« E tutti noisy quanti » (Sloks, Thee Sweeders, Nurse – La Spirale, 30 sept.)

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Même lieu, même affiche que lors du concert mémorable de 2016. A un nom près puisque Nurse remplaçait What the fuck? Pourquoi changer une équipe qui gagne ?

La Spirale est une petite salle associative, un endroit différent qui fleure bon le do it yourself. Gérée par les groupes, on peut y boire un coup, rencontrer les groupes bien sûr et acheter les disques de la scène locale.

C’est Sloks qui ont ouvert les hostilités. J’attendais avec une certaine impatience de les revoir en concert et de rencontrer ce groupe interviewé par mail l’an dernier. Ils étaient visiblement ravis de leurs trois jours de tournée dans les environs et bien décidés à ne pas laisser une miette aux chiens.

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Le rock’n roll est mort de puis longtemps mais Sloks en ont clairement rien a foutre. Leur musique est faite pour réveiller les morts de toutes façons.

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Ces rythmiques martelées, cette guitare abrasive et les incantations déchirées d’Ivy Claudy aux allures d’exorcisme, tu crois que c’est pour quoi ?

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On retrouve avec plaisir leurs morceaux qui suintent la hargne en roue libre.  « Close the door », Use me »… Use me Use me / And abuse me / I can take / even more !

Le trio jouera aussi quelques nouveaux morceaux, plus groovy selon leurs dires. J’avoue que je n’ai pas fait suffisamment attention pour vraiment le remarquer.

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L’album à venir, qui devrait sortir sur le label suisse Voodoo rythm records, permettra de se faire une idée plus précise. Claudy nous racontera les circonstances assez marrantes de sa rencontre impomptue avec Reverend Beat-Man, suite à un concert d’après-midi peu mémorable.

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Les locaux de l’étape, Thee Sweeders prennent la suite avec leur rock tendu, moins mélodique que dans mon souvenir. La voix rappelle même quelque chose de Motorhead.

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Ils seront rejoints par un copain pour une très chouette reprise de Gun club. « The house on highland ave », je crois.

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Après cette série de concerts avec Sloks, ce serait chouette que cette collaboration transalpine prenne la forme d’un disque partagé. Et apparemment, il se pourrait bien que ce souhait devienne réalité un jour. Hé hé.

Et c’est à Nurse qu’il revient de clore la soirée. Vus pour la deuxième fois en peu de temps, mais on ne s’en lasse pas.

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Malgré la fatigue – dans Nurse, y’en a toujours un qui arrive explosé – leur émo-rock fievreux et sensible fait son effet. Sur le public comme sur le groupe, pris d’instants de folie. C’est bien la première fois que je vois un guitariste essayer d’attaquer son batteur en plein concert.

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Certains ambiances ciselées, fragiles, flirtent presque avec la pop, mais vibrent toujours de suffisamment d’intensité pour ne jamais vraiment y toucher. Le groupe varie les atmosphères, essaye des trucs, des plans osés, sans jamais se perdre et en restant toujours lui-même.

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Et pour terminer, un petit live qui a été fait deux jours avant, lors du concert de Sloks à Urgence disks, à Genève.

>>> SLOKS

>>> THEE SWEEDERS

>>> NURSE

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« Plaisir d’offrir, joie de recevoir » (Catalgine, Nurse – Bistro des Tilleuls, 16 sept.)

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Le Bistro des Tilleuls est un bar historique – pour ne pas dire mythique – d’Annecy, qui a récemment réouvert avec une nouvelle équipe aux commandes. Les murs couverts d’affiches et jaunis par les années tabac témoignent de l’histoire de l’endroit.

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Les copains de Nurse nous avaient emmenés dans leurs valises et c’était génial de jouer dans ce lieu.

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Notez la pub pour les clopes à l’arrière-plan.

Forcément, la place était pleine de rockeurs qui connaissent leur affaire et qui te font des retours pointus à la sortie du concert, sur le son ou la ressemblance avec tel groupe obscur du début des années 90. La classe.

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Nurse, comme à leur habitude, ont été fantastiques et sexy. Je dis pas ça au hasard, hein, mais bien après recueil de témoignages auprès d’un échantillon représentatif du public, notamment féminin. Faut un minimum de déontologie, tout de même.

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Le groupe a fini d’enregistrer son premier album, qui devrait sortir dans un avenir pas trop lointain. Ils semblent avoir encore affiné leurs parties mélodiques, dansantes, parfois presque groovy, qui alternent avec des passages plus chaotiques et bruyants bienvenus. Nurse fait monter la chaleur.

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Ils seront à la Spirale le 30 septembre avec Thee Sweeders et Sloks, le groupe de turbo-garage italien furieux dont on peut lire l’interview dans ces pages. Quant à nous, on joue le 13 octobre à la Brasserie pirate, avec deux chouettes groupes : Disco-boule et Don aman.

Faut venir, c’est la fête.

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>> CATALGINE

Grimheart

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Ce blog/site/zine est réalisé par Alain, anciennement guitare du groupe de hardcore annecien Bloc. Il mériterait bien le nom de fanzine puisqu’il s’agit en fait d’une sélection personnelle de groupes, triés sur le volet, la crème de la crème, et présentés dans une petite bio et discographie commentée dans le détail, accompagnées de quelques photos et vidéos.

La tonalité d’ensemble est plutôt post-hardcore, la jonction tumultueuse où se mèlent les courants – hardcore, crust, émo, métal, math et j’en passe des encore plus rigolotes – avec un groupe comme Converge en figure de proue. Pas de locaux dans ce top du hardcore d’aujourd’hui et un seul groupe français (pas que ce soit important en soi, mais bon) : les inoubliables Amanda woodward.

Plein de ferveur ardente, fait par un connaisseur, cette initiative peut être utile pour découvrir de nouveau groupes, par curiosité, ou pour celui qui aurait loupé un wagon à un moment donné. On a le droit de décrocher. Un seul regret : qu’il soit alimenté avec parcimonie. Mais en même temps, l’avantage d’internet, c’est bien que chacun publie au rythme qui lui va, aussi souvent ou aussi rarement qu’il lui plait.

