« Punk au chapeau » : une interview avec Olivier Lowlight (PART 2)

pork pie hat jaune

Suite de notre interview avec le punk annecien. On y cause photo, lecture, graphisme et conseils vestimentaires, entre autres ! Merci encore à lui.

Si tu devais donner trois conseils d’écoute pour quelqu’un qui ne connaît pas le punk-rock, ce serait quoi ?

Des conseils ? Je ne sais pas trop…

Tout d’abord il faut comprendre l’état d’esprit du punk-rock, son « éthique » : tout le monde a le droit et peut faire du punk rock, pas besoin d’être un virtuose. Donc forcément il ne pas s’attendre à des concerts carrés, ou à des disques au son super produit. Il faut se rappeler de la démarche qui consiste à dire : je peux le faire, ou tout du moins essayer. Cela dit, appeler punk rock certains trucs n’excuse pas tout, ah ah ah !

Ecouter avec le volume à fond, en sautant partout ou en faisant du air guitar.

3-Et si on aime, ne pas hésiter à être curieux. Le punk rock c’est très très vaste, il n’y a pas que les Sex Pistols. Ecoutez Fugazi (je l’ai déjà dit, non?), ou les Thugs, ou les Carbonas, ou The Nomads, ou… Allez hop ! trois groupes vite fait, comme ça, à découvrir. Profitez, c’est gratuit :

Chrome Cranks : Shine It On (un des plus grands groupes de l’univers du monde entier de la terre, selon moi).

The Pagans : What’s This Shit Called Love ? (un groupe culte, souvent ignoré et oublié des encyclopédies du rock…)

Baseball Furies : Desperate Pleasures (écoutez tout l’album, Greater Than Ever, un des meilleurs disques de garage punk des années 2000, des paroles d’une noirceur totale)

Voilà. Ce sont tous des groupes américains, et presque du même coin. Pas trop de trucs français dans mes influences, à part les Thugs ou les Dogs, qui chantaient en anglais en plus.

Olive rouge

Tu fais également un site de photos de concerts (LowLightConditions). Qui ou qu’est-ce qui t’a inspiré pour te mettre à la photo ?

Pendant plus de 10 ans j’ai assisté à plein de concerts incroyables, des choses que tes collègues de boulot ne comprennent pas. Pour elles/eux, un concert ou une performance live c’est Johnny au Stade de France, ou une poufiasse qui tente sa chance à la Star Ac’; un petit groupe c’est un groupe de baloche qui fait des reprise de Emile et Image, ou alors un groupe de quardras qui s’éclatent sur du Noir Désir à la fête de la musique (alors qu’ils pourraient reprendre le Gun Club, tant qu’à faire).

Pendant plus de 10 ans je me suis dit : « Merde ! Et il n’y a personne pour filmer ou prendre des photos ! ».

J’aimais déjà la photo, mais je n’étais pas un vrai photographe, pas de vrai appareil digne de ce nom et aucune connaissance technique. J’admirais le travail de Glen E. Friedman, Ed Colver ou Charles Peterson, mais je n’avais absolument aucune idée du matériel qu’ils utilisaient. De plus le prix était un frein.

En 2007, j’ai touché une prime au boulot, je me suis payé un réflex numérique, marque Pentax, un K10D. Pourquoi Pentax ? Parce que c’était l’outsider, l’alternative aux deux gros (Canon et Nikon). Et pour à peine plus cher que les Canon et Nikon de la même gamme, le K10D était construit comme un tank (coque magnésium et baïonnette en métal) et il ne craignait pas les éclaboussures, deux choses utiles quand ça bourre dans un pogo et qu’il pleut de la bière… Depuis j’ai évolué, je suis passé au K20D, ça doit bien faire 8 ou 9 ans maintenant, ah ah ah !

