« Long distance noise-rocker » : interview de Xavier (fanzine SONIK/webzine Perte & Fracas)

 C’est sûrement difficile aujourd’hui d’imaginer l’importance qu’avaient les fanzines pour la culture underground dans les années 80 et 90. Ces petits magazines confectionnés à la main et photocopiés la plupart du temps étaient souvent la seule et unique source d’information et de connaissance et faire un fanzine était presque aussi cool que de jouer dans un groupe. Un fanzine, c’était potentiellement tout un monde de groupes et de scènes qui s’ouvrait à toi. En tous cas, c’est exactement l’effet que me fît SONIK. Ce fanzine a fait connaître au gamin fan de hardcore-punk que j’étais une musique qui y ressemblait mais pas totalement. Des rythmes plus étranges, plus complexes, des sonorités qui pouvaient emprunter au jazz ou aux musiques expérimentales ou électroniques. Les noms de Sabot, Zeni geva, Dog faced hermans, Heliogabale, Pain teens ou Melt banana me sont devenus familiers, parmi beaucoup, beaucoup, beaucoup d’autres. Plus de 20 ans plus tard, Xavier publie toujours comme un fou à propos de ce punk bizarre qu’il aime tant sur son webzine Perte & fracas et il était impossible de passer à côté de l’occasion de l’interviewer, même si ce n’est qu’une interview par mail. De bonnes grosses réponses massives, directes, sincères et passionnées, comme je m’y attendais. Merci Xavier.

Le nombre de critiques que tu publies est impressionnant ! Comment trouves-tu le temps d’écouter tous ces disques et  d’écrire ? Euh… tu les écoutes, hein ?

Grâce à une discipline de fer et une hygiène de vie irréprochable. Et une conscience professionnelle incroyable qui fait que oui, j’écoute tous ces disques. Hélas des fois. En fait, j’écoute de la musique du matin au soir, tout le temps, par tous les temps et par tous les moyens que le monde moderne a mis à notre disposition même si au final, c’est ma bonne vieille platine vinyle qui use surtout. Je crois que j’aime ça tout simplement. Ça fait pas loin de 30 ans que j’écris des chroniques donc c’est une gymnastique quotidienne devenue très facile (en général), comme une seconde peau, comme manger ou pisser, ça me prend pas énormément de temps contrairement à l’écoute. Là, je peux être assez long avant de me lancer à chroniquer un disque, j’aime bien avoir l’impression d’en avoir fait le tour même si c’est impossible. Du coup, les chroniques arrivent souvent en retard par rapport aux sorties mais je m’en fous, rien ne presse. Et puis, chroniquer un disque, c’est franchement pas compliqué. J’étais tombé par hasard y’a pas mal d’années sur un bouquin d’Alain Dister, journaliste rock, avec au verso une de ses citations qui disait un truc du genre « n’importe quel connard peut écrire sur le rock ». Je suis carrément d’accord avec ça. Et il disait ça au début des seventies, quand internet, tous les blogs, webzines n’existaient pas encore, alors que n’importe qui peut donner désormais son avis très facilement. Un visionnaire le mec !

Revenons à la préhistoire : peux-tu nous parler de la transition entre le fanzine SONIK que tu faisais dans les années 90 et Perte & fracas ? Qu’est-ce qui a motivé le passage au numérique ?

Le temps et l’argent ! Sonik s’est arrêté au n°8 en mai 96. Il faisait 120 pages environ, tirage 500 exemplaire, couverture couleur, et chaque exemplaire me revenait à 25 francs (environ 4 euros pour les plus jeunes !) et je le revendais… 25 Frs. J’ai toujours été un très bon gestionnaire. A l’époque, 25 Frs, c’était déjà pas mal (le prix d’un single, voir plus) et le vendre plus cher, c’était trop. Et comme il fallait après l’envoyer dans de multiples dépôts à travers la France via La Poste à mes propres frais, je perdais trop d’argent. Rien qu’un colis de 10 n° revenait dans les 50/60 balles donc le compte a été vite fait, j’ai fermé boutique hélas… Quelques temps après, internet a commencé à débarquer pour le grand public et avec l’asso KFuel dont je fais partie, on a monté un site pour parler de nos activités, essentiellement l’orga de concerts. C’est à ce moment là que j’ai pu reprendre les chroniques en créant une rubrique zine, c’était vers 97. C’est pour ça d’ailleurs qu’on retrouve plein de chroniques sur P&F allant de 96 à 2003 alors que le webzine s’est crée qu’en 2004. J’avais rapatrié toutes les chros que j’avais écrites pour KFuel pour avoir du contenu à l’ouverture. Donc, voilà, le fric, la facilité de publier sur internet, la diffusion instantanée dans le monde entier, le manque de temps, ne plus passer des nuits blanches à mettre en page, à ressortir la colle et les ciseaux. Je caresse toujours l’espoir un jour de sortir une version papier de P&F, ça me manque, genre une fois l’an pour récapituler une grande partie ou la totalité des écrits de l’année qui viennent de s’écouler mais je crois que ça se fera jamais ! Sauf si quelqu’un-e me dit un jour qu’il/elle est prêt-e à se porter volontaire pour s’en occuper !

Les numéros de SONIK ont-ils été numérisés ? Est-ce qu’on peut les trouver quelque part ?*

Non pas à ma connaissance, pas de numérisation. Et ne compte pas sur moi pour le faire, j’ai même pas tous les numéros. Juste les maquettes dans un piteux état. Par contre, j’ai appris récemment que la fanzinothèque du Confort Moderne à Poitiers à tous les n°… et chez des potes aussi mais là, ça va être plus compliqué !