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« Punk au chapeau » : une interview avec Olivier Lowlight (PART 1)

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Impossible de ne pas l’avoir déjà croisé à un concert punk, rock ou hardcore, où sa silhouette dégingandée occupe souvent une place du premier rang. Sans compter qu’il trouve le moyen de jouer dans pas moins de quatre groupes et de s’occuper de Lowlightconditions, son site de photos de concerts. Ce type est-il humain ? Une chose est sûre, en tous cas, Olive est un hardcore punk-rocker et un activiste de longue date de la scène annecienne. Je lui ai donc envoyé quelques questions. Vu son agenda de candidat en campagne poursuivi par la justice, ça a pris un petit bout de temps mais les réponses sont finalement là et chaque ligne vaut dix fois les semaines d’attente. L’interview sera publiée en deux fois en raison de sa longueur. Enjoy !

Peux-tu nous présenter les groupes dans lesquels tu joues et nous parler un peu de leur actualité ?

C’est parti !

Je commence par le plus ancien : Fuck Da Tourist. Le groupe se définit comme de l’anarko punk’n’roll, comme ça nous avons notre case pour être classifié et rangé : paroles engagées et influences hardcore des 80’s / rock’n’roll. Le groupe s’est formé en 2000. Mais il existait une « proto version » en 1995/96, sans nom, dans laquelle officiaient déjà trois membres, le canal historique comme nous le définissons, ha ha ha!

Je ne vais pas te faire la généalogie parce que il faudrait bientôt une page complète mais pour l’instant nous sommes cinq : Laurent à la batterie, Cyril à la basse, Cédric à la guitare rythmique et moi à la guitare lead (façon de parler). Et pour finir Manon au chant. Elle nous a rejoint récemment et elle est la cinquième personne à prendre le poste. Pour l’instant nous répétons des anciens morceaux, des nouveaux arrivent petit à petit. Nous avons déjà fait quelques concerts et ça s’est très très bien passé. Ce groupe a sorti deux albums et donné quelques morceaux pour diverses compilations à buts militants. Un rythme très lent au niveau de la production, un album pour 2024 ?

Passons à What The Fuck ?! C’est du garage dans le style Crypt Records ou In The Red Records, donc très basique, punk quoi ! On y trouve Jab (ancien Fuck Da tourist) à la batterie et au chant, Pedro et moi aux guitares. Parfois je me colle au chant (hum hum…).Pas de basse.

Notre projet le plus immédiat est d’enregistrer enfin un album (2017?) après bientôt 14 ans d’existence et un seul 45 tours split avec Jack Burton. Oui, encore un rythme très lent. Les changements de rythme de vie (enfants, travail…) expliqueraient en partie tout ça. Mais nous sommes toujours partants pour les concerts.

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Ensuite vient Smutt, un groupe de Punk’n’roll efficace, aux textes engagés, parfois non. Formation à cinq membres qui a débutée en 2012/13 : Oliv à la batterie, Jim et Ben aux guitares, Mouss (ancien Fuck Da Tourist) au chant et pour finir moi à la basse. Nous avons enregistré sept titres chez Big Balls Studio et ils devraient atterrir sur différents supports : un 45 tours disponible dès maintenant pour la modique somme de 5 euros, un split 45 tours (reste à trouver l’autre groupe…) et peut-être une compilation.

Comme les deux groupes précédents (et celui qui suit), le but premier, tout du moins pour ma vision du truc, c’est de jouer partout où c’est possible.

Et pour finir Thee Sweeders, le groupe le plus récent, que j’ai rejoint en 2016. Je ne sais pas trop comment nous définir, peut-être du garage 60’s, mais version années 2000? Tout ce que je sais c’est qu’avec ce groupe, je me suis bien mis dans la galère puisque je suis à l’orgue électrique… Et je ne sais pas du tout jouer du clavier. Je ne suis déjà pas un grand bassiste ni un grand guitariste, mais alors le clavier… Donc j’apprends en répète, sur le tas, car je n’ai qu’un seul orgue. De toute façon, je ne joue déjà pas de basse ou de guitare chez moi, ça ne change pas grand chose à mon incompétence musicale.

Ce groupe est composé de Flo à la Batterie, Nox à la basse, Guibs à la guitare et au chant, et pour finir moi avec mon orgue électrique GEM Joker 61 de la fin des années 70.

Nous avons un set de 40 minutes avec deux reprise (Murder City Devils et Gun Club). Ca s’étoffe petit à petit. Nous avons fait quelques concerts qui se sont très bien passés. Les gens me posent même des questions sur mon son d’orgue car ils le trouvent intéressant, comme quoi la technique on s’en branle…

Avec autant de différents projets, t’arrive-t-il de te mélanger les pinceaux, de confondre les morceaux ?

Les groupes ne se ressemblent pas, même si tous ont pour trait commun une approche punk, j’utilise divers instruments pour faire du bruit, et surtout je ne suis pas encore sénile donc ça va, je ne mélange pas tout.

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Je crois que tu as environ 40 ans… A ton avis, qu’est-ce que le punk-rock peut encore apporter aujourd’hui ? Et à toi, qu’est-ce qu’il t’apporte ?

Ca va faire 26 ans que j’ai 15 ans. Rien de grave.

Le punk-rock n’est qu’un genre musical, une des multiples évolutions du rock’n’roll. Il n’amènera aucun changement ou aucune révolution dans la société actuelle où tout est digéré, assimilé et rendu obsolète en un temps record. Dans les années 70, ça a sûrement été une petite révolution et les maisons de disques ont flairé le truc en signant des groupes de punk-rock. Il ne faut pas croire que c’est l’industrie de la musique qui impose ses goûts aux consommateurs. L’industrie de la musique repère ce qui plaît, fait du marketing et le propose ensuite au consommateur lambda, souvent jusqu’à l’overdose. Et le consommateur lambda aime se gaver de merde. Tu n’as qu’à constater ce qui cartonne.