Du numérique ? Ben ouais, le numérique c’est pratique : tu vises, tu fais tes régalages, clic, clac, tu regardes ton écran, c’est pas bon, tu corriges… Et comme ça tu apprends très vite. Alors certes, il faut quand même du temps pour maîtriser et peaufiner les techniques, mais tu gagnes aussi de l’argent sur les développements ou sur l’inscription au club photos du coin, ce qui t’évites par la même occasion de fréquenter des dames de l’âge de ta mère, ou ta grand-mère, qui se montrent des photos de leurs chattes. L’animal de compagnie bien entendu…. (Merci Laurent pour cette anecdote).

Y a-t-il une photo dont tu es particulièrement fier ou content et que tu voudrais partager avec nous ?

Rien de spectaculaire, juste une photo de Chris Langeland.

Chris

Nurse, mon groupe préféré du coin (et du moment). En attendant qu’ils veuillent bien sortir quelque chose…

nurse

Quels sont les retours sur LowLightConditions ? Que penses-tu que ce genre de site peut apporter ?

Un témoignage d’une scène à une époque. C’est bateau comme réponse mais je ne vois pas trop quoi dire de plus… C’est consultable par tout le monde, le site est sobre, On peut y accéder depuis à peu près n’importe quel navigateur ou n’importe quelle machine. Et de toute façon je ne sais pas faire mieux.

Les gens me disent aller régulièrement sur le site pour voir les nouveautés. En ce moment ils doivent être déçus, je ne fais plus grand chose depuis des mois.

The Sloks a sorti un 45 tours et ils ont utilisé une des photos de leur concert à la Spirale pour le dos de la pochette. J’en ai reçu un exemplaire par le courrier, c’est très bien, parfait. Je ne demande pas plus.

Qu’est-ce que tu penses des photos de concerts locaux qu’on peut voir, sur internet par exemple ?

Je me dis qu’il y a encore des gens motivés. Motivés pour organiser des concerts et motivés pour documenter tout ça. Bon, je sais bien que ça n’intéresse pas grand monde. Encore une fois, il n’y a qu’à voir la fréquentation dans les concerts de musique « alternative »… Je parle pour Annecy. Ailleurs ça m’a l’air plus vivant.

As-tu déjà fait/participé à un zine papier ?

Nan. Mais des potes ont utilisé quelques photos pour leur fanzine Achierpointcom, maintenant officiellement disparu, je pense pouvoir l’affirmer. Mais leur label Shit In Can Records est toujours actif.

sweeders

Lis-tu toi-même des fanzines / webzines / magazines régulièrement ? Quels seraient tes conseils de lecture ?

Je lis moins qu’il y a quelques années, mes acouphènes me gênent beaucoup dans la concentration nécessaire à la lecture.

Il y avait un fanzine que j’aimais particulièrement bien, mais qui a disparu : Punk Planet. Des interviews ont été regroupées dans un livre qui s’appelle We Owe You Nothing, je ne sais pas si c’est encore disponible.

J’achetais aussi Thrasher Magazine, pour le skateboard et pour la musique, notamment l’encadré de Wez Lundry qui était très orienté garage et punk. Mais il est devenu difficile de le trouver sur Annecy. En parlant de garage et de punk j’aime bien Dig It !, mais je ne l’ai pas acheté depuis des années non plus. J’essaie de me faire ma propre opinion en écoutant beaucoup de musique sur internet. L’avis des critiques ne m’intéresse pas, je préfère consulter la biographie et la discographie des membres de groupes, c’est plus enrichissant.

D’ailleurs je lis presque exclusivement des livres sur la musique : témoignages ou biographies. Je termine en ce moment England’s Dreaming de Jon Savage. Une histoire du punk anglais et une espèce d’essai sociologique en même temps, très intéressant. J’ai commencé un livre sur la scène de Seattle : Everybody Loves Our Town : un recueil d’interviews par Mark Yarm. Et un autre bouquin sur Nuclear Device.

Ah oui, un roman finlandais bien barjo : Moi, Surunen, libérateur des peuples opprimés de Arto Paasilinna.

Continuons dans le roman. J’aime beaucoup le polar et le roman noir, en France avec Jean Bernard Pouy ou Jean Patrick Manchette ; et aux USA avec Chester Himes ou Davis Goodis. Et je conseille vivement David Peace, un auteur anglais, et son Quatuor du Yorkshire, œuvre en quatre volumes (1974,1977,1980 et 1983) avec un style proche de James Ellroy. C’est très, très, mais alors très noir.