Dans SONIK, il y avait des articles extra-musicaux – je me souviens d’un dossier sur Louis Calaferte – qu’on ne retrouve plus sur Perte & Fracas, y a-t-il une raison particulière à cela ?

Le temps et… ah non, pas l’argent ! J’aimerais en faire beaucoup plus. Plus de chros,de scene reports, d’articles en tout genre mais même si je ne dors pas beaucoup, je n’y arrive pas. Et puis, il faut avoir aussi l’envie d’écrire sur autre chose que la musique, sentir le sujet qui va te motiver mais en fait, je crois que je ne cherche pas. Même si plein d’autres sujets non musicaux m’intéressent, je les garde pour moi maintenant. P&F, c’est vraiment la musique et rien que la musique.

Tu as publié aussi quelques interviews mais la dernière date de 2014. C’est quelque chose qui ne t’intéresse plus ?

Si énormément mais comme pour la réponse précédente, manque de temps (sauf pour y répondre hahaha) et la flemme. En fait, ce sont surtout les conditions pour faire une bonne interview qui manquent. Lors de la venue d’un groupe en concert, c’est souvent chaud pour choper le groupe entre deux balances, le repas, les concerts, dans un coin de backstage bruyant sans parler des groupes qui s’en tapent. En plus, mon anglais laisse grandement à désirer. Si j’arrive à me faire comprendre, j’entrave pas la moitié de ce qu’ils répondent (ou alors ne faire que des groupes français ?). Autant le faire par écrit alors mais là aussi, c’est limité. On ne peut pas rebondir sur ce que la personne vient de dire, on ne peut pas instaurer une véritable discussion. Je crois aussi que j’ai pas mal été déçu et frustré par plusieurs interviews que j’ai pu faire dans le passé, pas grand chose d’intéressant en sortait. L’idéal, ce serait de passer une journée, en dehors des tournées, pour taper la discute avec un groupe, sans contrainte de temps, sans stress mais là je rêve. Et puis au final pour être tout à fait honnête, quand je vais à un concert, je préfère aller boire des bières et discuter avec les potes parce que les musiciens, c’est que des branleurs hahaha !

The art of losing et Oldies – biographies de groupes, discographies commentées et disques en téléchargement libre – sont vraiment des rubriques géniales : qu’est-ce qui t’a donné l’envie de faire ce « travail historique » ? Est-ce qu’il y avait la peur que ces groupes pre-internet tombent dans l’oubli ?

Qu’un disque vienne de sortir ou qu’il date de pas mal d’années, le principe reste le même, avoir envie de faire découvrir un disque. Je m’en fous de l’année marquée dessus, y’a pas de date de péremption pour la bonne musique ! Tout au long de ma vie (et encore maintenant), j’ai découvert plein de disques bien après leurs sorties, des disques que j’ai toujours beaucoup de plaisir à écouter aujourd’hui. Alors je me suis dit, si je peux faire découvrir des groupes comme Glazed Baby, Dazzling Killmen, Craw, Dog Faced Hermans etc etc et des disques plus obscurs mais qui auraient mérité plus de lumière, pourquoi se gêner ?! En fait, je suis toujours dans la peau du lycéen qui échangeait des cassettes avec ses potes à la récré. Tiens, je vais t’enregistrer ce groupe, tu m’en diras des nouvelles et en retour, ils me faisaient des copies d’autres disques, on avait tout un trafic de cassettes. Sauf que maintenant, on s’échange des liens MP3. J’avais aussi découvert lors de discussions avec des personnes plus jeunes (mais pas seulement !) que moi que des groupes qui apparaissaient comme des évidences, que tout le monde connaissait, hé bien ce n’était pas le cas du tout, j’avais un gros décalage. Quoi, tu n’as jamais entendu parler de Dazzling Killmen !!!!???? Tu ne connais pas les deux 1ers singles de Blunderbuss ??!! Tu vivais dans une grotte ou quoi ?! Alors que c’était normal en fait, non seulement à cause d’une question d’âge mais aussi parce que la plupart de ces groupes dans The Art of Losing ou Oldies sont assez confidentiels, n’ont intéressé qu’une poignée de personnes à l’époque où internet n’existait pas et où il était plus difficile de se faire connaître alors que maintenant, tu mets ta 1ère démo sur Bandcamp et tu fais le tour du monde. Donc voilà, j’espère qu’avec ces 2 rubriques, les plus jeunes peuvent découvrir plein de disques et les plus vieux dépoussiérer leur discographie ou combler les trous. Pas de volonté de faire un travail historique comme tu dis même si avec le temps, ça en prend la tournure et que c’est pas pour me déplaire. Pas de peur non plus car tout ça est bien involontaire de ma part et ce n’est pas désagréable au final que certains disques obscurs que je chéris tant puissent se faire entendre encore, qu’une trace subsiste. Par contre, ça doit être important pour certains groupes de ne pas tomber dans l’oubli puisque certains m’ont demander de figurer dans The Art of Losing… J’ai également réussi à choper des disques qui ne sont jamais sortis parce que les groupes avaient splitté entre temps. Quand les membres de ces groupes sont tombés par hasard sur les articles de The Art of Losing, ils m’ont spontanément contacté et étaient très heureux de pouvoir faire entendre leurs enregistrements qui ne sont jamais sortis… J’ai même découvert il y a quelques années que les Anglais de Headbutt sur le site Discogs avait mis comme lien « officiel » pour leur groupe la page Oldies que P&F leur a consacrée !

Humeur massacrante est une rubrique que je prend un malin plaisir à lire. J’imagine qu’elle n’est pas du goût de tout le monde… Qu’est ce qu’elle représente pour toi ? Penses-tu que, en son for intérieur, tout fan de musique est un ayatollah qui pense détenir la vérité ultime, adoube certains groupes et voue tous les autres aux gémonies ?