Je suis conscient que c’est bien plus complexe que ça et que ma vision est un peu caricaturale et simpliste, ce que tu retrouves souvent dans le dogme du punk-rock. C’était déjà dénoncé par Jello Biafra à l’époque des Dead Kennedys avec le morceau Chickenshit Conformist où il explique clairement que la scène punk est centrée sur elle-même et qu’elle ne changera jamais rien, que le punk rock mérite de mourir car il répète les schémas qu’il était censé combattre. Et relisez aussi les paroles de Nazi Punks Fuck Off, ça ne parle pas spécialement des nazis, mais d’un état d’esprit proche du fascisme dans le punk-rock.

L’industrie musicale se plante parfois, même souvent, personne ne sait comment faire un tube, et il existe de très bonnes choses sur les majors. Mais, encore une fois, j’ai l’impression que c’est la soupe qui gagne, que le consommateur lambda n’a pas envie de chercher, d’explorer, et cela malgré internet qui est un « endroit » formidable pour découvrir et apprendre. Quand j’écoute Built To Spill ou Radio Birdman au boulot, je ne suis pas très sûr que ça plaise à mes collègues, mais tant pis. Après tout je dois subir Radio Nostalgie en contre coup. Donc pour le consommateur lambda, qui est majoritaire, le punk-rock n’amène rien, c’est un genre musical à aimer ou détester, point barre.

L’une des premières fois où le mot punk est employé pour définir une attitude et un genre musical, c’est dans les notes de pochettes des « Nuggets », sortie en 1972 par Leny Kaye, qui compile des groupes garages et psychés des années 60. Ces chansons parlaient surtout des désirs, des frustrations et des expériences d’adolescents, ce n’était qu’une variation du rock’n’roll des années 50. Nombre de groupes proto-punks (ce néologisme n’est pas de moi!) ont été influencés par cette approche primitive, hédoniste et parfois pessimiste, les Stooges étant pour moi le meilleur exemple.

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Le MC5 est peut-être le premier groupe à y mêler une vision politique.

Donc je résume, le punk-rock, je le définirai comme étant :

1 – une catégorie, une case parmi d’autres pour l’industrie musicale, les réseaux sociaux (ou pas) et le consommateur lambda.

2 – une tentative d’appliquer le principe du D.I.Y. des Hippies. Et souvent une approche élitiste et snobinarde, ce qui va à l’encontre des principes d’ouverture d’esprit du punk, on n’en est pas à une contradiction près…

Ma vision du punk correspond à ma deuxième définition.

J’aime des groupes tels que les Ramones, The Clash, Nirvana ou The Strokes mais mon admiration va toujours vers des groupes tels que les Pagans : des groupes underground (ce qui parfois n’est pas forcément la volonté des groupes, ah ah ah !), sortant leur musique sur leurs propres labels parce qu’il n’y a rien d’autre, par exemple les groupes hardcore (au sens large) de la fin 70’s/début 80’s. Les Dead Kennedys étant un de mes groupes cultes, si ce n’était pas déjà évident, ah ah ah !

Une chose intéressante c’est que le punk n’est pas forcément rock. Tout peut-être mis à la sauce punk : le blues, la musette, le ska… Donc le punk est un excellent moyen de découvrir, d’être curieux. Le D.I.Y. c’est aussi la littérature, la peinture, le graphisme, le cinéma, la mode… C’est un état d’esprit qui a poussé un adolescent ayant un fort penchant pour le bizarre, l’étrange, à être curieux et à plus se cultiver tout en restant un peu en marge, et en le vivant très bien. Je parle de moi. Je n’étais plus seul. D’autres personnes un peu bizarres se bougeaient et faisaient avancer leurs petits mondes à elles tout en ayant rien à battre de l’opinion des autres.

Cependant j’avoue que dernièrement j’ai perdu un peu de ma curiosité, je suis un peu déconnecté et plus très au courant de ce qui se fait. Je continue à acheter des disques, moins qu’avant. Moins de livres et moins de DVD. Les finances y sont pour quelque chose. Et j’ai surtout passé une année à remonter ma vieille Vespa, donc j’ai lu de la revue technique et visité du site de pièces détachées. Maintenant je répare des amplis guitare, des platines vinyle, et j’achète des pédales d’effets en kit, à monter soi-même, ce sont mes nouveaux passe-temps… Tout en écoutant de la musique, évidemment, mais moins de nouveautés, c’est certain.

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J’imagine que tu connais plutôt bien la scène d’Annecy, qu’est-ce qu’il s’y passe en ce moment ?

J’ai commencé à trainer sur la scène annécienne vers 1995. Je restais avec des potes à glander dans Seynod, ville dortoir. On n’imaginait même pas qu’il pouvait se dérouler des choses sur Annecy, donc j’ai manqué ce qui s’est passé au début des années 90.

Comme partout, des groupes se forment et d’autres splittent. En ce moment je n’entends pas parler d’un groupe qui envoie le pâté et dans lequel il y aurait des jeunes Par jeunes, j’entends 15/25 ans. Bon après, peut-être qu’il y a un effet générationnel dans le punk-rock aussi, les jeunes ne s’intéressent pas aux vieux, et réciproquement. Et puis le punk n’est qu’une phase de la vie, non ? Donc il est normal que moins de monde vienne au concert des vieux groupes, ah ah ah! Ceci dit il y a Anarmada, du punk d-beat fait par des jeunes, mais plus trop jeunes non plus.

Des lieux ouvrent, d’autres ferment. Aujourd’hui il reste surtout des bars : le Bistro des Tilleuls (où tu as aussi des soirées littéraires), Le Chicago, La Brasserie Pirate. Des lieux plus alternatifs ont, ou vont cesser toute activité : La Machine Utile (encore que, on ne sait jamais si ce lieu est vraiment mort…), l’Alterlocal. Il y a un squat qui a ouvert récemment à Rumilly, et eux se bougent pas mal, les concerts ont lieu le dimanche après-midi. Et ça draine du monde, surtout pour un dimanche. Mais ils commencent à être emmerdé(e)s.

Pour en revenir à Annecy, j’ai l’impression que c’est un peu mort. Sauf pour les groupes célèbres, qui n’ont pas trop de mal à remplir le Brise Glace. Je me répète mais le punk rock n’est qu’un genre musical…

En même temps ça n’a jamais été très vivant, on reste dans une petite ville, les passionné(e)s et les militant(e)s tournent en vase clos, comme depuis toujours. Il faut faire avec une politique culturelle catastrophique, J’ai le sentiment qu’Annecy se transforme de plus en plus en ville 5 étoiles.