En politique, je lis de temps en temps un essai (Noam Chomsky par exemple), mais je n’écoute plus aucun discours depuis bien longtemps. De toute façon c’est le plus démagogue qui gagne, les gens sont débiles, ça ne va pas tarder à se démontrer une fois de plus…

Lu le mois dernier: L’Univers à portée de main, écrit par Christophe Galfard, un élève de Stephen Hawkin. Un ouvrage de vulgarisation pour comprendre comment, en gros, fonctionne l’univers, de la théorie de la relativité générale à la mécanique quantique, sans avoir à se taper des équations imbitables.

Tant qu’on est sur le sujet je vous conseille ces conférences de Etienne Klein, David Elbaz, Leonard Susskind (en anglais).

J’aime la bande dessinée, surtout l’indépendante et surtout en noir et blanc, encore du snobisme. Sinon, je suis abonné à Fluide Glacial, c’est tout

Je suppose que en tant que photographe, tu es sensible au graphisme. Pourrais-tu nous donner 3 pochettes de disques dont tu apprécies le graphisme ?

1 – The Monsters, Youth Against Nature (1995).

monsters

Pochette dessinée par Merinuk: http://intherubberroom.blogspot.fr/

Le premier pressage sur Record Junkie est une espèce de pochette triptyque. Je vous laisse découvrir l’intérieur. Le repressage chez Voodoo Rhythm est en gatefold.

2 – Unsane, Vandal-X.

unsane

45 tours sorti chez Sub-Pop en 1990.

Un de mes groupes préférés, vu six fois en concert. J’adore cette pochette, je ne sais pas pourquoi, elle me fascine. A tel point qu’il y a une vingtaine d’année j’en avais fait un t-shirt à l’aide d’une imprimante et de papier transfert. Du noir et blanc, un truc sombre, parfait, merci.

3 – His Hero Is Gone, The Plot Sickens: Enslavement Redefined.

his heroo is gone

Le groupe avant Tragedy, les inventeurs du « crust mélodic », ah ah ah !

Je les avais découvert avec le 45 tours Fools Gold, sorti la même année (1998).

Là encore du noir et blanc, avec un graphisme bien sombre et sinistre, je dois avoir un problème avec la joie de vivre, non ? Pochette gatefold avec une photo intérieure dont le message semble intemporel face à la condition humaine. Je vous laisse décrouvrir…

Voilà, c’est tout, merci beaucoup, Olivier ! Mot de la fin ?

Soyez pessimistes !

On a moins mal au cul quand vient le temps des désillusions.

Ah, et une dernière question, le petit chapeau que tu portes souvent me fait penser à Billy Childish, est-ce une référence à l’ancien chanteur des Headcoats ?

Nan, c’est juste que j’ai une tête à chapeau, j’en profite… Et puis je suis chauve. Le modèle, c’est un simple pork pie hat, un peu vieux, mais comme ça je peux le fourrer dans le coffre de la Vespa sans craindre de le déformer, il est déjà bien abimé.

Je possède une casquette comme celle que des Headcoats, mais je la porte rarement car elle est un peu grande, faudrait que j’en trouve une à ma taille. Ca s’appelle une « deer hunt cap » en anglais pour celles et ceux qui voudraient en porter une aussi.

Les groupes d’Olive : Fuck da tourist, Smutt, What the fuck?!, Thee Sweeders

Son site de photos : Lowlightconditions

LowLightConditions

page d'accueilCe site est l’oeuvre d’Olivier, guitariste d’un nombre assez imposant de groupes punk-rock/garage d’Annecy (Fuck da tourist, Smutt, Bastards have landed, What the fuck?). Principalement dédié à des photos de concerts (dont vous pouvez voir quelques échantillons ici), c’est un peu le pendant de Punkenconcert qui, lui, propose des vidéos et des reports écrits.