Je crois que tu n’es pas le seul à prendre un malin plaisir comme tu dis à lire cette rubrique, j’ai eu pas mal d’échos dans ce sens. Plus on dit du mal des autres, plus les gens adorent. L’humeur massacrante révèle le coté obscur de chacun d’entre vous !! Et effectivement, elle n’est pas du goût de tout le monde. Surtout des groupes qui y figurent même si la plupart le prennent très bien et l’anticipent même quand ils m’envoient leur disques en me disant que je vais pouvoir me défouler sur eux… Alors qu’en fait, je ne prends pas de plaisir à le faire. Déjà, parce que je suis obligé d’écouter ces disques (conscience professionnelle jusqu’au bout !!) et que parfois, c’est une vraie torture pour mes oreilles. Et parce que je préfère passer du temps à écrire sur de la musique que j’apprécie, c’est beaucoup plus facile. Si j’ai fait cette rubrique, c’était pour caser tous les disques que j’avais reçus (où les erreurs d’achat) et qui ne me plaisaient pas ou que je me demandais pourquoi je les avais reçus parce qu’ils ne correspondaient pas du tout à P&F. J’aurais très bien pu les ignorer (ce que je fais parfois) et les balancer à la poubelle (où ils finissent par atterrir souvent) mais comme on avait fait l’effort de me les envoyer, je voulais faire l’effort d’en parler. Au début, je pensais écrire quelques lignes seulement, assez neutres et descriptives, mais je trouvais ça vite barbant à faire et à lire. J’ai voulu donc le faire sous un angle un peu décalé et l’idée de l’humeur massacrante m’est venue rapidement. Mais cette rubrique est à lire au second degré la plupart du temps (et ça, beaucoup de groupes l’ont compris) avec de la mauvaise foi et de la provocation gratuite, de l’humour bête et méchant, une façon sans filtre et très directe de parler musique comme quand on parle zique avec des potes sur le bord d’un comptoir de bar, il ne faut pas la prendre trop au sérieux. Mais pas toujours non plus… Et ça apprendra à certains à envoyer des disques à l’aveugle sans prendre un minimum d’infos sur le zine à qui on envoie de la promo, ils tendent vraiment le bâton pour se faire battre. Ça, ça me sidère.
C’est une façon aussi d’aller à l’encontre de toute l’hypocrisie que je peux lire dans de nombreux webzines/blogs qui lèchent bien le cul des labels, groupes et autres attaché(e)s de presse, sans aucun avis critique, ou en se contentant de reprendre les éléments biographiques qu’on leur refile sous le nez ou en se satisfaisant de chroniquer uniquement ce qu’on leur envoie en promo sans jamais chercher à découvrir des disques par eux-mêmes et en achetant leurs propres disques, ce qui fait que beaucoup de zines se ressemblent. Voir de lutter contre des labels/groupes qui essayent plus ou moins habilement de vous mettre la pression pour que vous écriviez des choses positives sur leur oeuvre d’art. Nan, j’écris ce que je veux et je vous emmerde.
Mais surtout, ces chroniques, positives ou négatives, n’engagent que moi. J’ai pris le soin sur la page « contact » d’écrire que « Perte & Fracas ne fait que traduire les opinions d’un modeste besogneux. Lisez entre les lignes. Ayez votre propre avis. » Je ne possède aucune vérité, je ne possède pas LA vérité, c’est juste un avis parmi d’autres, vous en faites ce que vous voulez après. Si quelqu’un pense qu’il détient la vérité ultime, c’est un véritable crétin ou alors il s’appelle Philippe Manoeuvre, (ce qui revient au même). Je peux dire beaucoup de bien, voir encenser des groupes (et ça constitue la majorité des chros sur P&F je pense), en descendre d’autres (mais ce sont toujours celles là dont on se souvient le mieux hélas…) mais ça restera toujours uniquement l’avis et rien d’autre d’un mec dans son HLM qui essaye d’écrire le plus honnêtement possible ce qu’il ressent à l’écoute d’un disque. Point barre.

Mise en page au hachoir extraite de SONIK #3

Perte & Fracas, c’est l’exact opposé du webzine musical typique de 2018, bourré jusqu’à la gueule d’infos courtes, d’images, de vidéos. Qu’est-ce que ça t’inspire ?

