwell , quoi !

Marc : Ca a été un putain de coup de bol et c’est génial ! (Il se tourne vers Maxwell) Si tu veux, tout à l’heure, je te (Une certaine conception de la décence m’empêche in extremis – malheureusement peut-être – de reproduire la proposition à caractère sexuel de Marc dans sa totalité, ni la réponse de Maxwell qui, il faut bien le dire, n’est JAMAIS pris en défaut de répartie. NDLR)

On entend parfois dire que, pour les groupes à guitare, c’est un peu la fin, qu’il y a plus trop de public, qu’est-ce-que vous en pensez ?

Julien : Moi, je trouve que c’est le contraire, je trouve que ça revient !

Marc : Il y a toujours un public pour les bons groupes et pour les bonnes chansons. Tu peux faire de la techno au kilomètre, ça va marcher 5 ou 6 ans, tu vas remplir ton festival parce que les mecs sont sous MD et qu’ils sont défoncés. Mais que ce soit en rap, en rock, en pop, c’est exactement pareil, les gens viennent chercher une émotion. A partir du moment où tu dis vraiment quelque chose, de la manière la plus pop qui soit, tu touches tout à coup un public hyper large et réceptif !

Yann (semblant se réveiller tout-à-coup) : Est-ce que vous voulez voir ma raie ? Ou mon zizi ?

Maxwell : Yann Olivier entre en scène !

Les gens parlent parfois des années 90 comme d’un âge d’or…

Marc : En tous cas, dans les années 90, Maxwell n’écoutait aucun groupe des années 90 !

Maxwell : C’est n’importe quoi : Michael Jackson, Spice girls, Fucking backstreet boys ! Mais bon, je suis né en 87, mec. These fucking dickheads listened to Nirvana, Sonic youth…

Marc : J’écoutais du black metal !

Maxwell : Non, toute ma vie, j’ai écouté les Beatles ! Pour moi, c’est tout ce qui compte ! Nirvana, je vois que c’est bien mais… ça m’emmerde ! C’est comme le massage shiatsu, c’est bien mais ça te fait rien !

(A ce moment, Julien essaye de m’expliquer le son de guitare qui l’inspire dans Nevermind pendant que les autres parlent de fantasme sexuels inspirés par la pochette de l’album de Nevermind de Nirvana… le résultat est difficile à transcrire. NDLR)

Maxwell (hurlant par-dessus la mélée) : FUCKING LISTEN TO THE BEATLES, YOU FUCKING IDIOTS !

OK, Maxwell parle-nous un peu des Beatles…

Maxwell : Si tu veux, toute la musique d’aujourd’hui, c’est à base de Beatles !

Julien : Tu crois que Beethoven a attendu que les Beatles arrivent ?

Maxwell : Les Beatles, c’est Beethoven ! … Non, mais au niveau des pop, mélodies – bon, les paroles, on s’en fout – c’est juste génial.

Julien : En vrai, tu as complètement raison.

OK, Maxwell, tu viens d’une autre culture, pas forcément rock, punk, noise, etc. Qu’est-ce-que tu as pensé d’eux la première fois que tu les as écoutés ?

Maxwell : Ils m’avaient dit que c’était « noise-punk »…

C’est ce que tout le monde dit, d’ailleurs…

Maxwell : Pour moi, « noise-punk », c’est The Fall mais hyper expérimental ! Pas de mélodies, rien ! C’est juste TRRRRFFFFFXXXXRRRRRZZZZ BBBBBRRRRRTTTTRRREWWWKKKKRRRR !!!!!!!! (Il fait le bruit avec sa bouche. NDLR) Ca m’excitait… Je suis arrivé à la répète, c’était pas du tout ça ! C’était un peu… organisé… un peu math-rock. C’était pas du tout ce que je pensais. Et du coup, je me suis un peu forcé parce que je connaissais personne à Saint-Brieuc et je voulais me faire des potes. (Rires) Je leur ai dit : « Vous faites de la merde, vous avez besoin de moi. »

Marc : On a pas besoin de toi ! Je t’ai trouvé ivre mort dans une soirée et je t’ai dit : « Eh putain, toi, t’as pas l’air français ! » et on a commencé à discuter. C’est exactement comme ça que ça c’est passé !

Julien : Le lendemain matin, j’avais un message de Marc qui disait : « Putain, j’ai rencontré un mec, il est australien, il a l’air complètement timbré mais ça peut être génial ! »

Vous racontez deux moments différents, en fait…

Marc : Pendant la première répète, il est resté assis à boire pendant une heure et demie. Il a tisé une première bouteille de Chardonnay, puis il en a ouvert une deuxième et enfin il s’est tourné vers le micro et il s’est mis à hurler comme un sauvage !

Julien : On a l’enregistrement de la première répète, j’avais l’impression d’entendre Jim Morisson en train de faire des Oh-oh-oh sur notre musique ! On était hyper surpris mais c’était génial. Moi, le lendemain matin, je me suis réveillé en me disant : c’est bon.

Marc : Exactement, c’est le gars qui nous fallait et puis voilà ! On s’est pas posé la question trois secondes ! C’était génial, déglingo comme il fallait. Il chantait juste comme il fallait, il mettait l’émotion pile poil où il fallait. C’était parfait. Et la lumière fût !

Vous avez complètement changé votre musique du coup ? Ca a mis longtemps à se mettre en place ?

Marc : Non, non, on n’a pas complètement changé. Il y a des morceaux qu’on joue encore qui sont issus de cette période-là…

Julien : C’est pas ses préférés, à Maxwell, mais bon…

Marc : Ce qui s’est passé, c’est qu’on a recommencé à composer comme on ne faisait plus. On s’est remis à composer en studio, à amener des riffs, il avait ses propres chansons qu’on a bousculées. On a bousculés nos chansons pour mettre du Maxwell dedans et puis voilà ! En fait l’album est né de l’espèce de pâte à modeler de cette époque-là

Maxwell, quel est ton rapport avec la langue française ? Est-ce-qu’il y a des groupes qui chantent en français que tu aimes ?

Maxwell : Je peux name-drop beaucoup de mes potes, là… J’adore les groupes français qui chantent en françmportant. Ils sortent pleins de groupes super bien. Il y a un groupe qui s’appelle Kévin Colin et les Crazy Antonins, Roland Cristal, Kévin Cristal, Kévin Colin… Tous mes potes de Toulouse… sans eux, je ne suis rien !