2011-11-16_AbdullahSheraton_MachineUtile_Annecy-05

Abdullah Sheraton, novembre 2011, la Machine utile

Il y a photo de concert et photo de concert. Quelques-unes sont en couleurs mais le noir et blanc domine. Classique, un peu à la Glen Friedman (qui avait d’ailleurs photographié Mike Watt avec les Minutemen…) ou d’autres références de la « photo punk ».  Alors que certains photographes se concentrent davantage sur les musiciens et sont en quelque sorte plus des photographes-portraitistes, les images de LowLight retranscrivent de manière assez exacte l’expérience d’un concert punk : cadrages parfois chaotiques, fish-eye (vous savez, cet objectif grand grand angle qui embrasse à la fois le public et le groupe et qui donne mal à la tête), flou, mouvement. Vivant. Punk, quoi.

2014-03-15_MikeWatt_Bellecombe-02

Mike Watt and the missing men, mars 2014, Bellecombes-en-Bauges

Ces remarques stylistiques mises à part, ce site constitue une base documentaire précieuse sur les concerts punk/DIY de la région, avec notamment pas mal de concerts organisés par Underground family à la Machine utile, à Bellecombes-en-Bauges mais aussi à la Spirale ou au bistrot des Tilleuls.

2013-05-10_DeathEngine_MachineUtile_Annecy-03

Death Engine, mai 2013, la Machine utile

2013-04-05_RFTC_Usine_Geneve-02

Rocket from the crypt, avril 2013, Usine

 

 

 

« Bikinis, plastique et soleil pâle » (Expo Martin Parr, Evian – 20 déc.)

DSCN0455L’occasion de voir une expo d’un grand photographe n’est pas si fréquente en Haute-Savoie, alors on ne va pas se priver :  « Life’s a beach » regroupe des photos du photographe anglais Martin Parr sur le thème de la plage, au Palais-Lumière à Evian, jusqu’au 10 janvier.

DSCN0481

Martin Parr pourrait être décrit comme un photographe qui traque le détail qui tue. Il ne s’intéresse d’ailleurs pas vraiment à son sujet en soi mais aux détails, donc, et aux effets de décalage et de contraste qu’ils peuvent produire. Et plus ils sont gros – que dis-je, énormes – plus il aime ça.

DSCN0464

Ce n’est pas pour autant vulgaire – Martin Parr est bien trop classe pour ça – c’est plutôt un regard amusé et empathique sur tous ces détails kitchs. Un regard décalé qui finalement correspond  exactement à ce qu’on attendrait d’un anglais. Ce qui est déjà assez drôle en soi.

DSCN0474

Plage artificielle au Japon. Flippant.

Mais on pourrait aussi dire que ces photos témoignent à leur manière de l’insignifiance  – du narcissisme individuel, de la culture dans une société de consommation de masse. Voire d’une certaine forme de misère de l’existence dans ces sociétés. Mais cette manière-là de dénoncer est infiniment plus fine et drôle que celle de l’art contemporain qui squatte les centres d’art subventionnés par l’Etat.

DSCN0450

Ha ha. Hum.

Et à ce jeu-là, les photos prises sur les plages anglaises (celle de la première salle à droite) remportent la palme. Gamin jouant parmi les détritus, grosse dame feuilletant tranquillement la une d’un tabloid haimeux, chacune de ces photos (qui sont aussi les plus anciennes) ferait une pochette de disque de rock excellente.

DSCN0446

C’est cette dizaine de photo qui m’a vraiment plu. Le reste est parfois moins percutant. Martin Parr, c’est d’abord un collectionneur (c’est lui qui le dit) et un photographes de séries à thèmes – dont certaines sont visibles sur écran : les casquettes, les animaux, les photographes… – au risque d’être parfois plus un photographe de la quantité que de la qualité.

DSCN0448.JPG

Mais bon, lui au moins encourage les visiteurs à prendre ses photos en photo, c’est pas comme au Brise-Glace ! 😉

DSCN0435

Ici, c’est Evian city, pas Chateauroux, motherfucker.