Que je suis vieux ! Perte & Fracas, un webzine old-school ! Bon déjà, j’ai pas les connaissances techniques et artistiques requises pour faire un site super chiadé. Je fais P&F avec une version de Dreamweaver datant de 2000 environ, tu vois le genre. Un jour, je vais sûrement être dans la merde mais tant que ça marche… En même temps, j’ai toujours voulu faire un site clair, où il est facile de s’y retrouver sans que le lecteur soit bombardé de centaines d’infos, d’images et en privilégiant bien sûr le fond à la forme. Donc oui, rien de très glamour. Je passe plus de temps à écrire qu’à faire de superbes animations ou des jeux concours avec des écoutes en exclusivité… Ce n’était pas calculé au départ mais maintenant, j’aime l’idée que P&F soit le genre de site où on prend le temps de s’arrêter, se poser, y revenir régulièrement pour fouiller, découvrir au hasard, en dehors des sentiers battus, des modes, de l’actualité voir un peu hors du temps. J’entends parfois que faire des chroniques ne sert plus à grand chose, qu’il suffit de cliquer sur des liens et les personnes peuvent tout de suite écouter à quoi ça ressemble, qu’on s’en fout des avis de quelques obscurs scribouilleurs. C’est peut-être vrai. Mais d’abord, avec tous ces milliers de disques qui sortent, les webzines/mags permettent de faire un peu de tri (subjectif forcément) pour toutes les personnes qui n’ont pas le temps/l’envie de fouiller. Et surtout, personnellement, j’ai toujours adoré lire sur la musique en général même celle que je n’apprécie pas spécialement, lire ce que peuvent penser d’autres personnes sur des disques, apprendre des choses sur les groupes etc. Je n’ai pas envie que P&F devienne un agrégateur de news sur les sorties de disques, de liens Bandcamp ou de vidéos Youtube, froid et sans passion avec une note sur 10 pour toute appréciation. Parler de musique, c’est important, ça fait partie de tout ce folklore rock que j’adore. Ya quelque chose d’humain derrière tout ça qui me touche, c’est l’envie d’aller un peu plus profondément dans cette sensation que procure la musique, se demander pourquoi tel disque nous retourne, nous fait cet effet là, en quoi ça nous parle, ça donne un peu comme un support consistant à la musique, une mémoire qui va rester, une mystique sur la musique qu’il est important d’entretenir.
C’est pour ça aussi qu’il me faut le disque entre les mains pour en parler et que je prends en photo toutes les pochettes. Montrer que y’a des gens derrière tout ça, des musiciens, des ingénieurs sons, des dessinateurs etc… qui prennent du temps, bossent, se donnent un mal de chien pour faire des disques, des visuels, des objets parfois très beaux. La musique, ce n’est pas du MP3 et des jpg ! Donc oui, je continuerais d’écrire, écrire et écrire encore parce que pour moi, c’est le meilleur moyen pour dire à quelqu’un d’écouter un disque, lui faire partager ton envie et de communiquer ta passion.

120 chroniques de Perte & Fracas

Ton écriture est vraiment personnelle et ta façon très imagée de parler de la musique est parfois presque plus captivante que l’écoute des disques même. Ecris-tu à d’autres occasions que Perte & Fracas ? As-tu déjà écrit pour des magazines ? Est-ce qu’on te l’a proposé ?

Merci pour ta remarque sur l’écriture mais le plus beau commentaire qu’on puisse faire pour P&F, c’est « merci de m’avoir fait découvrir tel disque ou tel groupe » et non pas sur la façon dont c’est écrit. L’écriture n’est qu’un moyen de rendre tout ça pas trop désagréable, c’est secondaire. Et les mots, les images que tu utilises, les sentiments, les émotions que l’écoute d’un disque te procure, la façon dont tu tournes tout ça ne sont qu’une partie de la donne. Les infos que tu vas fournir, la connaissance du groupe et surtout l’esprit critique sont encore plus importants. L’essentiel dans un zine, c’est de donner envie aux personnes d’écouter tel ou tel disque, pas de se faire mousser pour son écriture sinon faut arrêter tout de suite et écrire un roman ou je ne sais quoi et perso, je n’ai strictement aucune envie de ce coté là et encore moins les capacités. Comme je disais dans la 1ère réponse, n’importe qui peut écrire des chroniques, il suffit de s’appliquer un minimum. Le reste, c’est de l’entraînement et de la persévérance. Comme dit une pub pour je ne sais plus quelle marque de sport et sa pratique, le plus dur, c’est pas de s’y mettre, c’est de s’y tenir ! Je n’écris donc que pour P&F. J’ai écrit 2,3 chroniques pour un magazine qui n’existe plus depuis 2004, ça s’appelait l’Oeil électrique (fait notamment par le gars dont le nom de scène est désormais John-Harvey Marwanny). Paquito Bolino m’avait demandé aussi d’écrire un truc pour un zine qu’il voulait sortir y’a fort longtemps mais je crois que tout ça est tombé à l’eau. C’est tout si je me rappelle bien et on ne m’a jamais rien proposé sinon.

Outre le plaisir d’écrire, qu’est-ce que le webzine t’apporte ?

Euh, le droit de répondre à des interviews ? Franchement, j’ai toujours envisagé et fait P&F dans le but tout simple de faire connaître des groupes que j’aime, présents ou passés, à d’autres personnes. La musique et rien que l’amour de la musique (c’est beau hein ?!). Je n’ai jamais rien attendu en retour. Maintenant, à part quelques disques gratos (pas assez à mon goût et surtout pas ceux que je voudrais !), des liens de téléchargement (beaucoup trop !) pour avoir l’immense privilège d’écouter les disques avant leur sorties, une reconnaissance inter-planétaire toujours appréciable et la rencontre de quelques personnes sympathiques (pas trop quand même hein), P&F, c’est bon pour mon équilibre quotidien (y’a du boulot !), une sorte de refuge, d’échappatoire à la dure et impitoyable réalité de la vie, un monde personnel dans lequel je glisse des choses intimes bien que faire découvrir des disques restent le but ultime. Je fais ça naturellement, sans me forcer, en prenant beaucoup de plaisir, sans réfléchir à tout ce que ça entraîne. J’ai commencé P&F (et Sonik avant) pour moi même d’abord parce que je sentais que j’avais besoin de parler de musique – et je ne pourrais pas l’expliquer – il faut que je parle de tous ces disques que j’adore et ensuite de plus en plus, pour le partage en espérant que d’autres personnes soient satisfaites que P&F existe. Certains collectionnent les timbres ou se passionnent pour la pratique de la danse country. Moi c’est écrire sur le rock’n’roll !

Perte & Fracas, ça a aussi été un label, celui d’un disque The perturbation theory de Moller-Plesset. Peux-tu nous en dire un mot ? Y avait-il l’idée de sortir d’autres disques ?