Marc : Ben merci, on est vraiment très content de t’avoir parmi nous, connard de merde ! (Rires) On est vraiment très contents d’être là ce soir mais je pense qu’on va y aller maintenant…

Maxwell : C’est des gens qui m’ont vraiment touchés… Bref, la chanson française, j’adore ! Il faut que les français gardent la chanson française au lieu d’essayer de chanter en anglais !

Et le rock en français, t’aimes bien ?

Maxwell : Ouais, j’adore ! Jacques Dutronc ! Françoise Hardy !

Julien : C’est pas rock…

Maxwell : Si, si, c’est rock, rock n’roll, un peu…

Julien : Françoise Hardy, rock ‘n roll ?

Maxwell : Serge Gainsbourg, Sheila, France Gall…

Pour moi, ça tombe davantage dans la variété ou la pop…

Marc : Cette discussion est complètement dingue parce que c’est deux mondes totalement différents ! Tu attends des références alterno d’un type qui considère qu’en fait la pop est rock !

Maxwell : Pour moi, la pop ça couvre tout. Et le rock, c’est une petite partie de la pop.

Marc : Mais un truc vraiment rock en français que tu aimes, ça serait quoi ?

Maxwell : Cobra… mais en fait j’aime pas trop. Je trouve que c’est drôle mais j’écouterais jamais tout seul. Dans le camion, ça va !

Et au fait, je suis sûr que c’est une question qu’on vous a posée plein de fois, mais Patrick Dewaere, qu’est-ce qu’il représente pour vous ? Pourquoi vous avez choisi ce nom ?

Maxwell : En fait, c’est l’oncle de Marc.

Julien : En fait, on cherchait un truc qui colle à notre musique et qui soit lié à Saint-Brieuc. Et d’un coup : Dewaere ! Il est né à saint-Brieuc. Le mec est torturé et en même temps, il y a un côté beau, émouvant chez ce mec-là et en même temps fou, violent, torturé et beau. C’était parfait, c’était ce qu’il nous fallait, Dewaere !

C’est marrant d’être attaché à une ville, comme ça…

Julien : Y rien de spécialement glorieux… C’est notre ville !

Marc : C’est la plage ET les mobylettes. C’est la base !

Julien : Moi, je suis anti-patriotique mais j’aime bien Saint-Brieuc quand même !

Et l’avenir pour Dewaere ?

Marc : On fait un deuxième disque, qui est plutôt bien en route. Les morceaux sont là mais il faut qu’on les dewaerise ! C’est la principale différence entre le disque que tu as écouté et celui qui va arriver. Sur Slot logic, on a tout composé ensemble, à l’ancienne, en répète. Pour le prochain, on a demandé à Maxwell – Maxwell compose tout le temps, de tout, il nous amène des trucs et souvent on lui dit « Non, ça, c’est pas pour nous… » – bref, on lui a demandé de nous sortir les trucs les plus pop possibles. Genre : si les Beatles étaient encore vivants, sors-nous les singles des Beatles vont sortir pour les dix prochaines années ! Nous derrière, on les détruit, on en fait les trucs les plus noise possible. Et ça donnera… ben, on verra bien, parce qu’on en sait rien, en fait.

Maxwell : Ce sera le meilleur album de 2020 ! Chaque morceau est un tube !

Julien : Il ne ment pas.

>>>>>>>>>> DEWAERE

« Boy, man, machine » : an interview with DROSE

The music of the american trio DROSE is a non-identified object in many regards. It’s a kind of slow and deconstructed industrial metal, where field recordings of sounds in a factory – the one where Dustin Rose, the thinking mind behind the band, works – are on equal terms with instruments and sometimes seem to impose their own relentless pace in a man-machine mimetism that is the very own source of inspiration of DROSE. Wether it is on the unique object/record published by the label Computer students (compiling their last album and several other recordings) or during one of their meticulous live performances, the encounter with this band is sure to have an effect on you. After going though that experience at their Urgence disk (Geneva) gig, I felt like following up with a bunch of questions I sent to Dustin by email.

This is your first time as a band touring Europe. What type of experience has this been so far ?

It’s been great! We have been shown excellent hospitality and the shows have been well attended.

The name DROSE seems to suggest that Dustin is central in the creation of your music. Is that the case ? I’ve read that your songwriting starts with the drums but can you shed more light on the process that leads to the writing of your songs ?

It’s true and the songs are usually written starting with a drum composition. The drums are very foundational in this music, so this is where I begin. I find it easy to explore different frameworks from the strongest rhythm element.

The creation of very particular soundscapes is obviously a major part of your music, with a sense of compressed space and the use of machine noises being key elements. Does this come first and do you have to work ways to recreate this sound during your live performances ? Would it be right to say that, in this respect, DROSE is similar to a studio band ?

I collect interesting audio when I come across it and then sort out how I can use it later. In order to bring this audio with us for live performances I have built some equipment to make that possible. We are able to reproduce any sounds from the recording in a live performance.

In particular, I noticed the drums were equipped with a sound system during your gig in Geneva. Can you tell us more about this system ? Are they used to modify the sound of the drums or to activate loops ?

I use pure data (puredata.info) to program our live sets or recordings. The drum sensors and foot switches are brought into pure data using a Teensy micro controller to play and manipulate sound files, synthesized or live audio. The audio is triggered in real-time, there is no click track, it keeps the performances expressive. The program counts drum hits in some sections, waits for button presses or is even allowed to behave randomly in some sections of songs.

The relation between man and machine is a theme running though « Boy man machine ». Would you say that this album is a concept album and, by extension, do you see DROSE as a concept band ?

It’s OK to call it a concept album I was attempting to describe an entire idea. I am not sure DROSE is a concept band.

A very dark, anguished outlook on the relation between man and the machine emerges from your music. Is this just a theme to expand on artistically or can you also see political and ethical implications  ?

Some of the ideas or tales of the songs are parallel with political or sociological happenings but it was not a direct intent. boy man and machine are a closed system, each effecting the other and representing thoughts, feelings, situations or experiences.

I heard you met Julien Fernandez of Computer students while he was on tour with his former band, Passe-montagne, and you were involved in setting up shows in your city. Can you tell us the story of your relationship with him ?

Julien was traveling with his band Passe Montagne. I believe it was 2009 or 2010 summer. My band Toads and Mice hosted Passe Montagne and The Conformists in Dayton Ohio. We were all friends instantly, it was a great time.