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What the fuck?! à la Spirale en septembre 2016

Peux-tu nous dire une chose positive et une chose négative à propos de la scène d’Annecy ?

Annecy étant une ville à l’esprit petit bourgeois bien étriqué, tout du moins c’est l’impression qui en ressort, si tu t’intéresses tu as vite fait de connaître tous les gens valables, et vite fait d’écarter les poseurs, les m’as-tu-vu.

La scène underground est petite et au niveau musical, c’est très incestueux. Les gens jouent dans pleins de groupes, ou projets comme on dit, ah ah ah ! Et tu as une sincérité et une humilité, c’est vraiment appréciable, tu ne retrouves pas cet état d’esprit de merde qui caractérise l’Annécien(ne): péter plus haut que son cul. Et puis ça bouge quand même bien, malgré le manque de moyens. Tu peux toujours te faire prêter une sono ou un ampli pour dépanner. Mais comme partout en France, ça manque un peu de lieux pour jouer. Comme dit plus haut, il y a quelques bars, mais en général « le sens de la fête » est limité par la présence du voisinage. Si tu ne joues pas trop fort, tu as l’Amnésie ou Chez Dudu. Un autre problème est le prix des loyers : si tu veux essayer de monter une structure indépendante pour ne pas dépendre de la politique culturelle locale, il faut bien tout calculer parce que le prix de la location ou de l’achat d’un local va être considérable.

Et pour finir, il manque un groupe de post-hardcore, un truc à la Cult Of Luna. Si des gens motivés lisent ces lignes…

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Quelle est ta vision d’une scène indépendante ? Penses-tu que les punks devraient complètement refuser tout ce qui touche au capitalisme ou à l’état (codes-barres, circuits de distributions culturels classiques, promotions, subventions, etc.) ou es-tu plus « cool » ?

A partir du moment où tu vends quelque chose, c’est du commerce, donc du capitalisme, ah ah ah ! Raccourci à la con. Comme je l’ai déjà longuement expliqué plus haut, je me méfie des dogmatismes, il est trop facile de simplifier les choses et d’en faire une règle : ça c’est de la merde parce que c’est sur une major, ça c’est bien parce que c’est sur un label indé… On ne peut pas nier la subjectivité et les goûts de chaque individu.

Donc chacun fait comme il le sent, personnellement mon but est l’échange. Pour autant que je sache, aucun des morceaux des groupes dans lequels je joue n’est enregistré à la SACEM, et aucun des disques n’arbore un code barre.

On a joué dans des squats, des salles subventionnées ou pour des associations. Pas d’apolitisme évidemment, soyons clairs, mais pas d’extrémisme non plus. Et je me fais souvent cette réflexon : jouer du punk et avoir un discours plolitisé dans un squat, c’est facile. Quand c’est pour une fête de village, une kermesse ou un festival de MJC, c’est là que ça devient super dur. Tu réalises que 99% des gens s’en branlent de ton discours politisé, ah ah ah ! Ils veulent juste danser et s’amuser, « pis la sono est pourrie, on comprend pas les paroles… »

Je sais que je suis très très mauvais commerçant, j’ai tendance à donner les choses, les disques de mes groupes ou mes photos de concerts… Mais après tout, c’est le but. Pourquoi garder tout un stock de disques dans une cave ? Je préfère les donner et me dire que éventuellement la personne l’écoutera une fois rentrée chez elle. C’est comme ça qu’il y a des disques de Fuck Da Tourist un peu partout dans le monde, hé hé hé…

Pareil pour les photos, si le groupe veut utiliser une photo pour son site ou pour une pochette, pas de problème. Je ne demande qu’un exemplaire du disque, c’est tout. Je ne mets jamais de copyright. Ce n’est pas moi sur la photo, c’est le groupe.

Par contre il existe une chose qui me rebute et dont je n’arrive vraiment pas à comprendre l’utilité, c’est Facebook. A quoi ça sert réellement ? Si tu revendiques un minimum de créativité, si tu te prétends quand même un peu artiste, tu te fabriques un site, ou tu demandes à un(e) pote graphiste de le faire.

J’arrive bien à faire une espèce de site de photos alors que je n’y connais rien.

Et puis Facebook n’a jamais drainé plus de monde dans les concerts, enfin je n’espère pas…

Fin de la 1re partie.

Fuck da tourist

Smutt

What the fuck?!

Thee Sweeders

Lowlightconditions

Punk ain’t no religious cult
Punk means thinking for yourself
You ain’t hardcore ’cause you spike your hair
When a jock still lives inside your head
Nazi punks
Nazi punks
Nazi punks, fuck off!
Nazi punks
Nazi punks
Nazi punks, fuck off!
If you’ve come to fight, get outta here
You ain’t no better than the bouncers
We ain’t trying to be police
When you ape the cops it ain’t anarchy
Nazi punks
Nazi punks
Nazi punks, fuck off!
Nazi punks
Nazi punks
Nazi punks, fuck off!
Ten guys jump one, what a man
You fight each other, the police state wins
Stab your backs when you trash our halls
Trash a bank if you’ve got real balls
You still think swastikas look cool
The real nazis run your schools
They’re coaches, businessmen and cops
In a real fourth reich you’ll be the first to goYou’ll be the first to go
You’ll be the first to go
You’ll be the first to go
Unless you think
Dead Kennedys, « Nazi punks fuck off »

Nevraska : l’art du bruit

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Ça pourra paraître sûrement un peu niais de commencer comme ça, mais peu importe : faire l’interview de Nevraska est un vrai bonheur. Parce que les deux musiciens sont aussi accessibles et passionnés que leur musique urgente et sincère le laisse supposer, d’abord. Ensuite, parce qu’eux-mêmes parlent du bonheur de cette nouvelle aventure sonique. Leur concert au Brin de Zinc à Barberaz a été l’occasion de les questionner sur la génèse de leur premier album, Grave Romance.