C’est surtout une histoire de potes qu’on avait envie de soutenir et d’aider. Ça a commencé avec leur 1er album Rather Drunk Than Quantum que nous avons sorti avec KFuel. Après j’ai continué l’aventure tout seul quand j’ai crée Perte & Fracas et publié The Perturbation Theory. J’avais dans l’idée de sortir plein d’autres disques, de me lancer dans l’aventure du label mais ça s’est jamais fait. Déjà parce que The Perturbation Theory s’est très mal vendu (il reste toujours des exemplaires, demandez à Moller, je leur ai tout filé !), j’ai perdu des thunes (le syndrome Sonik…) et plus sûrement, je crois que j’avais pas réellement la motivation pour continuer. Si vraiment on a un truc qui tient à coeur, on trouve toujours les moyens – financier, le temps etc – pour le faire, on dépasse les contraintes, on s’implique vraiment et ça n’a jamais été le cas… Perte & Fracas, un label mort-né même si on sait jamais sur un coup de coeur…

Plus de question… AH SI ! Si Jesus Lizard passe en France en 2019, tu iras les voir ? Et en 2029 ?

Je vois que tu connais ma passion pour Jesus Lizard… La dernière fois que je les ai vu, c’était à Rennes à l’Antipode avant la séparation, la première avant les nombreuses reformations pour des tournées. Je n’en garde pas un bon souvenir. Le batteur Mac McNeilly n’était plus là, c’était même pas Jim Kimball mais un obscur besogneux et on sentait que c’était la fin, un concert de routine. Mais tous les échos de leurs multiples reformations sont bons donc s’ils repassent à Rennes, je ne pourrais pas m’empêcher d’aller les voir mais je ferais pas des centaines de kilomètres non plus. Je préfère rester avec mes vieux et beaux souvenirs comme la première fois que je les ai vus à Bruxelles puis Paris (au Gibus !) le lendemain, c’était entre Goat et Liar. A ce moment là, je comptais pas les kilomètres pour les voir !! Et en 2029, je serai gâteux, sourd ou mort. Mais moins qu’eux.

*Oui, il en existe. En faisant une simple recherche internet, on tombe sur le’site de l’irremplaçable fanzinothèque de Poitiers où on trouve un lien vers le troisième râle de SONIK ainsi que vers pleins d’autres fanzines géniaux de l’époque : Positive rage, Tranzophobia, Peace warriors, etc.

PS L’illustration en entête de cette interview est celle de l’insert du LP « Dig out the switch » de Dazzling killmen, autre groupe chouchou des pages de SONIK/Perte & Fracas..

>>>>>>>>>> PERTE & FRACAS

Flying disk, « Urgency » LP

Tu parles le Quicksand ? Le Jawbox, le Helmet, le Girls against boys ? Si c’est le cas, il y a des chances pour que tu te retrouves en terrain familier avec cet album des Italiens de Flying disk, déjà auteurs d’une première galette sympathique. Au cours des quatre années qui séparent les deux disques, le groupe a continué à progresser et à affirmer ses choix. Son post-hardcore est de plus en plus coloré par les mélodies et les petites bombes qui ouvrent le disque – One way to forget, On the run –  donnent le ton : Flying disk vire de plus en plus du côté rock de la force. Aucun mal à ça, tout le monde aime un bon gros riff rock de temps en temps et, avec son très typé mais aux petits oignons – guitare ample qui résonne dans la nuit, basse qui ronfle impeccablement -, ces morceaux sont remplis de chouettes idées, de breaks virevoltants, de dynamiques bien maîtrisées.

Pour autant, tous les morceaux ne font pas une impression aussi satisfaisante. L’énergie se dilue un peu sur les titres du milieu et plusieurs moments moins inspirés. On ne peut quand même pas faire comme si cette musique n’existait pas depuis 20 ans et je jure sur la tête de ma maman bien-aimée que j’ai déjà entendu les arpèges de Night creatures tels quels ou presque ailleurs. L’impression aussi parfois que l’ambition mélodique du groupe se fait au détriment de la tension des morceaux et qu’il manque des titres comme Scrape the bottom sur le premier album, certes plus basique dans leur progression mélodique mais qui avait quelque chose d’instinctif et de mordant.

Album attachant, qui respire la passion, Urgency peut séduire mais aussi laisser sur cette impression de références un peu encombrantes. Heureusement, les coups gagnants sont suffisamment nombreux pour donner envie de suivre le groupe et d’entendre ce qu’il peut donner sur scène, en vrai.

Flying disk, « Urgency » LP (Brigante Records / Scatti Vorticosi / Edison Box)

>>>>>>>>>> FLYING DISK

 

« Jeudi noise » (Black Mont-Blanc, Videoiid – Tilleuls, 6 déc.)

Virée aux Tilleuls un jeudi soir. Arrivé à l’arrache mais assez tôt pour passer un moment avec les groupes de la soirée. Alors qu’on avait prévu de les faire jouer tous deux ce soir, on a eu la surprise d’apprendre que les batteurs respectifs des deux groupes se connaissaient et avaient même joué ensemble à une époque ! La soirée part sous de bons auspices. Frank raconte sa tournée en autonomie en Russie, du nord jusqu’à la Crimée avec son projet solo Sheik anorak. Ca ferait un tour report d’enfer !

Il y a déjà un public assez nombreux – pour un jeudi – lorsque commence le concert de Black Mont-Blanc. Faut dire que le trio comporte la section rythmique des Don caballero locaux – We are the incredible noise – et qu’en plus ce groupe dont on compte les concerts sur les doigts de la main jouait pour la première fois à Annecy, il me semble bien.

Probablement à cause du son, leur musique fait une impression moins violente, moins rentre-dedans que lors de leur prestation au Poulpe. Post-hardcore technique, en ébullition. Voix gueulée qui se débat dans ses entrailles. Basse retorse, perverse, qui cherche le point de faiblesse, de rupture.