I hardly know anything about the musical and artistic scene in Columbus, Ohio. How does a band such as yours fit in with the local scene ?

The Columbus Ohio music scene was very hospitable to DROSE, I am grateful to everyone who has ever came to a show, bought something or shared.

I’ve been told there’s a new DROSE album in the works. How do you approach this new recording and what do you expect from it ?

That’s true! This material has a different sound but it’s the same DROSE.

 

>>>>>>>>>> DROSE

>>>>>>>>>>> COMPUTER STUDENTS

« L’enfant, l’homme, la machine »: une interview de DROSE

La musique du trio américain DROSE est un ovni à bien des égards. C’est une sorte de métal industriel lent et déconstruit, où les field recordings des sons mécaniques d’une usine – celle-là même où travaille la tête pensante du groupe, Dustin Rose – jouent à jeu égal avec les instruments et semblent parfois leur imposer leur cadence immuable dans un mimétisme homme-machine qui est la source même de l’inspiration de DROSE. Que ce soit sur l’objet-disque singulier publié par le label Computer students ou lors de leurs performances live méticuleuses, la rencontre avec ce groupe ne laisse pas indemne. Après en avoir fait l’expérience lors de leur concert à Urgence disk (Genève), j’ai décidé de prolonger la rencontre en envoyant quelques questions par mail à Dustin.

C’est la première fois que vous tournez en Europe. Comment ça s’est passé jusqu’ici ?

Super bien ! On a été très bien accueillis et il y a pas mal de monde aux concerts.

Le nom DROSE laisse supposer que Dustin (Dustin Rose, NDLR) joue un rôle central dans la création de votre musique. Est-ce effectivement le cas ? J’ai lu que vos morceaux commençaient avec des parties batterie mais pouvez-vous nous en dire un peu plus sur le processus de composition ?

C’est vrai et les morceaux partent généralement d’une idée à la batterie. Les parties batteries sont absolument fondamentales dans notre musique, donc c’est avec elle que je commence. C’est facile d’explorer différents paysages sonores à partir d’un élément rythmique solide.

La création de paysages sonores est une partie essentielle de votre musique, dans lesquels un sens de l’espace sous pression et l’utilisation de bruits de machines jouent un grand rôle. Est-ce-que c’est ça qui vient en premier et vous devez ensuite trouver des manières de recréer ces sons durant vos concerts ?

Je collectionne des sons intéressants quand il m’arrive d’en rencontrer et je vois ensuite comment je peux les utiliser. J’ai construit le matériel nécessaire pour incorporer ces parties dans nos concerts. On est capable de reproduire n’importe quel son en live.

En particulier, j’ai remarqué que la batterie était équipée de capteurs durant votre concert à Genève. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce système ? Est-ce-que vous l’utilisez pour modifier le son de la batterie ou pour activier des boucles ?

J’utilise Pure data (puredata.info) pour programmer nos sets live ou nos enregistrements. Les capteurs sur la batterie et les footswitchs sont ramenés vers Pure data par un mico-contrôleur Teensy qui active et manipule des fichiers sons, préparés ou joués live. Les sons sont activés en temps réel, il n’y a pas de click, pour garder le côté expressif du live. Le programme repose sur la batterie dans certaines parties, sur des boutons qu’on presse ou peut même s’activer de manière aléatoire dans d’autres parties des morceaux.

La relation homme-machine est un thème qui court tout au long de « Boy man machine ». Dirais-tu que ce disque est un concept-album et considères-tu, par extension, DROSE comme un groupe-concept ?

On peut dire que c’est un concept-album dans le sens où j’essaye de faire le tour d’une idée. Je ne suis pas sûr que DROSE soit un groupe-concept.

L’impression qui ressort de votre musique est celle d’un regard très sombre et angoissé sur la relation entre l’homme et la machine. Est-ce pour toi d’abord une thématique artistique ou y vois-tu également des implications éthiques et politiques ?

On peut faire des parallèles entre certaines idées ou histoires racontées dans nos morceaux et des faits sociologiques ou politiques mais ce n’est pas directement notre intention. L’enfant, l’homme et la machine forment un système clos sur lui-même, où chacun des éléments affecte l’autre et représente certaines pensées, sentiments, situations ou expériences.

J’ai entendu dire que vous aviez rencontré Julien Fernandez, du label Computer Students, alors qu’il était en tournée avec son ancien groupe, Passe-montagne, et que vous vous occupiez d’organiser des concerts dans votre ville. Pouvez-nous raconter cette histoire ?

Julien était en voyage avec son groupe Passe-montagne. Mon groupe Toads and mice avait invité Passe-montagne et The Conformists à Dayton, Ohio. On est immédiatement devenu amis, c’était un moment génial.

Je ne connais presque rien de la scène musicale et artistique de Columbus, Ohio. Comment un groupe comme le vôtre est-il perçu et quelle place occupe-t-il dans la scène locale ?

La scène musicale de Columbus s’est montrée très accueillante vis-à-vis de DROSE. Je suis reconnaissant envers toute personne étant venu assister à un concert, ayant acheté ou partagé notre musique.

On m’a dit qu’un nouvel album de DROSE était prévu. Comment approchez-vous ce nouvel enregistrement et qu’en attendez-vous ?

C’est exact ! Les morceaux ont un son différent mais c’est bien le même DROSE.

>>>>>>>>>> DROSE

>>>>>>>>>> COMPUTER STUDENTS

« We are a successful band. » : an interview with USA Nails

USA Nails on tour with friends Dead arms. USA Nails : Steven (left, 2nd), Tom (left, 3rd), Dan (right, 3rd), Gareth (right, 2nd) Dead arms : Alex (left, 1st), Steve (left, 4th), Dan (right, 3rd), Nic (right, 1st)

Love has only been growing for USA Nails with each album and the last one, « Life cinema », is no exception. Their own brand of virulent post-punk infused noise-rock – or whatever you feel like calling it – getting more frontal each time, more stripped to the bare essentials and yet remaining open to experimentations and a variety of atmospheres. The news that they would hit Geneva last June was therefore received with great enthusiasm and the chance to have a chat with them was seized. This interview was a particularly enjoyable moment : each member giving thoughtful answers, often building up on each other’s idea to expand their own thoughts. You could feel Dan, Steven and Gareth are pretty serious about what they are doing and make a very strong (punk) unit – Tom being a bit more on the listening side at the beginning, understandably being the latest addition to the band. Yet jokes would pop in constantly – none of the laughs mentioned in this interview are faked. Meeting USA Nails in person definitely made me want to dig dipper into their underground world and I hope this interview will make you want to do the same.