Sur votre site vous évoquez un peu votre façon d’écrire et vous dîtes que vous avez jeté autant que construit. Comment ça marche l’écriture chez vous ?

Pascal : Quand on dit « jeter », c’est tout le parcours qu’on a eu, déjà. Avant d’arriver à Nevraska, j’ai monté trois ou quatre groupes. J’ai essayé des styles, j’ai essayé des mecs. Quand on dit « jeter », c’est que ça marchait pas. On n’avait pas le feeling. Il y a des choses qu’on a gardées en nous pour Nevraska et il y a des choses qu’on a jetées parce qu’on a vu que ça marchait pas. C’est ça qu’on appelle « jeter ».

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Pascal, Nevraska (© Elsa Dumoulin)

Et le centre du truc pour Nevraska, c’est que le feeling est là. Donc je propose un riff, je le fait écouter à Cyril, tout de suite on tapote dessus, on essaye. Si ça nous convient tout de suite, on approfondit. Si on ressent pas quelque chose de suffisant, on essaye de le faire évoluer. Et on a quelques riffs, on avait senti un truc mais finalement c’était pas suffisant.

Et à chaque fois que j’amène un truc, il faut que tous les deux on ressente exactement la même chose. Si on ressent ça, c’est qu’on se fait mutuellement confiance et que ça va être bien. Et on garde.

Il y a un morceau qui m’a particulièrement frappé sur votre disque, c’est « Kollapse ». Trois petites notes que vous faîtes évoluer, avec un roulement de caisse claire assez épique à un moment. Comment s’est écrit ce morceau-là ?

P : Moi j’avais en tête un truc un peu à la Botch, voire à la Breach, pour ce morceau. Peut-être que ça n’a rien à voir mais c’était cet environnement dissonnant… D’ailleurs, entre nous on l’a appelé « Breach » pendant longtemps…

Cyril : C’est pour ça qu’on l’a appelé « Kollapse » avec l’orthographe suédoise !

P : Et donc à chaque fois, c’est la même chose : on improvise sur le riff, on essaye de voir si on ressent la même chose et puis on agrémente . C’est pour ça que tout de suite derrière, il y a un espèce de blast. On s’est dit « ça va être drôle, ça ». Et c’est marrant parce que ce morceau divise les gens : c’est carrément pour ou carrément contre. Certains le trouvent monstrueux et d’autres disent que c’est celui qu’ils aiment le moins.
C : Il y a le petit riff qui groove. Serge Moratel nous avait dit : ça fait très Chicago.

C : C’est d’ailleurs le seul morceau qu’on a joué sans clic. Sur celui-là, le métronome empêchait le feeling de sortir.

P : Avec un peu de bouteille, on se dit que c’est bien d’essayer d’étirer les riffs pour bien qu’on soit dedans. C’est le travail qu’on essaye de faire : d’étirer…

C : D’exploiter au maximum…

P : Ouais, d’exploiter un autre rythme, une autre note qui va avec le riff ou qui va en amener d’autres. Et puis le but c’est de bosser à la sensation, au ressenti, donc effectivement on fait tourner. On essaye de voir ce qu’on ressent.

C : Le plus simple, pour un musicien, c’est d’enchaîner des trucs. Le plus dur c’est d’exploiter un riff et d’en faire quelque chose. La plupart des grands morceaux sont basés sur un riff et puis un bridge et puis voilà. En tous cas, exploiter un riff et arriver à en faire quelque chose qui se développe, c’est balèze. C’est certainement plus complexe que de fonctionner avec des méthodes et des chapitres, des plans.

P : Il y a des groupes qui le font très bien. Mais moi, mon gros problème depuis toujours – enfin, là, ça va mieux – c’est ça : j’ai un riff, j’ai un riff, j’ai un riff… Dans tous les groupes, c’était ça. On a plein de riffs. Putain, on en a trop ! Mais on a quand même une sensation de pas assez ! Et là tu te dis : on a mille riffs et on a une sensation de pas assez ! C’est juste fou !

C : Et ça, en fait, c’est le fait de rentrer dans un concept musical qui t’empêche de faire autrement. Ah non, on peut pas faire groover un truc parce que ça va pas faire métal !

P : Et nous comme on n’en a rien à foutre ben, du coup, on s’en fout ! Et même ça nous fait rire de mettre le blast alors qu’on partait sur truc hyper lent et ensuite sur un truc groovy pour filles qu’apparemment certains n’aiment pas.

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Cyril (© Elsa Dumoulin)

Et donc, j’imagine que ça ne vous arrive jamais d’avoir une idée et de vous dire « Ah non, ça, c’est pas pour Nevraska ».

P : Surtout pas ! Nevraska, c’est quoi ? On le dit depuis le début, Nevraska, c’est rien, on n’en a rien à foutre, on fait ce qu’on veut. Comme c’est rien, faisons tout !

C : Il peut y avoir des problèmes d’approche. On peut se dire « Ah, ça, on connaît pas. On a jamais exploité ce genre de choses. » Mais le but, c’est de se libérer.

P : Et ce qui nous fait plaisir, c’est qu’en live, comme en album maintenant, on a ce même retour les gens nous disent « On se fait jamais chier, zique après zique. Il y a tout le temps un petit truc différent. » J’ai eu deux ou trois retours personnels où les mecs me disent « Généralement, sur un album on zappe deux ou trois morceaux et surtout sur un album de potes où c’est plus petit niveau, et là, on écoute de A à Z. » On est contents. C’est ça qu’on veut pas perdre. Demain, on peut faire un truc hyper lent ou bourrin. Un groupe, c’est l’empreinte que tu donnes. Ça serait complètement fou de se dire on fait tel ou tel style, surtout à notre niveau…

Votre album s’intitule Grave Romance, d’où vient ce nom ? Il évoque un univers un peu folk…

C : Grave romance, c’est des histoires anglaises sur des thèmes presque macabres, je dirais. Plusieurs personnes sensibles nous ont dit qu’on avait l’impression d’écouter une histoire avec des passages qu’on pourrait interpréter comme une rencontre, un accident, etc. Il n’y a pas vraiment de chant qui explique tout ça donc c’est juste de la musique, une image. Mais c’est pas dans un sens sucré ou hyper positif : on fait pas de la musique populaire ou très gaie. Mise à part « Kollapse » peut-être un peu ! (Rires)

P : Moi dans « Grave romance », j’aime le mineur/majeur. C’est beau, puis c’est triste, puis c’est beau et triste et puis tu sais plus. J’aime tous ces groupes qui font ça. Genre Microfilm. J’ai adoré ce groupe parce qu’ils ont des riffs et des thèmes et des harmonies… T’as envie de pleurer et puis t’as envie de rire à la fois. Je trouve ça très beau.