Quelques moments qui respirent davantage mais le trio ne laisse guère de repos au public et son set punitif le laisse pantelant, avec toujours l’envie lancinante d’en entendre plus. Quand sortiront-il quelque chose ? Un jour, peut-être, peut-être.

Le deuxième trio de la soirée, Videoiid donc, est un groupe plutôt groupe récent formé par Frank, lyonnais exilé à Göteborg, et Arvind et Sara, deux musiciens suédois. Ils n’ont pas tant tourné en France que ça et viennent de sortir leur premier EP, donc c’était plutôt cool de les recevoir ce soir-là aux Tilleuls

Punk dissonant, tribal, hypnotique. Gerbes de guitares qui déraillent. Sur scène, la musique de Videoiid est en éruption continue et leur set court mais intense fait une impression plus urgente, plus primaire encore que sur leur enregistrement.

Ou peut-être que c’était un de ces moments spéciaux où il se passe quelque chose, puisque le groupe lui-même nous racontera après que ce concert était pour eux particulièrement réussi. En tous cas, il laissera sa marque dans nos cerveaux sidérés, de même que cette excellente soirée qu’on prolonge par une interview à paraître très bientôt.

>>>>>>>>>> BLACK MONT-BLANC

>>>>>>>>>> VIDEOIID

>>>>>>>>>>BISTRO DES TILLEULS

Debout les braves #12

Un vrai fanzine, sur papier, 36 pages avec une couverture couleur et une mise en page soignée. Et prix libre, en plus. Respect. Debout les braves est le fanzine photo d’Olivier, avec une ambiance punk français / anarcho-punk qui traîne dans les pages. Les photos de concerts, ça peut franchement avoir un côté trop classique et barbant parfois mais, d’une part, comme l’indique le sous-titre du fanzine – Visions de la scène genevoise et d’ailleurs – Olivier a la bonne idée de s’intéresser aux gens, aux lieux ou aux moments qui font autant la scène que les musiciens. D’autre part, les photos, souvent en noir et blanc fortement contrastés, sont belles et les concerts sont de style variés. Enfin, il y a quand même un peu de texte : une interview de Vocal cheese, un duo qui mélange yodel et approche politique, et un édito qui prend partie contre les danses violentes aux concerts.

« Le rock’n roll dans les veines » (Lydia Lunch / Big Sexy Noise – Théâtre de l’Usine, 19 nov.)

 

 

Le truc fou avec Lydia Lunch, c’est que je suis persuadé de l’avoir déjà vue, quelque part à la fin des années 90, dans un café à Londres, je crois. Ca devait être une lecture, mais j’en ai absolument, mais alors absolument, aucun souvenir. J’ai dû y aller un peu comme ça, à l’époque, bon bref, cette fois c’est avec beaucoup de curiosité qu’on a pris nos places pour ce concert qui se déroulait au théâtre de l’Usine – pas du tout une salle avec des places assises comme je le craignais mais quelque chose qui ressemblait plutôt bien à une salle de rock. Nickel.

Même pas encore montée sur scène que le show de Lydia commence. Elle blague avec le public, des connaissances peut-être ou des inconnus. A l’aise, on sent la bête de scène, en toute simplicité. Et puis on est quand même venue voir Lydia Lunch, icône punk/no-wave, auteure et performeuse sulfureuse, égérie de la scène underground new-yorkaise depuis des lustres. Le public est composé de gens de tous âges mais il est chaud. Il veut Lydia et il veut du show.

Je trouvais un peu gonflé d’appeler son groupe Big Sexy Noise. Big sexy noise, ça va, tu te la racontes pas un peu, là ? Mais en fait, peu à peu, j’ai compris. La musique de ce groupe a vraiment quelque chose de sexuel. Mais d’abord, faut quand même dire un mot sur le groupe – parce qu’on parle sans arrêt de Lydia Lunch mais les deux autres, c’est pas n’importe qui. D’abord, il y a James Johnston, c’est le guitariste de Gallon drunk mais aussi des Bad seeds de Nick Cave et Faust sans compter toutes les collaborations hallucinantes, hein. Et puis, il y a Ian White, batteur des Gallon drunk aussi. Donc, quelque chose de sexuel, je disais. Ouais. Un son sale et chaud et dévergondé à la Stooges. Des accords bluesy plaqués crânement, rien en trop, du grand art. L’incroyable James Johnston qui tombe à la renverse sur la scène comme s’il avait vingt ans, comme Nick Cave ne le fera jamais plus. La batterie primaire et vibrante, qui est là pour cogner, pour te rentrer dedans et pas autre chose. Le putain de rock’n roll au bout des doigts, la classe mais la classe absolue, quoi.

Et puis Lydia. Selon les morceaux, son chant oscille entre spoken-word mordant, imprécations rageuses et des passages chantés aussi, où tout à coup elle a une grâce et que j’ai trouvés vraiment beaux. Lydia Lunch, elle a presque 60 ans mais elle est tellement naturelle et libérée sur scène que parfois tu la vois à 20 ans. Tu la vois vraiment et il y a quelque chose d’extrêmement touchant là-dedans.

Et tu comprends un peu pourquoi elle a passé sa vie à faire ça, monter sur scène et mettre en scène l’ordure et la dégradation à sa manière provocante, pour en faire de l’art. Une forme d’art, en tous cas. Une façon d’affirmer et de prouver qu’elle est vivante, plus vivante que jamais.

 

« Queer in the tradition » : an interview with Gerda

Year after year and record after record, Gerda has become another name for total engagement in a dark, abrasive, deeply-felt noisy hardcore sound. So I was ever so  stocked when hearing the news they were playing Geneva last October. And this is what I did : made myself a note to go, planned my trip carefully and arrived just right at the end of their show. Bumping into the Italians near the kitchen of the squatted house, I decided to improvise an interview. My questions were short, half unclear and only partly coherent and I probably came out as a complete idiot. But the boys were cool with it. And even managed to make it an interesting moment. Read on.