You’ve just released an album called « Life cinema », is that because you think that life is a bit of cinema ?

 Steven : Yeah, it’s just about the way people present themselves, their lives and how they want to portray them. It’s very strange, but I find myself doing it as well even though I don’t want to.

Social networks are difficult to avoid today for a band. Is that something you do with pleasure or more of a chore for you ?

Steven : We just treat it as a bit of a laugh, I guess. Instagram and stuff like that, it makes us laugh.

Dan : We never really post anything serious apart from gig information and stupid pictures.

Gareth : That’s how we want to present ourselves, as idiots ! (Everyone laughs.)

Steven : I work with children as well and now parents post pictures of them from when they are born and at every stage of their lives that are gonna be traceable when they’re old, if this technology is still there. You’ll be able to scroll back the pictures to the day you were born. Your whole life. That’s very spooky.

What makes this record special for you ?

Gareth : One of the things is that this is the first album that Tom plays drums on. All the songs we wrote with Tom so we kind of started afresh and worked out a new dynamic between the four of us. I think we ended up with a record that is maybe more melodic than the previous one, maybe there are more choruses in it – not through any conscious decision but that’s kind of what has come out of us being in a room writing music together and what has worked for us this time. I think it’s still very much USA Nails; a bit silly and a bit noisy. I feel we have honed our song writing though, I think it’s a more cohesive record and conceptually as well, I think it ties together nicely because of the things Steven said like life lived through screens and stuff like that. Yeah, I’m quite pleased with how the thing came out…

Steven : I think we got better at putting less bits in songs as well.

Dan : More space…

Steven : Yeah, starting having more of a feeling, rather than « What’s the verse ? What’s the chorus ? Oh, it needs a third section, it needs an outro. »

So, how would you define the perfect song ? What do you look for when you try to write a good song ?

 Steven : Well, this is tricky. If I knew, I’d probably be famous ! (Laughs) Less is definitely more. We’re not trying to be virtuosic. Oh, I don’t how to articulate properly ! It has to have a certain energy.

Gareth : To be focused… I think when you are more ruthless about what you leave out, it brings the important parts of the songs more into focus, it doesn’t muddy the view of the main feel of the song. We all know when we are in a room and write together when we’ve locked in something that is pretty good. Usually some sort of melody or motif and then, well recently, we just look at developing that one thing as opposed to adding in another bit and then another bit. It’s more about just thinking about different ways of approaching this one theme.

Do you consciously try to try new things ? Something very original or something that you’ve never done before ?

 Gareth : Yeah, on every record, I’ve used a new tuning on my guitar because it forces me to think differently about how I approach constructing my parts – which becomes annoying when you go on tour playing songs from previous albums because you need to either work them out in the new tuning or bring two guitars as I have to do now. But it gets you out of your comfort zone, you have to think differently.

 (At this point, Gareth has to concentrate on his answers : Ben, the singer of Nurse who will play first on that night is doing sound balance and his repeated desperate shouts are covering our conversation. « Is he locked outside ? », Dan comments, and everybody laughs.)

I’ve read that you were composing songs pretty quickly and pretty spontaneously, is that still the case today ?

 Everybody : Yeah.

Gareth : We’ve all have experiences of being in bands where we were taking a long time to write songs but in USA Nails it has always been : trust your instincts, go with your first thing and see what happens with it – as opposed to overthinking a simple idea. Maybe it will come out crap in the end, but we can just ditch it and move on to the next thing if so.

So you can see virtues in not trying to think too much…

 Gareth : Yeah, now I find it difficult to do the longer writing process. I’ve joined a new band and they write the more normal way and… sometimes it’s kind of boring. I just want to say : « No, that’s fine, that’s fine ! » It’s Steven who’s the person that really taught me to let go and stop being precious about little things. Steven will always be the first person to say : « This song is finished.That ‘s fine, we don’t need to do anymore with it. » and he’s usually right.

So it’s a confidence thing to be able to say « What I did is good and I don’t need to search for more » ?

Steven : It also depends on what you want to get out of it personally. In bands I’ve been in the past, we used to practice every single day and agonize over « If you’re playing this chord, I need to play a chord that isn’t a major chord it’s got to have this weird shape in it and if you’re gonna play on the beat, I’m gonna play off the beat or I’m gonna play in triplets. » Everything was agonized over, every single note. To the point where you were doing a practice where the drummer would just keep going over the same drum fill and these six hours of practising would be just trying to get the drum fill at the start of the song exactly where you want it to be and I would be just going « Blam… blam… » (Mimicking playing the same note over and over again – Ed.)… I can’t be bothered ! What’s the point ? That’s not fun ! It should be quick… and achievable. And the quicker you do things, the more fun it is, well, I find, anyway. The quicker you have something new to play, the more excited you are.

Gareth : Yeah and I guess moving quickly allows us to try new ideas. Our first songs were quite straight up but I think we quickly moved on to some weirder sort of ideas.

Dan : Our first songs sound so different. Even on our second album, there’s definitely a progression. That first album Steven just did vocals and it was just you and Stu on guitar who provided all the riffs. I guess it was naturally going to change… wasn’t it ?

Gareth : Yeah, it was written and recorded very quickly. It almost feels like it is a different band. Some people still really like that record. I do, but I think what came after is more… us.

I guess what you were saying about the difficult writing process also has to do with the fact that punks often haven’t learned music formally so they’re learning how to create music in the same time that they actually create some music.

 Steven : I guess it has to do with how you view yourself : as a musician or as someone using a thing with strings on to make a sound…

So how do you consider yourself ?

 Steven : I’d say halfway… exactly in the middle ! (Laughs) My previous band were all highly skilled musicians. They went to music colleges and formed a band just to get big and then I joined them afterwards. I’ve learned a lot of music theory playing in that band but I don’t want to know it. (Laughs) I find it’s a hindrance. Sometimes, I’m trying to play this weird chord and then I’m like « No, just play on octave, that’s fine. »

Your guitar sound is quite distinctive, very fuzzy.

