The Turin Horse, untitled EP

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Avis de tempête de l’autre côté des Alpes. Trois titres. La salve est brève mais intense. Les membres de The Turin Horse officiaient auparavant dans Dead Elephant, combo qui pratiquait un post-hardcore massif, apocalyptique, dans le sillon de Neurosis. Les ingrédients sont toujours là, mais le propos est resserré, condensé, épuré pour un impact maximal. Tout comme le personnel réduit à sa plus simple expression : une guitare, une batterie, un peu d’électronique. « Uncompromising noise-rock designed to break your heart », qu’ils disent. Pourquoi pas.

Avec sa disto old-school et sa voix erraillée, The regret song, le premier morceau, commence même un peu comme du Black flag. Mais pris dans un tourbillon de breaks nerveux, millimétrés, de subits revirements d’intensité et tous les éléments du post-hardcore de compétition maniés ici avec maestria et la bave aux lèvres. En ce qui me concerne, dès ce premier morceau, le groupe a tout bon.

C’est un peu le même topo avec Blame me, reprise d’Unsane qui figurait déjà sur la compilation « Shattered, flattered and covered », brulôt chaotique s’enflammant en à peine plus de deux minutes qui leur va comme un gant. Ce n’est qu’avec le troisième morceau, The light that failed, que le duo ralentit un peu sa course folle. Mais c’est pour mieux insuffler une dose supplémentaire de tension venimeuse et lancinante. Un arpège trempé dans une réverb moite. Suspendu comme une respiration avant de replonger au coeur de la tempête, dans l’oeil du cyclone, qui finira par se dissiper pour ne laisser que des ruines et des sifflements.

Fort de ce premier méfait, le groupe tourne actuellement avec la même énergie que celle que déploie leur musique. Ils devraient passer la frontière en mai. Peut-être aura-t-on la chance de les voir par ici ?

The Turin Horse, untitled EP (Sangue Dischi, Shove Records, Vollmer Industries, Hell Comes Home, Rodomonte Dischi)

>>>>>>>>>> THE TURIN HORSE

>>>>>>>>>> SANGUE DISHI

>>>>>>>>>> VOLLMER INDUSTRIES

>>>>>>>>>> HELL COMES HOME

>>>>>>>>>> RODOMONTE DISCHI

 

Top 10 2017 discipline : Laurent Tuco

 

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Suite de l’opération Top 10 2017 avec Laurent, bassiste de cette machine de guerre qui s’appelle Tuco, dont un album devrait d’ailleurs sortir assez prochainement. Sa contribution fait partie des textes qui dépassent largement ce que j’imaginais au départ et je ne peux pas m’empêcher de repenser au projet de webzine collectif qu’il m’est arrivé d’évoquer avec plusieurs personnes, qui n’a pas vu le jour pour l’instant mais dont ces textes sont comme une esquisse…

Pas évident de faire une rétro de mes highlights de l’année 2017, tant cette année a été difficile. Après la mort de mon fils, tout juste né, en novembre 2016, je me suis retrouvé choqué, hébété, incapable d’effectuer les tâches les plus simples. J’ai passé 2017 à ré-apprendre toutes ces choses qui me semblaient évidentes jusqu’alors. Dans ce contexte, la musique, normalement si omniprésente, a disparu de ma vie durant plusieurs mois. Je n’étais plus capable de me passer un disque. Ça me paraissait hors-propos. Je n’écoutais plus rien. Ayant commencé à faire du yoga assez régulièrement, je me suis mis à passer un peu de son durant mes pratiques, d’abord des ragas indiens, puis des drones. Progressivement, j’augmentais le volume et l’effet apaisant s’intensifiait. Une chose en entraînant une autre je me retrouvais à faire une demi-heure en position inversée avec Earth 2 à plein volume. Je ressortais de ces séances comme nettoyé de l’intérieur. Du coup, j’aimerais mettre en première position de mes highlights 2017 le fait de pouvoir de nouveau écouter de la musique. Pendant un temps, je croyais ce plaisir (ce besoin) disparu, comme tant d’autres dans cette tourmente. Les quelques disques qui m’ont aidé à reprendre goût à la musique:

– LaMonte Young & Marian Zazeela « The Tamburas Of Pandit Pran Nath »: un long morceau hypnotique, en hommage à Pandit Pran Nath, un maître des ragas indiens traditionnels. Un disque instrumental, avec comme uniques instruments des tamburas. Un disque à écouter au casque, ou à haut volume, avec du temps devant soi afin de pouvoir apprécier toutes les modulations et les micro-variations qui font vivre le morceau.

– ‎Earth « Earth 2 »: un véritable classique. 70 minutes de saturation abyssale. Ce son massif écrasant érode le mental et finit par l’annihiler complètement, laissant la place à un sentiment d’espace, de légèreté.