You’re playing in a squatt tonight, how do you feel about that ?

Alessio (bass) : It’s very natural. It’s like being at home. This is where we come from and where we belong. The band started in a squatt similar to this in our hometown. With people doing politics, pressure groups, antifa, organizing stuff. So it makes sense to us to travel and meet this kind of places.

Can you tell us a bit about this tour and how you organize things ?

Alessio : It’s a short tour because in this part of our life we need to make it compact. It’s nine days and eight shows. We play Geneva tonight, then Paris, Nantes, Soraluze near Biarritz and then Vitoria, Gasteiz and Pau and back. We do everything by ourselves, we are a DIY band. Except wedon’t have our own label. We rely on people that have now become friends – very small DIY labels but they’ve been dealing with music since the beginning.

Alessandro (singer) : Also it allows us to get a better distribution. Some are recent, others have been around for a long time. It has become part of our game.

Alessio : Yeah, it’s like a big family.

So you are in this DIY network and obviously it works because it allows you to tour, make records, make people hear your music – what would you say works less well or you would like to see work better ?

Alessio : Everything is very efficient -except that maybe it’s a small group of people and it’s not really easy to break though and meet audiences that are not specifically connected to this or that genre. Which I think is a pity because I know that our band can meet any kind of audience. During tours, we play in random bars in front of random people and it ends up being great shows.

Alessandro : Yeah, it’s not just the music, it’s how you play it.

Please, don’t make me regret missing your show, please…

Alessio : But that’s the only thing that is not working so well. And it’s not because we or our label want it, it’s because bigger labels have marketing and work hard on people’s imagination. They take all the available space.

Roberto (guitare) : A few years ago we played a bar in France. It looked weird at first, it seemed we were kind of out of place but the night was really cool. Really good vibes.

Alessio : Buying records even though they didn’t know us…

Alessandro : Sometimes it’s even better, to be a complete outsider.

Your album « Black queer » was released recently and it’s you, Alessio, who recorded it. Can you tell us a little bit about that choice ?

Alessio : This is the first album that we did entirely on our own, besides a single song that we did on a split 7’’ (Split 7’’ with Lleroy, released on BloodySoundFucktory as part of the volumorama series. – Ed.) and that was our first experimentation with recording. There are several reasons why we decided to record it ourselves. One is that our sound engineer left and another is that it felt like the right time for us to try this. If it had been 10 or even 5 years ago, fuck, we would have reallly struggled. But I have to say we were starting to think that it was about time to try, jamming with gear and do the sound ourselves.

Roberto : When you are on your own, it’s risky but you dare to try things and you succeed.

Alessio : Yeah, you know better what you want but you know less how to get it. Our sound egineer produced something like 600 records and I produced one record. I think you can hear it’s a job made by a young producer.

To tell you the truth I thought it was produced by Steve Albini (Laughs) and I went around telling everybody there’s this Italian band, really cool, recorded by Steve Albini !… Seriously, I thought the sound was interesting, with drums quite in the foreground and the music in the back with almost a shoe-gaze/ambient feel… And also the guitar sound is quite clean, compared to the usual distorted guitars…

Alessio : Yeah, I think the guitars are very much in the focus in this album. Maybe it’s a bit more melodic maybe the songs are a little simpler. My wife says we’re getting older. (Laughs)

Roberto : Some of the songs had a different approach, starting from the guitar, whereas the previous records were more based on drums and bass.

Can you tell us a little bit about the choice to sing in Italian ?

Alessandro : Since we started it was very important for us to express very directly what we want so Italian was our first choice. More or less all of us write lyrics. It’s easier for us and we feel more confident this way. It has never really been a question among us.

Alessio : It feels very natural. Playing outside of Italy, we bring something from where you come from. And also I think it’s important that there is a tradition of Italian hardcore. It’s not like we wanted to raise a flag but… There are so many Italian bands that are influential worldwide, like Negazione, Nerorgasmo, Wretched… I believe we are part of that tradition.

What about the title of the last album ?

Alessandro : Ha ha, the title is in English !

Alessio : There is an ironic side to maybe not the music but in what surrounds it. « Your sister » (tTitle of the previous album – Ed.) is an insult and that was also ironic. Very rude way of refering to your sister So we said yeah, let’s translate it and make it Little Italy kind of insult ! Black queer is partly the same kind of idea but it’s also heavy and deep. I think we like putting funny and serious stuff.

Roberto : The whole album is dedicated to my brother, who died three years ago. He had a band, he was a brother to all of us. He had a very difficult life. He was a very powerful artist – not only a musician – and very tormented. His main problem was that he needed a lot of space to express himself so, when he couldn’t find it, it was like dying. He felt too different from other people. Sometimes he felt treated like a leper. So the meaning of Black queer for us is to never feel ashamed of your difference. Even if nobody likes it. Be yourself in the face of the others.

It’s a very personal story…

Alessio : Yeah, there are many layers…

Alessandro : On the record there is a song from his band.

Alessio : Also queer is a cool word for us to refer to our music, which doesn’t necessarily fit into categories : hardcore, noise, post punk, metal and so on. Typical metalheads might not be very happy with it. So we call it queer because it is queer music, crossing genres and expectations. Black because… it’s dark music.

And also relating to political aspects…

Alessio : Yeah, of course ! That’s also what we wanted to talk about. How certain categories of people can be perceived as dangerous or wrong or just mistreated. Black people, queer people. It’s also the social and political idea of the title.