 Steven : On records, it usually comes down to discussions with the guy that records – Wayne – about how it’s gonna sound. I had read interviews with the guitarist from Pissed jeans and I bought all the same equipment that he had. I liked how his guitar sounded so I bought an Epiphone Sheraton. Also it was affordable. I’m not really into expensive equipment. I own a couple of nice basses but I work for a living, I can’t afford to buy guitars all the time.

Do you think it’s possible to do something new in punk music ?

 Steven : I think bands like Girl band do. I guess you take elements of other things, don’t you ? They sort of stripped the rhythm out of it, started using guitars to make noises instead of just Da-da-da-da-da (He hums some sort of nondescript chord sequence. – Ed.) and using dance beats. Yeah, I think it is possible but, I don’t know… if it’s always necessary to do something new.

Gareth : I don’t know if we do ! (Laughs)

Steven : Yeah, we don’t do anything new !

Gareth : Punk is a very broad thing, it’s hard to pin down exactly what it is anyway. Ultimately, if you’re using guitars and distortion, you’re automatically referencing decades of music before you’ve played a note. So in that respect it will always be referencing what’s been done before. So it’s hard to say what is new.

Tom : I think as synthesizers become cheaper, you see a lot more integration of that in the kind of DIY scene. Electronics across the guitars, : there’s a lot of bands that are doing that kind of things so that’s were things might go. It mixes the studio with the live performance aspect.

After all these years, records and touring, do you find that you’re getting some kind of recognition , some kind of success ?

 Steven : I don’t know if that’s the name but it’s nice to see people around when you’re playing a gig. In Paris the other day, people were like falling over each other.

Dan : It’s nice to see someone you don’t know wearing your shirt, I guess.

Tom : It’s nice to see your record selling, when you had no idea if it would at all (Laughs).

I mean there are connections between the DIY world and the bigger music world – festivals, magazines – do you often get notices or invitations ?

 Steven : We don’t really get much of that.

Gareth : The label that we put the first two albums out with (Smalltown America. -Ed.) quite liked spending money on PR so we got a little bit of press but… it’s all just kind of fake, isn’t it ? It’s only because they paid for it, that’s why we got national magazines and stuff, it’s not that any of these magazines were genuinely interested in what we were doing. But for me, success is having fun and I think we are ! We get to play fun shows, we get asked to play good festivals…

Steven : We get to travel… We get to go on holidays for free, basically. We’re sat in a room, drinking booze.

Gareth : And it’s all as a result of doing something that we do for ourselves. We’re just exploring our own creative impulses, we don’t write music to enable us to sell millions of records. We write music for people like you and to enable us to visit places like this and meet people and have lots of cool experiences so, yeah… I think we’re successful !

Success seems a bit of a random thing. Why is this band successful and why is this other band not ? Sometimes, it just seems there is not space for everybody.

 Steven : There is a way of getting big. You have to broaden what you do…

Gareth : That word can be used in a derogatory sense, but if what you do has a broad message, a lot of people can agree with or can get on board with, then it’s gonna appeal to large groups of people…

But you wouldn’t do that consciously, trying to broaden your music and make is accessible…

 Gareth : No, I’d feel a bit dirty but some bands sort of capture what’s going on at the moment. They can encapsulate something that a lot of people can relate to, some sort of fashion trends or political ideas, and they sweep everyone up with them with that.

Tom : It has to do with how much money you put in it as well.

Gareth : Oh, that helps, yeah !

Tom : I was rehearsing with what turned out to be a pop band, and the first gig was just a presentational gig, the booking agent was there, the lawyer was there. They were just getting all the people that they wanted : « Come and have a look at us and do what you want with us. » And that worked ! Now they’re getting huge. I opted out because I thought this was rubbish music but now they’re up there doing huge things.

Gareth : Do you regret that ?

Tom : I did a little bit then but I don’t now. I prefer music being a passion as opposed to doing it for the sake of launching your own career. But what I enjoy is the process. The hanging out, the rehearsing, the gigs… The process is all.

Gareth : You have to enjoy every aspect of it. If you hate rehearsals then that’s gonna come through. I enjoy every aspect of it. I love getting together in the week in a room and see what happens. It’s really exciting. I love going to the pub beforehand…

Tom : It’s more interesting when it’s something you’re passionate about. When you’re not passionate about it, it’s not about people interacting with the songs or you interacting with them, it’s more about you being the performing band to entertain them.

I believe you do the artwork of the band yourself…

 Gareth : The album artwork was done by our old drummer, Matt. It was nice that we could get him involved even if he wasn’t going to be playing on the record. He’s done the artwork for three of the four albums. All of us sort of chip in tee-shirt designs. Danny has designed the artwork for some of the EPs, some of the tapes that we’ve done. Steven has done a bunch of tee-shirts. I tried to do a design for a tee-shirt recently but nobody was really into it. (The others are laughing their asses off. -Ed.) I don’t really have a flair for it but… thanks for trying ! That’s OK. I’ve done a couple of tee-shirts but they’ve been pretty lame.

Dan, I really like the artwork you’ve done for the tapes (Work work work and Sell sell sell on SAD Tapes. -Ed.) I wanted to ask you what or who inspired you graphically…

 Dan : Me and my old drummer Matt, we clicked a lot and shared similar tastes. I like to spray a lot and screenprint at home. As for artists.. Nothing in particular. There’s this one book I have from my Mom from the seventies, just a book of illustrations. There’s no cover to it. It’s my favourite thing I own. I’m constantly looking at and drawing inspiration from that. I’m just always drawing : faces, hands and weird shapes. That’s it, really. No more to it !

What I like is that it’s very coherent with the music…

 Dan : Yeah, Steven and I started SAD Tapes – which stands for « Steven and Daniel’s Tapes » (Laughs) The idea was that Steven can record the bands and I print and create some artwork. To be fair, it’s been mainly USA Nails and Dead arms… but we’ve done Bo Gritz, which I fucked up – but they were kind enough not to complain. Steve records everything on a four-track. It’s like the love of demos, you know ? When you listen to a band’s demo and you love it, and then you listen to the same song on an album and you don’t love it cause it doesn’t have the same… urgency or whatever. I think « Sell, sell, sell » is my favourite one. There’s a lot of weird faces and strange shapes… Yeah, I think it worked quite well. Hopefully, one day we can do more. It’s not a business, it’s just another creative outlet that’s attached to the band.

