La musique de White noise me rappelle une article du fanzine Octopus*, qui appelait de ses vœux les metissages musicaux à venir, les hybridations à peine imaginables aujourd’hui… Leur post-rock/dub-electro se situe clairement dans un sillon apparu depuis, creusé d’abord par d’illustres ainés – Mogwaï et autres géants post-rock en tête -, envers lesquels ils reconnaissent clairement leur dette.
Post-rock et dub-electro, donc. Les grandes étendues mélancoliques et l’hallucination syncopée main dans la main. White noise tente de tisser les deux fils sur ce premier EP 5 titres, qui semble vouloir démontrer l’étendue des ambitions du groupe, chaque morceau ayant une identité propre.
Dubious, le morceau éponyme, est celui qui m’a le plus enthousiasmé. C’est clairement le plus poignant, avec son joli gimmick de guitare esseulé, répété inlassablement dans une lente montée en puissance bien mogwaïenne. Des couches de basse grasses viennent ajouter du trouble et de l’épaisseur dans ce paysage désolé qui s’embrase peu à peu.
Hormis I wanna see your face, qui lorgne vers un trip-hop fusion musclé, je ne retrouverai pas la même tension sur le reste du disque. Les autres morceaux mettent davantage en avant le côté electro du groupe. Sur Organ donor, les synthés se font sucrés, tandis que la ballade un peu terne Drug users never loose their cool me semble manquer de colonne vertébrale. Aging and dying tient son programme dub-rock-electro, peut-être de façon un peu rectiligne.
Ces titres n’évitent pas toujours le défaut qui guette toute musique instrumentale : être une bande-son qui attend son action (de ski, plus précisément, le groupe étant sponsorisé par les stations Grand-Massif). Cette impression est accentuée par le son très pur, presque transparent. Pas de plongée vertigineuse dans les infrabasses ou les effets ici, mais cette production, qui donne un caractère intimiste bienvenu sur certains titres, pardonne moins sur d’autres passages.
Ce 1er EP fait donc clairement la démonstration du savoir-faire de White noise et donne aussi parfois l’impression que le groupe colle un peu trop à son milieu et à son temps. La suite leur laissera tout le temps de pousser leurs explorations. Aussi loin qu’ils le voudront.
Quelques instants qui paraissent un peu tâtonnants, puis la musique de Nevraska prend ses marques, le son devient plus organique, et les morceaux du duo prennent leur vitesse de croisière.
Sur cette « grosse » scène, la variété de leurs influences ressort encore davantage. Noise, hardcore, voire hardcore mélodique, émo, rock, etc. assimilés, revisités, régurgités par le duo basse/batterie dans des compositions ciselées, dont le haut régime reste la marque de fabrique.
Le public est restreint (forcément, deux groupes plutôt axés noise, pas forcément connus…) mais les gens en redemandent, c’est chouette à voir. Les morceaux sont rythmés par le sourire et les saluts de Pascal, le bassiste (ce type a quelque chose du maître zen). Le duo, qui a mis un paquet de temps à venir jouer au Brise-Glace, est visiblement content d’être là et leurs morceaux bien rodés méritent vraiment d’être gravés sur disque. Leur album devrait sortir en septembre…
Piniol
Piniol est une formation lyonnaise issu de la fusion de deux groupes, Ni et Poil. C’est une sorte de groupe dédoublé ou de groupe miroir: deux batteurs, deux bassistes et deux guitaristes et un clavier au milieu.
Le premier long titre s’ouvre sur quelques arpèges très post-rock qui vont se dérouler en une pièce d’ampleur comme un espèce d’immense escargot psychédélique. Waouh.
La musique de Piniol, c’est une architecture angulaire, monstrueuse, grotesque, dont on se dit qu’elle ne peut être issue que d’un cerveau malade…
On n’est plus dans le math-rock, mais plutôt en eau trouble, quelque part entre math-rock, jazz-rock et musique contemporaine. Une musique à la fois groovante et savante, plutôt grandiloquente, et parfois kitsh.
Les parties plus chorales ou orchestrales m’ont plu davantage que celles plus destructurées où le groupe joue avec les styles musicaux (zouk…). Là, j’avoue que j’ai tendance à décrocher, parce que je ne vois plus que les effets produits, et moins ce que la musique a à dire.