Je pense que c’est peut-être un truc de notre génération, qui s’est beaucoup développé avec l’émo, le hardcore à tendance émotionnelle…

C : Ouais, Neurosis.

P : Et puis le screamo. Moi c’est pour ça que j’ai beaucoup aimé le screamo à une époque. Il y avait des trucs très beaux et ça pouvait être bourrin en même temps.

Pour en revenir au groupe, comment le fait d’être deux influence votre musique, voire votre façon d’être sur scène ?

P : C’est deux choses différentes. Niveau musique, être deux, ça simplifie. Et encore, on n’est que deux mais parfois on passe des heures à dire non…, mais si…, mais je crois que…, mais non…, etc.

Et puis, être deux ça vous laisse plus d’espace à chacun, aussi…

C : C’est peut-être plus simple en termes de décision mais par contre ça demande beaucoup plus de travail. Moi sur mon instrument je développe plus qu’avant, j’ai les samples à gérer, un peu de chant – chose que je n’avais jamais faite auparavant. Ça demande du boulot et niveau mise-en-place, concentration, c’est pas tout de suite que tu deviens à l’aise.

P : C’était pas le but qu’on commence à deux et c’est vrai que c’est à double tranchant : il y a un espace qui se libère mais faut le compléter. Avec un jeu plus fourni, des pédales, des samples. Donc ça se réfléchit encore plus.

C : T’as plus ton guitariste pour te dire « Je vais te faire ces petits sons, là ». C’est à toi de les trouver…

P : Ou, tout simplement, t’as plus ton guitariste qui te fait un truc et tu te dis « Ah ben voilà, ça sonne »

Plusieurs chroniques que j’ai pu lire parlent du dialogue très dynamique entre vos deux instruments…

P : Ça se fait naturellement…
C : Enfin, ça s’est pas fait en une semaine, hein ! Il a fallu presque un an avant qu’on ait cette complicité. On avait jamais joué ensemble avant, mine de rien ! On commence à avoir un bagage mais Il a quand même fallu un temps d’adaptation…
P : Et en plus on est parti sur une base très simple, saine : on s’amuse et on verra bien ce que ça donne. Et, petit à petit, on s’est dit « Ah, c’est plutôt pas mal ! »

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(© Elsa Dumoulin)

Et par rapport à votre son, quelle idées vous aviez ?

P : Je te pose une question : est-ce que, en écoutant l’album, tu ressens les lives ?

… Ouais je retrouve quelque chose…

On a travaillé à mort avec Serge Morattel mais l’idée c’était vraiment de retranscrire ce qu’on fait en live. Amélioré bien sûr, mais je voulais pas qu’il y ait un différence où ça fait waouh et en live : bof. Au début , « Tomoe Gozen » et d’autres, je les faisais sans disto, en vrai basse-batterie, et puis après il faut enrichir alors le naturel revient au galop donc tu te dis on va y mettre un coup de pêche, un coup de disto…
Et j’ai fait évoluer mes pédales en même temps que le groupe évoluait. J’ai jamais été trop pédale en tant que bassistes et puis là je me suis éclaté. Je réfléchissais. Je me suis dit je vais peut-être faire deux réseaux, gratte et basse, pour amener plus… Donc le son s’est fait comme ça, en même temps que l’évolution du groupe, pendant un an et demi…

C : Arrivés chez Serge Moratel, ça a été un sale cirque. Ils ont revu pleins de choses…

P : Même si tu veux ressortir la même chose en répète et en live, ça sortira différent au final. Du coup, il faut « tricher » pour s’efforcer d’avoir le même rendu en studio. Ça n’a pas été facile.
Sur certains trucs ça sortait pas du tout comme je voulais, il y avait une espèce de latence dégueu, très différente du jeu en live. Ça le faisait pas, comment on peut faire ?

C : L’ingé-son doit rentrer dans son monde à lui, se mettre à sa place, avec son matériel. C’est pas évident, je voyais bien qu’on lui posait problème parfois. C’est parfois très long pour faire un son.

Et là, vous n’êtes pas restés longtemps, en plus ?

C : Non, on était pris par le temps ; on est restés une semaine en studio. On a du prolonger de 3 jours, en coupant la poire en deux avec Serge Moratel.
P : On avait 8 jours et on avait commencé par faire des re-amp de basse. On s’est rendu compte que ce n’est pas ce qu’il fallait.

On s’est mis d’accord, et j’y suis retourné pour tout redoubler et là on a pris tout un week-end à se demander ce qu’on voulait pour chaque partie de chaque morceau, quel ressenti on veut lui donner, et là ça a pris tournure, d’autant qu’on mettait encore d’autres effets lors des prises. On a retravaillé chaque passage.

Il a été disponible et le travail était intense

C : Il était content, je pense, mais il s’est un peu tiré les cheveux. C’était une découverte un peu pour chacun et le temps prévu initialement n’était pas suffisant pour ce projet.
P : On avait fait « Nébula » et « Lirü » dans un état de grâce, enregistré en 20 minutes et mixé en une journée. Mais ce rythme-là, c’était impossible à tenir sur un album.
C : Serge Moratel a dit qu’avec le recul, il était impressionné. Il a posté sur facebook spontanément pour présenter Nevraska, ce qui n’est pas son habitude.
P : C’est un amoureux de la musique, il sort pas un truc qu’il n’aime pas de son studio.

C : On a trop bien fait d’aller le voir !

Est-ce qu’il y a un titre dont vous êtes particulièrement fiers sur cet album ? Ou que vous aimez particulièrement ?