Steven : Matt, our old drummer, is really into lo-fi recording and so am I. There’s often a debate as to whether we should record all our stuff like that, so we just occasionally do some lo-fi recording to scratch an itch that we have. Our albums are still recorded in a recording studio and I think it’s probably a good idea to do both. The songs (On the two tapes « Work work work » and « Sell sell sell ». -Ed.) were still written quickly.

Gareth : We knew that these songs would be recorded on four-tracks and, I don’t know about you guys but, when I was writing my parts, I was consciously thinking of the limitations or the differences in sound when recording like that.

Steven : It gives you a chance to do things that stylistically you wouldn’t normally do. There’s this song where Dan sings – he doesn’t really sing, it’s more spoken-word – it leans a bit towards the sound of The Fall, I guess.

Gareth : Yeah, more post-punky. Some people really like that.

I know the « Work work work » tape is some people’s favourite recording of USA Nails.

 Dan : That’s cool. We got Creative industries from this tape and we put it on the new album.

Steven : And it sounds completely different. On the tape, it sounds more like a pop song.

Dan : It was for nothing. It was just for us when we had no drummer. (« Work work work » is recorded with a drum-machine. – Ed.) Tapes are cheap to produce. So we thought let’s do a tape.

Steven : It was after our tour in America and all the bands that we played with were just selling tapes. None of them had records.

Dan : Tapes are big in the states in the DIY scene. I didn’t realize that before.

Steven : I’ve got a real love of that format. As a kid, that’s what I listened to music on. I guess people older than me listened to music on vinyl and that’s why there’s such warmth for vinyl. But me, I like tapes, I like the aesthetic, the size, the strange compressed sound. Not many people buy them I suppose, so they are more for trading.

Dan : We’re not making any money from it but it doesn’t cost the band , apart from their time.

Will you do any more in the future ? With what bands ?

 Steven : Probably just us ! No, it’s tricky – well not that tricky, I just don’t like many bands.

Dan : You must make sure you get bands that are not that precious as well, that have the same sort of mentality. You’ve got to be very clear with them about what the whole thing is about. You know, we’re recording on a four-track.

Steven : It’s not going to sound like you think it’s going to sound. You have to go into it with that mindset. Everyone is in this one room playing, I can’t hear how it is going to sound. It’s not two rooms where I can go play the guitar : « Oh yeah, that’s a good sound, let’s move the mike a bit. » No, you just play, that’s it, it’s done. Don’t keep going ! (Laughs)

The cool live pictures have been taken by Marie Mauve Photography at the gig in Paris mentioned in the interview . Thanks a million, Marie !

There’s a video of the gig at l’Usine that’s been made, go treat yourself and watch it here.

>>>>>>>>>> USA NAILS

>>>>>>>>>> SAD TAPES

 

Blame it on math-rock : an interview with Dead arms

Last June, Dead arms visited Geneva as part a Euro tour with USA Nails. Full-on hardcore garage-punk assault with by charismatic singer Steve « General Waste » at the front of the action. Before the gig, we sat down with Nick (drums), Alex (guitar), Dan (Bass) and Steve (voice) to get to know more of the story behind the noise.

(ERRATUM : there are two mistakes in this interview, first, it’s Alex who lives in the States, and second, Nick is Nic. Sorry for that !)

Can you introduce us a little bit to your band ? When did you get together ?

Alex : It’s been 8 years, this is our second album. We’re from London in the UK. We did one album in 2015. I think it’s our third tour in Europe.

Nick : The band started in 2011 with a different drummer, Wayne Adams. But he was too busy with other projects, so before the first album he left. I was overseas and I came back and joined. That’s when we started to play more shows and finished the first record. We’ve just had a bit of a break cause I moved to the states. So we actually recorded our second album a year and a half ago.

Live action at l’Usine !

How do you manage the band with you living in America ?

Alex : Well, she moved to the States last February and we haven’t done anything since. It’s our first shows for over a year.

Wanted to ask you about your scene in London. I went to the Shackewell arms to catch a Death pedals show (Alex looking pretty pleased. -Ed.) How active are you in this scene ?

Nick : Pretty active ! Steve and I and another friend of ours started putting on shows back in 2008. There’s a label called Rip this joint and that’s how a lot of us met each other. We probably met Dan that way as well. Basically I was in another band with Steve’s best mate and we were getting put on at terrible shows in London and we didn’t really know where the scene was, so we just decided to put our own shows on instead and then we just met all those great people !

Alex : When we started Death pedals, we were struggling to find anywhere to play a good show and then we met these guys who were doing these Rip this joint shows every months and they were the best shows ! So that’s how we all met ! A lot of people came together from different bands and it was good fun !

Dan : We were working in a pub together (I think Dan is talking of Alex but not sure – Ed.) – I bumped into you when you were really drunk, coming back from one of the shows ! And you said : « Come to the next one ! »  and I did !

Steve : There were bands like Silent front, who were already part of a scene, they were more experienced and when they got involved, they mentored us a little bit through the early stages. But then it just grew and grew and grew and then more and more bands got involved and more bands came out of it. Death pedals formed out of this scene that became a birthing pool for new projects. People would swap through bands…

Nick : I guess over the last few years, we’ve all been a bit busier with other things – jobs and families and things – so we’ve been a bit less active putting shows on.

Dan : Yeah, but there’s more new, like, associations. Younger people went to the shows and then started doing their own thing. It’s really cool.

People here tend too think that the scene is getting older and complain that there are not so many people at the shows. What’s your experience of that in London ?

Nick : We were talking about that in the van. I think going to shows – and punk shows too – has become more popular recently. People seem to go out to gigs as a social thing again. At the time when we first started putting on shows, nobody young were doing that but actually in London,it’s really big again. You know, if you put a show on on a Friday or Saturday, it will be full. People will come. I think the scene has expanded and lots of scenes have kind of merged together.

Alex : And the punk thing seems to be bigger in the UK than it was 10 years ago. Now the noisy shows are popular, 10 years ago they were not popular.

So how do you explain that evolution ?

Nick : No idea ! Maybe it’s the internet, the social media…

Steve : You’ve got some bands, like Idles, that are getting bigger and bigger making quite noisy punk music and young people see that and they are getting into it more. I’ve lived out of London a few years ago and in Kent, the scene is very much young, it’s 18, 19, 20 year old kids. They are setting up their own venues, their whole almost mini-DIY industry. They’ve got records shops and venues and it’s attracting an awful lot of cool bands. It just seems that some bands, like Metz, do well and play all over the UK and everybody seems to be responding to that.