– ‎Terry Riley « Persian Surgery Dervishes »: près de 90 minutes de vagues d’orgue électrique. Construit à partir de simples motifs très courts tournant en boucle, quelques éléments de thèmes font leurs apparitions cà et là, laissant l’auditeur dans un état de confusion et de perte de repères.

J’ai eu la chance de pouvoir assister à quelques concerts qui m’ont marqué: – Oranssi Pazuzu – l’Usine, Genève. Dans le cadre des Doom Days, les Finlandais d’Oranssi Pazuzu m’ont foutu une claque monumentale. Après avoir écouté en boucle leur dernier album (Värähtelijä) à sa sortie et les avoir vus dans des conditions pas optimales au Roadburn, je savais plus ou moins à quoi m’attendre, mais ils ont quand même réussi à m’exploser le cerveau avec leur mélange improbable de black metal et de space-rock.

– Enslaved et Ulver – Impetus, Les Docks, Lausanne. Depuis mon adolescence et la sortie d’Eld (en 1997), j’ai toujours eu un faible pour Enslaved et je les ai toujours suivi de près ou de loin. En une heure de concert, ils ont réussi la performance assez improbable de ne jouer aucun morceau de mon top-15, mais de me faire apprécier chaque minute du concert, ce qui en dit long sur la qualité de leur répertoire. En plus, il faut dire que c’est un peu le groupe le plus sympa-bonnard sur scène, zéro prise de tête, contents d’être là, drôles, c’est rafraîchissant. Ulver, pour moi c’est resté ce groupe de black qui a sorti le sauvage Nattens Madrigal en 1997, c’est dire si je suis à la page. Quand je me suis rendu compte qu’il n’y avait même plus de guitare et qu’ils commençaient à envoyer des tracks à la Depeche Mode, je me suis dit que je n’allais pas faire long feu. Bizarrement, la sauce a commencé à prendre et je ne sais plus trop ce qui s’est passé, mis à part que c’était fort, rythmique, bruitiste, expérimental, agréable, et que j’en voulais davantage à la fin du concert.

– Acid Mothers Temple – RKC, Vevey. Difficile de ne pas être un peu blasé avant d’aller voir un groupe qu’on a vu une bonne dizaine de fois. A vrai dire je me suis bougé uniquement car c’était à moins de 10 minutes de chez moi et qu’un pote m’a tanné le cul durant plusieurs semaines. Et c’était monstrueux. Comme chaque fois j’ai envie de dire. Ce groupe c’est de la drogue. En fait, à chaque fois que je les vois, je me dis que c’est le meilleur groupe sur Terre.

Quelques disques de 2017:

– Bell Witch « Mirror Reaper ». Un disque touchant, de deuil. Des parties funeral-doom mélodiques et maîtrisées qui alternent avec du slowcore chanté à la Low. Un disque vraiment beau.

– Elder « Reflections of a Floating World ». Du sludge progressif de haut niveau. Je les avais vus en live sans les connaître en 2015 et je m’étais pris une jolie claque. Avec ce disque, ça va assez loin, mais ils arrivent toujours à s’arrêter avant l’indigestion.

– Ulver « the Assassination of Julius Caesar ». Un disque très pop. J’aurais pensé détester mais en fait j’adore.

– Quicksand « Interiors ». Je ne l’ai pas encore beaucoup écouté, mais merde, un nouvel album de Quicksand !

– Power Trip « Nightmare Logic ». Un disque de thrash 80s fun, catchy et complètement assumé. J’adore la track « Executioner’s Tax ».

Disques de 2017 que je n’ai pas encore (assez) écoutés :

– Amen Ra « Mass IV »

– All Pigs Must Die « Hostage Animal »

– Converge « The Dusk in Us »

– Spectral Voice « Eroded Corridors of Unbeing »

Unsane « Sterilize »

– Whores. « Gold »

– Full of Hell « Trumpeting Ecstasy »

– Ex Eye « Ex Eye »

>>>>>>>>>>>> TUCO

Tuco, EP

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Rétropédalage de grande ampleur pour cette chronique d’un EP autoproduit sorti en… 2010. En même temps, le groupe de Duillier (Suisse) a lui-même pris un break de plusieurs années entre-temps avant de revenir aux affaires et puis, après tout, on s’en tartine, non ?

Quatre titres qui, de toute façon, méritent amplement le coup de rétroviseur. Coulés dans le même plomb, la même matière brûlante sortie du studio de Serge Morratel. Batterie poid-lourd dépassant rarement le mid-tempo, grondements de basse ferrailleuse et guitare abondant dans la distortion et la dissonance. Noise-hardcore dans le sillon d’Unsane, forcément sanglant. Même si leur référence c’est plutôt Keelhaul, d’où ils tirent leur nom.