P : Fier, non, mais pour moi, celui qui qui rassemble tout, c’est « Reason to claim ».
C : J’adore « Runaway », il est un peu à part… Il est simple et il a quelque chose de pétillant et qui passe bien.

Sur « Alkaline », il y a un plan qui fait presque electro, avec la batterie linéaire, ça ressort carrément.

P : Ben là, pareil, on s’est dit : on aime bien le dub, on va se faire une ambiance dub à la Nevraska !
P : Et lui, il (Serge Moratel NDLR) a agrémenté avec un ampli qui apportait un grésillement en arrière-plan derrière la disto, il nous a dit « Bon les gars, vous faîtes quand même du noise, hein ! On laisse ! ».

Par rapport à la pochette du disque, est-ce que l’aspect visuel est important pour vous ?

P : On avait très peu de temps, c’est ma copine qui a fait le premier jet et je l’ai terminé. On était étonnés par la côté végétal.
C : On sort du stéréotype du groupe math-rock – quoique la tendance au végétal gagne un peu mais c’est pas fait exprès. J’ai trouvé sympa la coupure qui suit les lignes du logo, juste ce qu’il faut. On s’est un peu pris la tête pour la couleur…
P : Faite rapidement, mais je la trouve magnétique et c’est le plus important.
C : Une pochette qui donne pas envie laisse présager la même chose pour la musique.
P : Une pochette exprime un ressenti du groupe, comme la zique en fait. Enfin, je crois….

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(© Elsa Dumoulin)

Quelles sont les esthétiques auxquelles vous êtes sensibles ? Quelles sont les pochettes ou les groupes dont l’esthétique vous ont marqués.

C : Les pochettes de Converge, par exemple, très expressives. Il y a vraiment un travail artistique, c’est pensé… Après, parfois les pochettes toutes bêtes font de l’effet aussi.
P : Moi, je serais plus attiré par le côté minimaliste.
C : Je pense qu’il faut essayer de s’amuser avec tout, faire des pochettes qui n’ont rien à voir avec les anciennes ou les prochaines. C’est bien le changement, je change constamment les breaks de batterie. Je m’ennuie, sinon.

Qu’est-ce qu’on peut attendre de vous à l’avenir, en termes de projets et en termes musicaux ?

P : On va défendre l’album, déjà, on a déjà quelques dates pour le début d’année sur Walk the line. Et d’autres salles cool à venir…
C : On espère qu’avec l’album il va se passer quelque chose… On est preneur de pouvoir tourner plus…
P : Clairement, on manque de temps pour démarcher autant qu’on le voudrait…

P : Musicalement, ben, on a plein d’idées…
C : On cherche un peu à sortir de l’album…
P : Là, on a fait un morceau qui n’a rien à voir…. On va la faire ce soir, histoire de voir un peu ce que ça donne. Elle est un peu spéciale. Pour moi, c’est limite du Pink-Floyd math-rock (Rires) !

C’est toi qui t’occupe des samples, Cyril ?

C : J’essaie de m’adapter techniquement, et de m’y mettre un peu pour créer, mais Pascal est plus avancé que moi.
P : Cyril a amené l’idée des chants bulgares dans « Nemesis »…
C : J’ai mis des heures à faire ce qu’un mec qui sait ferait en deux minutes mais bon c’est comme ça que tu apprends…
P : Le morceau initial avait un riff jazz au milieu et l’ensemble ne marchait pas, ça a fini par donner au final deux des titres de l’album « Dux Bellorum » et « Nemesis ».
P : Au final elles ont chacun leur identité.
C : « Dux Bellorum », C’est une entrée en scène. C’est comme un souffle qui avance, progressivement.

Comme vous êtes un groupe très actuel, j’avais envie de vous demander trois groupes ou musiciens qui représentent pour vous le rock d’aujourd’hui et que vous nous conseilleriez ?

P : Moi je trouve ça très bien de faire des choses comme ça , j’aimerais qu’il y ait bien plus de groupes qui partagent leurs goûts. Comme tu nous avais dit « rock » et « actuel »…
C : Ah merde, y’avait « rock » et « actuel » ?
P : …et ben :
- Electric electric Sad Cities Handclappers, c’est ce qui m’a fait chavirer dans le Math-rock
- Mouse on the Keys : un groupe japonais qui te font du math-rock piano batterie. Je m’en suis jamais remis…
- Lite : Phantasia
Après, il y en a plein d’autres : Doppler…
C : Moins math rock : Candiria Beyond reasonnable doubt – le batteur a été une grosse influence. Converge…. Eighties Matchbox B-line Disaster : le premier album est énorme. Simple, direct mais il fallait le faire. Et puis, si je vis vieux, je pense que « It’s me god », de Breach, restera toujours près de moi…

TBTWMUHF, « Sweet sleeping flow »

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Les Anneciens de The beauty the world makes us hope for, déjà auteurs d’un LP, ont publié un nouveau titre sur leur bandcamp. 5″34 pour ce Sweet sleeping flow, par les temps qui courent ça fait presque format court et c’est rien à côté des deux titres de leur album, tournant à plus de 10 minutes.

Petits motifs fragiles se répétant, d’abord timidement, puis s’affirmant avec de plus en plus de confiance, jusqu’à éclore dans de grands accords ouverts.

Le morceau est construit sur une longue montée (plus ou moins) dramatique, comme il se doit dans ce post-rock à guitares et à cymbales, mais qui n’ira jamais vers l’explosion, préférant bifurquer, tomber brusquement à genoux pour se remettre en marche ensuite.

Le groupe reste fidèle à son parti-pris de douceur, baignant sa musique dans une réverbe cotonneuse, propice au rêve éveillé, comme un moment de lumière rasante de fin de jour.

The beauty the world makes us hope for, une certaine idée du bonheur.

https://tbtwmuhf.bandcamp.com/

 

Nevraska, sous haute tension

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Grave romance (Gabu asso, Urgence records, En veux-tu? En v’là !)

Les choses dans l’ordre. Après une première démo déjà bien aguichante, le duo basse/batterie annecien Nevraska a poncé, poli ses morceaux lors de tournées à répétition et sur le moindre bout de scène locale qui lui est tombée sous la main. Jusqu’à les graver, tout beaux, tout chauds, sur les sillons d’un vinyle, produit par le groupe et une poignée de petits labels indépendants.