Alex : I think the politics at the moment is such a mess, people want to see bands that have something to say.

Steve : Yeah, when we started putting on shows, a lot of bands didn’t even have vocalists, it was all instrumental stuff.

Nick : It was all quite technical. Math-rock was really popular.

Steve : But nobody seems to be particularly angry. But the last ten year have changed that.

Nick : Yeah, people want a bit more of an experience than just people wanking on guitars.

So you think math-rock was responsible for the lower state of the scene ?

Nick (laughs) : Eeeeeh… No, I think it was just a big fade. I guess music genres are always going in and out of fade.

Steve : Death pedals were the first band to come out and not be a math-rock band. Oh my god, a new band that isn’t math-rock ! I was so excited ! I think a lot of bands formed because of Death pedals. It’s been a big thing !

British bands seem to be quite good at that noise-punk sound, is there any particular reason in your opinion ?

Steve : I don’t know. Maybe, we’re fed up with being thought of as wishy-washy indie. (Laughs)

Alex : I read an article about how noise-rock was really taking off in England because it suits our sense of humour and shit weather ! Britain is a dirty country and we all love it and hate it ! This article was talking about that and I think it was right. I think it will only go bigger and bigger.

Also, British bands have a really strong vocal identity, the voice is pretty much at the front and the accent being very strong…

Steve : It all started in the streets and I think Idles is kind of the continuation of that. … but I always thought that, in Blur, Damon was quite mocking the accent…

On purpose ?

Steve : Yeah, it’s self-deprecating, it’s the British sense of humor.

Coming back to the scene, what are the bands that you really like at the moment ?

Dan : I was having this conversation with Gareth (of Usa nails. – Ed.) driving in the van, and for me, it’s this band called Bo Gritz. I think they’re the best for me at the moment. I can’t take my eyes off them when I watch them live. They’re up there for me.

Yeah, we don’t hear so much about them…

Dan : They need to come and play Europe.

Steve : I really like Modern technology. Waynes Adams told me about them, I put the record on and I was like : « Oh, my god, that’s exactly what I like. » They’re the best thing I’ve heard in a long time !

Nick : One of my favourite band – they’ve been for several years but they’ve just put a record out – is Petrol girls, a punk band originally mostly from London. They’re on tour with War on women and they’re just fucking brilliant. They’re doing really well and rightly so.

Alex : There are so many bands… Grey hairs is one I really like. There’s a band called We wild blood. They’ve played their album launch last week and mybe that would be my tip if you want to check a new London band out. If you want a tip for a record label, check out Hominid sounds records. We released our album with them and there’s lots of cools bands there.

Steve : Also, Human leather ! When you see them live, it’s just brutal. The singer has the greatest voice.

Obviously you are releasing music and touring in a DIY network, what’s good about it, in your opinion ? And what’s not so good about this network ?

Steve : None of us are young men or women anymore. I’ve got a full time job, kids, so this is a bit of freedom to do what we do. We have that freedom to decide when we do it and how we do it. Play what we want to play and where we want to play. Turn down the things that we don’t want to do. For us it just works, cause we’re not full-time. It’s about us. We’re a little family. That’s cool.

Sometimes, when you listen to some bands, it seems like having two lives…

Nick : It is having two lives ! I play in another band back in London as well and I work sometimes seven days a week in a hospital. It is exhausting. It’s really nice to have not so much pressure on the music. Like Steve was saying : picking and choosing when we want to do stuff. It needs to be fun, it needs to be something that we enjoy doing. Otherwise : why would I use all of my holidays ?

Steve : It makes it all the more special. I wouldn’t want it to be a chore. I wouldn’t do it if it was a chore !

So what’s the negative aspect of it ?

Steve : I guess if we played more, more people would hear us and we’d do better. Obviously bands become successful because they tour and gig a lot. But you know what ? We’re at a level that’s quite nice for us. We’re doing all right ! I would never had thought that we would tour Europe and it’s our third time !

Alex : When we started this band, it started as a bit of a joke ! Eight years later, we’re still doing it !

The joke is still going on ! (Laughs)

Nick : Yeah, we like repetitive jokes !

Steve : You must wait for the final line of that one !

You have a song called « Apocalypse Yow ». What does David Yow represent for you ?

Steve : It’s various things. When we had reviews of our first album, people likened us to Jesus lizard and I was like: « really ? » I liked Jesus Lizard but I wasn’t a massive fan. It wasn’t a band any of us listened to heavily and said this is how we are going to play our music and I still don’t think we don’t sound anything like JL.

Alex : I see the similarities now, it took me a little while.

Steve : I think we sound like Cows more, the AmRep band. Anyway, that’s one part of it, the other part is the band Big lad that Wayne produces (ex-Shitwife – Ed.), they always have really good song titles. And so I was messing with things in my head and I came out with Apocalypse Yow : « Yeah that would be funny ! » Then I watched the film « I don’t feel at home in this world anymore » where he plays this crazy character then I started using some of the words that he uses in the film and it became the lyrics of the song. It is a bit about being famous, I guess. How famous people have to deal with fame in different ways. In the old days they would just be on TV once in a while but now everybody is all over the place and it stops people being interesting. You don’t get interesting famous musicians anymore because they’re too worried that everyone’s gonna find out about their sordid secrets. And politicians are the same. They are hiding now. Well… I just put together a lot of nonsense in my head ! (Laughs)

>>>>>>>>>> DEAD ARMS

« Beautiful underground » : an interview with Evan Patterson of Young Widows

Noise-rock outfit Young Widows retraced their own footsteps this spring during a ten days tour across Western Europe. Their show with Hex in Geneva was a chance to catch Evan Patterson and ask him a few questions. The banks of the river Rhône, the light sunshine and breeze – although I realized afterwards it made the recording somewhat tricky to transcribe -, that was the perfect setting to talk past and present of Young Widows, and other things.

I think the last time you played Europe was 2009 – quite a few years ago – how has the tour been received so far ?

It’s been fantastic. We had no idea what to expect, we haven’t released a record in five years. Reception was great, crowds were incredible… This is my fifth time in Europe in the past two years with my solo band, Jaye Jayle, and some said « Why don’t you bring Young widows back ? » and I said if you ask us to come back, we will come back ! But if you don’t ask, we’re not gonna come. They (Nick and Jeremy, the two other members of YW – Ed.) have families, it’s hard for them to take the time. So it kind of happened through me seeing all the promoters and meeting people. So yeah, it’s been a great trip so far.

