Coilguns, « Watchwinders » LP (Hummus records)

Avec Coilguns, il faut battre le métal tant qu’il est encore chaud*. A peine plus d’un an après le précédent album Millenials, voici le nouveau disque, placé sous le signe de l’urgence et de la conscience du temps qui passe et lui aussi composé et enregistré in situ, c’est-à-dire en studio. Car le hardcore de Coilguns, pour surpuissant et furieux qu’il soit, n’exclut pas le bouillonnement créatif et les idées spontanées et originales – ce qui fait de cet album un ensemble à la fois très cohérent et libre, presque hétéroclite. Des morceaux aux structures complexes alternent avec des compositions beaucoup plus linéaires, comme sur le mid-tempo  Watchwinders, presque punk. On retrouve bien sûr le speed hardcore effréné du quatuor et la voix hurlée (Subculture encryptors, Big writer’s block)  – moments durant lesquels  ils me font penser à ABC Diabolo, un groupe des années 90 totalement oublié et c’est bien dommage car ça déchirait grave. Le groupe sait aussi ralentir le tempo (Growing block’s view), créer des ambiances plus insidieuses, rampantes, où le groove mortel est souvent assuré seul par la batterie – et quelle batterie !-, vu que la formation ne comporte pas de basse. Jusqu’à des ambiances sombres et mornes, où le temps semble suspendu de manière inquiétante : Prioress, avec sa voix pâteuse au flow quasi hip-hop, ou le choeur bluesy sur la fin de Watchwinders. Une veine presque gothique, qui parcourt le disque, fait pendant aux murs du son épais de la guitare de manière étonnamment naturelle et donne une couleur nouvelle à la musique de Coilguns.

Est-ce-que celle-ci atteint ce point d’équilibre un peu magique où la musique d’un groupe se met à ne ressembler à aucune autre et où tu as l’impression tout-à-coup qu’elle ne te parle qu’à toi ? Eh ben, c’est à chacun de se faire une opinion, en écoutant ce disque mais surtout, surtout, en allant voir le groupe en live**. Une expérience incandescente qui n’a pas beaucoup d’équivalent aujourd’hui.

*Comme noté par pas mal de chroniqueurs, hé hé.

**Par exemple, le 2 février sur la plateforme des Eaux-vives dans le cadre du festival genevois Antigel.

>>>>>>>>>> COILGUNS

Welldone dumboyz, « Tombé dans l’escalier » (Repulsive medias, No way asso, 939K15)

Découverte de ce groupe orginaire de Belfort avec cet album. Les huit titres qui le composent sont totalement indéfinissables mais brillent par leur énergie et leur spontanéité.  Stoner gueulard pour le gros son, noise pour la (dé)constrution foutraque et les plans absurdes et toujours blues détraqué et débraillé dans le fond. On ne sait jamais trop à quoi s’attendre. On ne s’embarasse pas de cohérence mais on préfère en foutre partout à fond la caisse, à l’image de l’esthétique gluante de la pochette. Lorsque le rythme ralentit (The hole), c’est pour sonner comme un Nick Cave pochetron et agressif. Elle se permet toutes les bizarreries, un Black space aux ambiances à la Pink Floyd, un Kim plus expérimental et même une derniere Bald story accoustique avec des voix qui chevauchent tout ça avec panache, notamment dans Tombé dans l’escalier, probablement le morceau que je préfère. Ce groupe a son propre truc, il sonne comme lui-même. Une engeance qui se fait rare. Je vois sur leur site que c’est leur huitième enregistrement et qu’il sortent des disques depuis plus de 10 ans. Merde, si ça se trouve, c’est un groupe culte !

>>>>>>>>>> WELLDONE DUMBOYZ

>>>>>>>>>> 939K15

L’Effondras, « Les Flavescences »

L'effondras couv

« Les Flavescences » est la suite du premier LP de L’Effondras, qui avait déjà bien marqué. Ce disque est sorti au début de l’année et a reçu un nombre impressionnant de chroniques, donnant le sentiment que le trio de Bourg-en-Bresse est un des groupes les plus commentés du moment – ce qui n’est qu’ une supposition, bien sûr.

On retrouve l’ampleur et le dépouillement des compositions de L’Effondras, cette façon d’esquisser, puis de reprendre une mélodie, par petite touches et variations, aussi longtemps qu’il le faut, jusqu’à atteindre quelque chose d’intense, de dramatique et de grandiose.

Chacun des quatre titres qui composent cet album propose une ambiance bien à lui et c’est une évolution par rapport au premier LP. Le disque s’ouvre sur Les rayons de cendre, son riff tumultueux et émotionnel et ses brusques ruptures de tensions. Commençant en demi-teinte, Lux furiosa bifurque en cours de route sur un riff enjoué, plein d’allant et presque pop, que n’aurait pas renié Ride en son temps. Suit alors une jolie accalmie, Phalène, apaisée et délicate comme un instant suspendu. Mais c’est pour mieux replonger dans la tempête de Le Serpentaire, super-morceau de plus de 30 minutes, toute amarre larguée, avec une idée mélodique encore plus primale et et où les rythmes et le bruit semblent se diluer dans l’air, se perdre jusqu’à se faire ambiants.

A coup sûr, ce groupe un peu obscur, esthétique (la pochette mystérieuse de Marion Bornaz est de toute beauté) et exigeant ne pourra pas plaire à tout le monde. En partie parce qu’il refuse la collaboration avec les névroses de l’époque : l’obsession de l’accessibilité immédiate, du message binaire et lisible (hé hé), du grand cirque du bavardage insignifiant et généralisé. Mais on le verrait bien dépasser le cadre des circuits rock, aussi alternatifs soient-ils, et ceux qui tenteront l’aventure pourraient bien être grandement récompensés.

L’Effondras, « Les Flavescences » (Noise parade / Dur & Doux, 2017).

>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> L’EFFONDRAS

>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> NOISE PARADE

>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>>> DUR&DOUXL'effondras recto

l'effondras verso