Des gros riffs qui tournent en boucle, façon Panzer division, striés parfois de fulgurances où l’atmosphère se fait changeante et les accords inattendus… Ce que j’avais entendu de Tuco m’avait bien mis les crocs. Un concert – manqué – à Urgence disks le 25 février dernier et la petite vidéo qui allait avec n’avaient fait qu’aiguiser cette frustration. J’ai donc décidé d’envoyer quelques questions au jeune groupe suisse originaire de Duillier, histoire d’en savoir un peu plus…
Vous avez enregistré un EP en 2009/2010. Qu’est-ce qui s’est passé pour vous depuis ?
Laurent (basse, voix) : Ouais, ça fait un peu groupe de branlos tout ça… En fait, le timing n’aurait pas pu être beaucoup plus mauvais que ça. On l’a enregistré en août 2009, et je partais voyager avec ma copine pour 9 mois en septembre. Quand je suis rentré de voyage, Michel (guitare) décidait de partir pour travailler à Zürich, où il est resté 3 ans environ. Bon, lui n’a pas chômé là-bas, car il a vite rejoint Gletscher (post-rock), où cette fois il jouait de la batterie. Quand il est revenu, on s’est tout de suite dit qu’on allait reprendre Tuco, mais cette fois-ci c’était Patoche, notre batteur à l’époque de l’enregistrement, qui n’était plus de la partie, maintenant il fait bouger des culs dans Lord Makumba, un groupe d’afro-beat basé sur Genève. Du coup, on a demandé à Seb (batterie) de nous rejoindre. On le connaît depuis toujours et il venait de quitter Mumakil pour des raisons de problèmes récurrents au poignet. Ça a pris un peu de temps pour qu’il puisse se remettre à jouer normalement, mais maintentant ça roule nickel. Du coup, on s’est remis à composer et à répéter régulièrement, et on espère que ça va continuer comme ça!
Tuco, c’est le personnage d’une série, je crois. Pouvez-vous nous en dire un plus sur le choix de ce nom et cette inspiration ?
Laurent : Ah ouais, c’est le narcotrafiquant dans Breaking Bad. En fait, quand on a commencé la série n’existait pas encore. Tuco, c’est plutôt un double hommage: premièrement, c’est le personnage « The Ugly » (le truand) dans le film de Sergio Leone, on s’est dit que ce bandit mexicain dégueulasse, ça correspondait assez bien avec notre musique. Ensuite, c’est un hommage au groupe Keelhaul qui nous a beaucoup influencés, où Tuco est le nom de la première track de leur premier album.
Pour vous, cette musique, c’est juste de la musique ou y a-t-il également un esprit et des idées ?
Laurent : Bon c’est clair que c’est la musique qui importe le plus. En fait, au début on avait commencé en groupe instrumental avant qu’on ne se rende compte qu’il manquait quelque chose, la voix. Je me suis fait désigner volontaire et dans la composition on pense à la voix en termes de « Ah ouais, ce serait bien d’ajouter du chant sur cette partie bourrine », sans aller beaucoup plus dans les détails. Pour revenir aux idées, nous n’avons jamais pensé à Tuco comme un vecteur pour promouvoir des idées. Par contre, il est à mon avis impossible de ne rien laisser transparaître de ce qu’on pense ou ressent, et quelque part cela se retrouve dans notre musique. En fait, on ne cherche ni à cacher ni mettre en avant certains aspects de nos personnalités. Ce que l’on recherche, c’est créer des émotions quelles qu’elles soient chez nos auditeurs. Tuco est un espace où chacun d’entre nous peut se laisser aller, ce qui la plupart du temps signifie raconter des blagues moisies entre les morceaux.
Le visuel de votre EP fait un peu penser à l’esthétique communiste ? Qui l’a réalisé ?
Laurent : Ah ouais, merci, en fait je ne l’avais jamais vu comme ça. C’est Manon Roland (http://www.manonroland.ch/), une copine illustratrice qui l’a fait. Elle est super talentueuse et fait plein de trucs : illustrations, graphisme, animations. On lui a donné carte blanche, on voulait juste que celà représente le côté brut, sans fioritures de notre musique. On a été super contents du résultat. Je vais lui dire, cela lui fera plaisir.
Et en passant, que pensez-vous de l’idée du communisme ? Etes-vous à l’aise dans la société, disons, libérale et matérialiste dans laquelle nous vivons ?
