Lilith (Festival Dehors, 20 août)

DSCN2211.JPGLilith au festival Dehors, à Portes-lès-Valence… Un festival qui pratique une forme d’autogestion puisque les membres des compagnies assurent aussi l’accueil ou le service. Ca doit être fatigant mais assure aussi une ambiance très conviviale et des rencontres intéressantes pour le public.

Lilith, c’est un long poême de Joumana Haddad, dans lequel elle donne la parole à ce mythe déviant de la première femme, celle qui n’aurait pas voulu se soumettre et aurait préféré fuir le paradis plutôt que d’obéir à la loi patriarcale de Dieu et d’Adam.

Ici le poême est joué/incarné par une comédienne – Géraldine Doat. L’expression « engagement total » m’est venu plusieurs fois à l’esprit (les habitués des concerts punk pourraient y retrouver quelque chose). Son corps presque nu enduit de terre est agissant mais aussi élément d’un décor (accessoires minimalistes : un tas de terre, un arbre mort, quelques pots, un rideau transparent), d’une histoire aux dimensions myhiques. Dans le flux de cette longue performance entre danse et monologue déclamé, ce corps est tour à tour violent ou jouissant, menaçant ou fragile, séduisant ou horrible, et donne à voir  les différentes dimensions du personnage. Grandiose et sauvage, ou plus philosophique, ou enfin presque banale, humaine.

Lilith, c’est un spectacle des Fées rosses, une  compagnie grenobloise qui a l’ambition de porter – notamment par l’outil du théâtre de l’opprimé mais pas seulement – des thématiques politiques, au-delà des cercles féministes ou libertaires.

 

Les Fées rosses

Festival Dehors

Maximum cuvette #3, #4, #5

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Ils sont forts à Grenoble. Ils ont le Moucherotte, les nanotechnologies et même un fanzine. Un vrai en papier, pas un bidule sur internet, photocopié avec de jolies couvertures sérigraphiées.

Ce zine collectif, au nom en forme de private joke (en référence à un fanzine bien plus connu, que je ne ferai pas l’affront de citer mais je laisse quand même trainer un petit lien on ne sait jamais) propose d’une part des interviews et des chroniques (musique, fanzines, livres) et d’autre part des textes plus personnels : récits ou petits essais.

Certains textes ressortent du lot, comme le tour report de Chicken’s call en Asie, qui s’étale sur les #4 et 5. J’adore ce genre d’écriture, à la fois récit du quotidien d’une tournée – jouer, manger, dormir, rouler -, de rencontres éphémères, d’anecdotes souvent drôles mais parfois pas tant (la rencontre avec le groupe de hardcore facho) et d’obervations socio-politiques. Punk writing at its best !

Le #5 contient également un texte excellent sur la sérigraphie. La démarche de l’auteure, qui pratique elle-même la sérigraphie, est vraiment originale : elle  part de questions qu’elle se pose ou de problèmes qu’elle a rencontrés pour  aller à la rencontre d’autres  personnes pratiquant la sérigraphie artisanale. Les discussions abordent des aspects techniques mais aussi des choix artistiques et soulève des questions intéressantes sur le rapport à l’imperfection, au défaut. J’ai trouvé très pertinente le questionnement sur le rapport à la maîtrise de techniques et les motivation de l’apprentissage. Cela fait carrément écho à des choses qu’on entend dans le punk, qu’on est pas obligé de jouer de manière parfaite, académique, qu’un défaut peut produire un effet intéressant, ce genre de choses.

Certains récits/fictions sont vraiment bien tournés et se lisent avec plaisir, comme le texte « Comme un oiseau », avec une bonne dose d’autodérision dans la mise-en-scène de soi ou « Un simple problème de soudure », sur le rapport à la mort.

Les textes théoriques sont plus inégaux. Il y a une défense intéressante du prix libre dans le #3, où l’auteur aurait pu relever que la pratique du chapeau existait bien avant que les punks ne se l’approprient, et différentes reflexions sur le punk aussi. On remarque parfois dans ces textes que la volonté de dépasser les étiquettes, les préjugés, n’empêche pas forcément d’en faire usage dans d’autres contextes, mais bon, je crois que ça fait partie des contradictions du punk.

Les couvertures sérigraphiées sont super et la présence des dessins apporte un bon contrepoint aux textes, même si elle est assez discrète. Bon, je sais pas si la chronique d’un fanzine punk est le lieu de considérations graphiques mais, à mon avis, de ce point de vue, le #5 est le plus réussi et peut-être que ce serait encore mieux en allant vers encore plus de dépouillement. La photo pourrait aussi être davantage présente, apporter une respiration vis-à-vis des textes.

Pour résumer, Maximum cuvette permet de se faire une petite idée des réflexions et des initiatives au sein de la scène punk/DIY/autogérée grenobloise et au-delà. Sur les 5 numéros sortis, les trois derniers sont encore disponibles.  J’en ai pris quelques exemplaires en dépôt, n’hésitez pas à me contacter si vous êtes intéressés.