Mais n’allez pas croire que la musique de Tuco est monobloc ou que leurs morceaux soient interchangeables. Au contraire, sous des dehors bas du front, ça ruisselle de variations finaudes, d’idées poussées dans leurs retranchements et de rebondissements. Numb et son riff poussé inexorablement en guise de longue intro, jusqu’au coup de turbo stoner speedé génial. Point. Line. Plane., Looters et leurs gros riff ventrus se mariant avec des arpèges grinçants, dans une conception toute neurasthénique de la mélodie, bien propre au noise-rock.

C’est d’ailleurs une constance chez Tuco, cet alliage de puissance et de passages atmosphériques. Mais attention : ici, le muscle reste bandé. Pas de tentation post-hardcore blafarde, ni de chute dans le doom cafardeux. Et, dieu merci, Tuco n’est pas un groupe instrumental de plus. Même dans The Beef patrol, une voix finit par se frayer un chemin entre les rouages de la machine, une voix exaspérée, semblant lutter avec le manque d’air, qui donne à la musique du groupe comme un air de parenté avec Pord. Autres tailleurs de pierre avec les dents mais situés côté français, dans les Cévennes.

Bref, en un mot comme en cent, Tuco frappait avec ce premier EP un putain de grand coup. Et c’est donc avec un plaisir non-feint qu’on voit le groupe reprendre du service et encore plus préparer un nouveau disque, prévu quelque part courant 2017.

 

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« Punk porn » (Tuco, Orso, Cocaine piss – Undertown,16 déc.)

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Ouh la la la, mais c’est que Drone to the Bone nous proposait ce soir-là un petit concert avec trois groupes variés comme on aime, avec en plus une pincée de folie noise plus qu’aguichante. Hop hop hop, on se presse à l’Undertown, très chouette salle située près de l’aéroport de Genève, malgré le brouillard à couper au couteau.

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Le son net et précis servait de belle manière le hardcore massif de Tuco, bloqué sur un tempo lourd, piéton et poisseux,

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Alternance de voix, cassée, hurlée, au bord de l’apoplexie (j’adore utiliser ce mot mais, en vérité, je suis pas sûr qu’il soit médicalement très approprié) pour Laurent, le bassiste, plus tendues et sombres pour les deux autres.

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Tuco, c’est de la belle mécanique, lourde, massive et cependant bien huilée , réagissant au quart de tour. Un disque, album ou autre, devrait voir le jour quelque part en 2017 et il est attendu de pied ferme.

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Avec Orso, la cavalerie est de sortie. C’est pas moins de 3 guitaristes qui s’alignent sur scène en plus du bassiste. Pas de chant, par contre. On sent bien chez ce groupe la volonté de faire une musique différente, bâtie sur autre chose que l’inusable couplet-refrain, en un mot quelque-chose de « post ». Et cette musique à la fois puissante et planante propose ses moments intéressants, dans lesquels l’instrument qui ressort le plus est finalement la batterie et ses variations.

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Mais par contre, elle est si est si monobloc, si monocorde et linéaire, qu’elle peine quand même à susciter l’émotion. Chez moi, en tous cas. Coup dans l’eau. Ou alors il y a quelque chose que je n’ai pas compris, ce qui est tout à fait possible.

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Cocaine piss arrive de Belgique avec une jolie réputation d’un des groupes les plus dingues du moment sur scène. Et, de fait, il se sera passé pas mal de trucs fous pendant leur concert court mais intense. Entre le punk en roller qui déboule tout-à-coup la scène sans crier gare pour sauter par dessus les retours et le gars qui débitait ses cours de russes au micro, ça n’a pas manqué de rebondissements.

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Mais le plus taré de tout, c’était certainement la musique du groupe. Punk-hardcore speed estampillé années 80*, traversé de drôles de soubresauts noise, sur laquelle la voix de la chanteuse rajoute une bonne couche de folie**. Une bonne fée punk a dû se pencher sur le berceau de ce groupe parce que la première fois qu’on l’entend cette voix a tendance à hérisser le poil et puis, au final, faut bien avouer que ça fonctionne à mort.

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D’autant plus que la chanteuse incarne cette folie, passant un bon moment du concert dans le public ou à terre. Les (assez nombreux) photographes et cameramen présents ne s’y trompaient pas, qui suivaient le moindre de ses mouvemens pour saisir un instant de « punk porn » (2.0). C’était un peu étrange, mais faut dire que ce groupe a quand même tout ce qu’il faut pour faire la prochaine couverture de Maximum rock’nroll (si c’est pas déjà fait, d’ailleurs ?!?) Et quoi qu’il en soit que ça fait du bien de voir un groupe pour lequel un concert c’est un peu plus qu’une pure performance musicale. RRAAAAAAAAAAAAHHHH GGGGGGGRRRRRRRRRRR PUUUNNKK YYEESSSSSSSSSSS !!!!

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*Un peu à la manière de Youth avoiders, excellent groupe vu il y a peu à la Makhno.

**De manière vraiment similaire à The Sloks, excellent groupe vu récemment à Annecy. C’est marrant les coincidences.