Do you think hardcore or heavy music can be a voice for these people ?

Alessio : Ha ha ! I think it could be but there are not many queer or gay people playing harcore but it would be lovely to have more. But actually I don’t know many but there are some !

Alessandro : Of course, there are !

Alessio : But I don’t think we should talk about music genres. Music should be a way to say what you want to say. Of course DIY can be a way for queer people to express themselves.

La photo de Gerda à la Zona mutante est toujours de Olive – merci à lui.

>>>>>>>>>> GERDA

Niet, « Dangerfield » EP

Dès les premiers accords de All work and no play, le premier morceau de ce EP 5 titres, on sait exactement où on met les pieds avec ce duo qui vient du nord-est de l’Italie. Son énorme, lourdingue et baveux à souhait, voix distordue, batterie punitive et sans fioriture. Le décor est en place. Les noms d’Unsane, ou d’Hammerhead pour le côté rock millimétré, ne peuvent pas ne pas être mentionnés. Cinq morceaux qui font bloc, taillés dans la même matière noire, épaisse, coagulante. La noise collée aux tripes. Amphétamine reptile tatoué dans le coeur. Et, bon dieu, comme on les comprend. Si le son est ultra référencé, ces cousins transalpins des clermontois de Black ink stain disposent juste ce qu’il faut de décrochages auditifs (utilisation judicieuse des pédales), de chutes de tension et de changements de vitesse abrupts pour maintenir l’intérêt et donner une existence propre à chaque titre. Et, de toute façon, c’est très fort et le cerveau en position « off » que cette musique s’écoute et devient totalement jouissive. Encore, encore !

>>>>>>>>>> NIET

 

« Frana-tic » (Frana, Black widow’s project – Blackened tattoo studio, 3 nov.)

Initialement prévu dans le shop d’Urgence disk, ce concert s’est finalement déroulé au studio de tatouage en face ou presque. Les italiens de Frana débarquent 30 mins avant le début des hostilités – surpris comme tout le monde par le traffic genevois de fin d’aprem. Déballage fissa du matos, petit line-check, go !

De toute façon, le punk-rock pied au plancher de Frana semble fait pour ça. S’entasser dans un kangoo, faire des bornes jusqu’à plus soif, poser son matos et balancer la sauce, s’écraser dans un duvet quelque part puis recommencer. Il y traîne comme un air de liberté, quelque part entre punk, noise syncopée et quelque chose de plus mélodique, avec notamment à la chouette voix de Luca – qui évoque des pionniers du post-hardcore. Hüsker-dü peut-être.

La configuration de la salle est un peu curieuse, toute en longueur avec cette partie surélevée qui fait office de scène mais qui éloigne un peu le groupe du public mais on s’en fout, c’est génial. Et puis, avec les peintures cyber-métal façon HR Giger qui tapissent les murs jusqu’au plafond, le lieu a comme une ambiance.

Le concert passe vite. On se retrouve au shop de Dam pour une super bouffe végétarienne, au milieu des disques – la grande classe. On fait mieux connaissance avec les italiens qui dormiront à la maison ce soir. Blagues, anecdotes, connaissances communes. Malgré l’organisation pratique pas toujours facile  – les membres du groupes n’habitent pas dans la même ville -, ils gardent une vraie motivation et envie de créer de la musique. « Je peux pas concevoir ma vie autrement, de toute façon », dit Luca. La semaine suivante, ils jouent avec Hot snakes à Milan. Chouette récompense.

Black widow’s project

La soirée s’enchaîne sans temps mort avec le concert de Black widow’s project, des genevois qui font le truc stoner Fu manchu/Foo fighters, les sons de Herr Liebe et un atterrissage en douceur au Poulpe pour profiter un peu de la fin de la soirée hip-hop noise qui s’y déroulait et continuer la discussion jusqu’à tard dans la nuit.

>>>>>>>>>> FRANA

>>>>>>>>>> BLACK WIDOW’S PROJECT

>>>>>>>>>> URGENCE DISK

Videoiid, EP

Sons synthétiques grouillants en guise d’accueil. Voix trainante, répétitive. Riff minimaliste, sec. Guitare amélodique, triturée, succombant peu à peu sous la force centrifuge du morceau. Bienvenue dans le monde de Videoiid, nouveau trio propulsé par le batteur Franck Garcia (Gaffer records, Neige morte, Sheik anorak…) et deux guitaristes suédois(e)s, tous trois se partageant les voix. Six titres composent ce premier EP disponible en format cassette. Six titres d’un format rock et d’une durée assez classiques mais qui choisissent tous la déviance et se cassent la gueule d’une manière ou d’une autre. Go away (Deleuze) et Crackhead jazz ont une nette préférence pour les riffs couinants, suraigus et tranchants comme des cutters. Le groupe prend un malin plaisir à les faire vriller lentement et sadiquement à force de répétitions, d’une façon qui évoque bien sûr Arab on radar. Mais la musique du groupe possède également un versant pop, même si c’est pour tourner à l’amer comme sur Flowers (La la song). Les voix ne sont jamais forcées et Sunn 636, le morceau central et le plus long du EP, est aussi le plus ouvertement et candidement pop. Plein de douceur et de mélancolie distordues et sucrées à la Yo la tengo – même dans sa déconstruction bruitiste finale. Ca a l’air très référencé tout ça mais la musique de Videoiid transpire en fait la fraicheur et la spontanéité. La reprise de Suicide, Why be blue ?, s’intègre tout naturellement dans cet ensemble et clôt parfaitement ce bouquet de chansons acides.

PS Le groupe sera en concert au Bistro des Tilleuls le jeudi 6 décembre avec Black Mont-Blanc.

>>>>>>>>>> VIDEOIID