Laurent : Alors l’idée du communisme est bonne, mais se base sur une conception assez optimiste de l’être humain où tout un chacun réalise que le bien commun s’aligne avec le bien individuel. Je ne pense pas que l’humain ait atteint un tel niveau de développement, à mon avis les intérêts personnels primeront toujours sur le bien commun, même si le système global en pâtit. Comme tu le vois, je ne suis guère optimiste, mais c’est mon avis personnel. Après, au niveau de la mise en application du communisme, le tableau est absolument accablant, avec des privations de libertés inacceptables. Si tu regardes maintenant, la plupart des pays qui ont un régime officiellement communiste au pouvoir pratiquent le libéralisme économique, et ne gardent que le régime totalitaire en tant qu’état-flic (je pense notamment à des pays comme la Chine ou le Vietnam, dont je suis originaire).
Après, je ne suis pas fan de la société ultra-libérale dans laquelle nous vivons. Lire que les 60 plus riches possèdent autant que la moitié de la population la plus pauvre fout clairement les boules. Après, on se rend compte du bol immense d’avoir grandi en Suisse, où la liberté de penser et de s’exprimer est généralement garantie, où on bénéficie d’une éducation de qualité et des perspectives personnelles et professionnelles. Dans ce contexte, je me vois mal cracher dans la soupe, même si nos privilèges ont un coût pour le reste de la planète. À la fin, la chance que nous avons de vivre dans cette société est que nous pouvons faire des choix, ce qui au niveau global est un luxe.
Comment s’est passé votre concert à Urgence disks ? Avez-vous apprécié de jouer dans ce lieu ?
Laurent : Alors oui c’était super. Damien d’Urgence Disk a été hyper-classe : nous a invités, nous a fait la promo, nous a nourris, nous a filé des bières, nous a filmés et nous a encore donnés l’argent des entrées.
Quels sont vos projets ?
Laurent : Dans l’immédiat, notre but est de donner le plus de concerts possible et de continuer à progresser et composer. D’ici la fin de l’année, on aimerait bien enregistrer les nouvelles compositions (EP ou LP, à voir).
Merci beaucoup ! Voulez-vous rajouter quelque chose ? Une petite blague ? Un message qui vous tient à coeur ?
On ne dira qu’une chose : Le général est arrivé à pied par la Chine mais Superman a une bouille incroyable.
Tout commence avec un groupe de post-rock italien… C’est pas mal comme première phrase mais, en fait, j’ai raté Fugitive, le premier groupe en question. Si les concerts punk commencent à l’heure, où va-t-on ?
Le premier groupe sera donc les locaux de Worst in me, qui propose un mix personnel du hardcore, à la fois hargneux et traversé d’envolées qui tirent un peu sur le « post-« . Leur set était puissant et appliqué, avec plusieurs interventions du chanteur pour expliquer les morceaux. C’est pas grand chose,mais les groupes qui se donnent la peine de communiquer ne sont pas si nombreux que ça. Le seul bémol est peut-être une impression un peu monocorde au niveau des voix, en ce qui me concerne.
Je crois que le groupe vient de sortir son premier album sur bad mood records et sur un tout jeune label genevois, Ashes cult. J’ai fait une petite vidéo d’un morceau assez dantesque- le son est pas génial mais ça permet de se faire une idée : https://www.youtube.com/watch?v=YJedzetknOo&feature=youtu.be
Les américains de Driftoff faisait étape à l’Usine au milieu d’une longue tournée européenne. D’ailleurs, ils remarquent vers la fin de leur set que, de tous les lieux par lesquels ils sont passés, l’Usine est l’un des plus incroyables.
En fait, ils ont l’air vraiment cools… Ils viendront féliciter et soutenir Worst in me à la fin de leur concert et leur set sera étincelant.
Les membres du groupe proviennent de diverses formations assez connues (pas de moi) et voient leur musique comme un hommage à leurs racines punk/hardcore. Ce qui est drôle parce que leurs morceaux me rappellent pas mal l’emo-hardcore mélodique des années 90, notamment des groupes comme Hot water music…
Des voix à la fois juvéniles et exaspérées… Des murs du son denses, dont se détachent des mélodies gorgées d’émotions… une musique assez directe… qui ne cherche pas à en mettre plein la vue ou à « retourner la salle »… PUUUUUUNK, FUCK YEAH !!!
On sent l’expérience, le moindre plan sonne… La classe américaine, quoi ! L’impression de voir une pépite. Là, sur cette scène minuscule, devant, quoi, 20 ou 30 personnes…
En même temps, quand on vient un peu régulièrement à l’Usine, on est habitués.