With all of you being very involved in dfferent projects, what’s exactly the status of Young widows these days ?

The state of the band right now is we mostly just get together to rehearse to perform shows. There are some songs from our records In and out of youth and lightness that we are playing on this tour that we haven’t played in eight years. So relearning those songs was a process that needed a certain amount of rehearsals to be able to perform them…

Is there a particular reason why you hadn’t played these songs for so long ?

Ha… That album was a weird part of my life, a time that I don’t particularly want to think about. Most of the performing songs were not on that record because they were more enjoyable and less emotionally touching. That’s why we hadn’t played those songs for that many years. With our last album Easy pain it was more a more straightforward concept. A little more story telling and a little less personal… And I find it more enjoyable to make music that way. As you get older, you look back and you don’t feel the same way you did ten years ago. Making the songs a little less subjective and a little more objective, it’s exciting to me.

Each of your records is quite different from the others. How is it for you to build the setlist ?

It’s not difficult. We take three songs from Easy pain, three songs from In and out of youth and lightness and then songs from older albums. It’s like going though the ages. They work really well together. Starts off very strong and then it gets more atmospheric and personal and then the teen years. It’s the reverse chronological way…

The deep reverb that you are using is very characteristic. How did it become such an integral part of your sound ?

Yeah, I kind of have fallen in love with this ping-pong slapback sound – everytime I say « ping-pong slapback », I wanna slap myself ! (laughs) It’s the sound of the stereo amplifier I always use – with Jay Jayle or Young widows. That very fast slapback makes the guitar sound like nothing else I’ve ever heard. It’s so full and so thick. It has a texture in the way that the notes play one on the another. It just speaks to me. I love playing accoustic guitar at home and I love not having any effects on my guitar when I write. I never write with effects. But then when we get together as a band, all of a sudden it just fill that void. And I guess there’s just something about reverb and bending or pulling a note, the dissonance that it creates,… I find it very beautiful.

I was wondering if bands like Hoover had been influential in that respect ?

Oh, Hoover is a huge influence ! I saw Hoover when I was 13 years old. Being older, I realize they were like the krautrock band of the DC scene. So repetitive and minimal !

Quite underrated as well !

Very underrated ! Regulator watts and Abilene… all of Alex Dunham’s bands I was a huge fan of ! His style of guitar playing was a huge influence on me when I was in my twenties. Especially Regulator watts ! That was such a fantastic band !

I’ve read that you’re writing all together in Young widows. I was wondering if that had evolved over the years…

Well, it has evolved towords us writing more together. At the beginning, I used to bring more songs to the band and have more direct ideas. And then it turned into a thing of more jamming ideas. Honestly, for a lot of the songs, we just go with nothing. We just show up and just start playing and just see what happens. I like that process but I’m kind of more on the side of composing songs now more than I ever have been. Especially with doing Jaye Jayle. I come with specific ideas of this happens here and this happens here. That’s how a lot of In and out of youth lightness was : specific ideas and then lots and lots and lots and lots of playing one part for many many many practices to figure out what we should do next. That’s generally how I write music.

Did having your solo band allow you to do something different with Young widows ?

Absolutely. That’s what resulted in Easy pain. The songs The guitar, on Old wounds, or Right in the end, The muted man and Young rivers  on Youth and lightness aren’t very different from what I’m doing with Jaye Jayle. I have a place to put all those ideas with my solo music now so Easy pain was like : OK let’s go over the roof and crush this building and see what happens !

Is that the meaning of the title « Easy pain » ? The fact that it was easier to bear than the previous one ?

Somewhat… (Evan is throwing a quick glance around.) It had also to do with doing a lot of drugs. Kind of destroying and abusing yourself. How easy it is to do that and how you don’t even know you’re doing it when you’re doing it.

In three days, you’re going to play your second album, Old wounds, in its entirety at the Roadburn festival. Why does it get this special treatment ?

I’m not sure.. My guess is that when this record came out in 2008 maybe there wasn’t a lot of music happening and it seems that that record has been important to a lot of people. You know, a lot of the time, what I do when I write music is introducing people to music that I love. And I feel that I’ve done that with making the music that I’ve made. It was introducing people to Jesus Lizard or Drive like Jehu – bands that influenced me to start playing music. And even still with Easy pain, I want people to hear that record and see clearly that I love the first Today is the day record and I love Am rep music. And even with Jaye Jayle, there’s all this incredible underground music that people need to hear and be introduced to.

You’re talking about the way people receive your music. It seems important to you…

Hmm, it’s not that important, actually. I’m not that worried about how people receive my music. I’m not a nostalgic person. I don’t listen to all those bands that influenced me to make Old wounds and it’s a bit strange to play a record that’s ten years old but I appreciate what it means for people.

What about reviews of your records ? There were mixed reviews of In and out of youth and lightness…

Honestly, I don’t read them… It’s what I wanted to make and that’s all that matters. I don’t make music for the critics, I make music for myself. It’s a struggle to just keep making music as a form of art because it’s not the mainstream successful route and I’ve never been worried about that. I love music. It’s not a thing like once I’ve made this amount of money, I’m going to stop. I’m going to keep making music until the rest of my life. Wether anybody hears it or appreciates it is second. It doesn’t matter.

Your bass player sings on « Delay your presssure ». He has a really good powerful voice…

He does, yeah… He sings back-ups on lots of songs but it seems he didn’t feel like doing more. Actually, I remember Kurt Ballou saying when we recorded Old wounds that if he sang more there would be no frontman and it would be a thing like Ian MacKaye and Guy Picciotto of Fugazi !

What about the current political situation, with all those populist leaders like Donald Trump getting more and more audience all over the world ? Do these uncertain times have an influence on your writing ?

Honestly, it doesn’t. There is a place for politics and art but it’s not what has influenced me to make art. I used to listen to political songs and now they don’t mean what they used to mean…. I’ve had this conversation with a lot of people… There’s always so much you can do and you just know how you live and how you feel and the respect you have for all of humanity and that’s a political statement in itself. But if something went really wrong, I’d be there for sure…

PS By the way, of course I also asked Evan if Young Widows had new material and he said they had a few but rehearsing and writing time was so sparse that the possibility of a record was unlikely in the near future.

Cover photography : Zoltan Novak

 

>>>>>>>>> YOUNG WIDOWS