10 titres qui font bloc, trempés dans le même bouillon d’un noise-rock émotionnel et urgent. Enregistrés au Rec studio de Serge Morattel, garant d’un son ferrailleux et d’une ampleur titanesque. Riffs sous haute tension, qui tournoient et se chargent d’électrons jusqu’à l’implosion. Mathy noise-rock, comme disent les américains. Ou noisy math-rock. Dans les parages sombres et haletants de Doppler. Pour situer.

Mais Nevraska, c’est bien plus qu’une simple histoire d’étiquette ou d’influences. Comme il le dit lui-même, le duo ne ferme la porte à aucune source d’inspiration. L’ouverture de l’album, Dux Bellorum, rappelle que les deux musiciens officiaient plutôt dans des combos post-hardcore. Malta s’autorise un groove presque fusion et le break d’Alkaline pourrait rappeler une ligne d’électro, avant qu’il ne s’enflamme dans un gros riff noise – quelle classe, ce genre de morceau, où un groupe sait habilement fondre un riff typé dans sa musique, qui fait son effet presque à l’insu de l’auditeur. Le duo distille les ambiances, appuyé par des samples assez présents sans pour autant être envahissants, jouant parfois le rôle du chant (magnifique Liru) ou osant des contrastes qui rappellent les expérimentations de Human side, le groupe précédent de Pascal. Nemesis et ses choeurs. Les petites notes désolées de Tomoe Gozen, posées délicatement sur une succession de riffs survoltés… Une musique mature, qui ne joue dans aucune chapelle. Et c’est bien dommage, ça aurait de la gueule.

Impossible ici de regretter l’absence d’une quelconque six-cordes – mais qui oserait ? Les deux instruments mènent un dialogue serré. Basse qui fait feu de tout bois, maniant autant le riff frontal et compact, le coup de butoir que les tensions mélodiques, lorsque ce ne sont pas les variations d’une batterie particulièrement inspirée qui prennent le dessus. Le duo s’autorise à peine à ralentir le rythme sur Kollapse, qui, curieusement, est un des morceaux les plus marquants, sur l’album comme en concert. Trois petites notes tristounettes prenant peu à peu de la vigueur, jusqu’à vibrer d’énergie et même – mais oui, mais oui – de joie, puis disparaissant sur une descente de piano, fondu au noir de grande classe pour un morceau atypique et attachant.

Enveloppés dans une pochette au premier abord un peu froide, mais finalement cohérente avec l’esthétique sobre, toute en clair-obscurs, que le groupe s’est choisie, ce premier album est donc bourré jusqu’à la gueule de morceaux qui respirent l’expérience mais aussi la fraîcheur des premières fois. Pas mal pour un groupe qui avait commencé comme une ultime tentative de deux « ex » un peu désabusés. Sacré coup, même.

https://nevraska.bandcamp.com/

« Riot garage à l’étage » (What the fuck?, Thee Sweeders, The Sloks – La Spirale, 17 septembre)

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On continue la découverte des lieux alternatifs d’Annecy. Parfois, je me fais l’impression de faire le (fuck da) touriste de la scène annecienne, mais bon, comme les gens sont sympas et qu’ils me parlent, ça va.

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Située dans les replis d’un parking souterrain, La Spirale c’est une petite salle qui permet à une poignée de groupes de répéter et, à l’occasion, d’organiser des concerts, moyennant âpre négociation avec les voisins.

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What the fuck? est un trio batterie et deux guitares, il y a pas de basse mais, eh, mec ! On s’en fout, on joue du garage ! On pourrait taper sur des bidons, en fait. Bref, après quelques titres de chauffe, leur set s’électrise et c’est parti. Donne-moi du riff  jurassique. Donne-moi du tatapoum épileptique.

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Le batteur-chanteur a une voix de redneck morveux, tandis que celle d’Olive à la guitare est plus hargneuse. What the fuck? défendent fièrement les couleurs du wild garage rock’n roll, avec un son plutôt puissant et granuleux.

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C’était le premier concert de Thee Sweeders, un groupe où on retrouvait Olive de What the fuck? (mais dans combien de groupes ce type joue-t-il ?), visiblement tout excité d’étrenner ici son orgue sur scène.

sweeders 2.JPGThee Sweeders oeuvre également dans une veine rock’n roll, mais avec moins de gras sur la couenne que WTF ?, je dirais. Compos ciselées, chant aux mélodies tendues, rythmiques métronimiques. Une science de l’écriture classe… Ca donne envie d’en écouter plus.

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The Sloks viennent de pas très loin, de Turin, et le trio propose une version encore plus squelettique de l’orchestre – batterie, guitare, voix. Mais c’est ce groupe minimaliste qui offre clairement la version la plus tarée du rock garage ce soir.

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Si les riffs sont typés, le groupe envoie tournoyer sa musique loin, loin, loin de la rengaine couplet-refrain-couplet -pont-refrain. Un peu de la même manière que leurs compatriotes siciliens des Spritz, j’ai trouvé, bien que ceux-ci aient même pas de chant et que probablement ce soit assez différent. La chanteuse aux yeux exorbités débite de longues exhortations, où l’on sent qu’il n’est pas question de sujets jolis-jolis. Râle. Viande saignante encore chaude. Nerfs en spasmes.

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Slam christ

Toute à beugler ses histoires de souffrance, elle semble parfois se foutre royalement de ce que jouent ses compères, et toute la musique du groupe fonctionne sur ce décalage hypnotisant. Oublie le rock. Oublie le garage. Oublie tes étiquettes. Je sais pas ce que c’est. Je sais pas si c’est de l’art. De la thérapie pour cas ruinés ou quoi que ce soit, la seule chose que je peux te dire, c’est que c’est vivant. Et que c’est bon.

Bref…  Y se passe des trucs bizarres dans les parkings souterrains d’Annecy la nuit, moi je vous l’ dis…

Devriez faire gaffe….

PS Merci Cédric pour le disque.

« Jour de Koller » (une conversation avec Lou Koller de Sick of it all)

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Comme son groupe, qui joue avec la même ferveur devant des milliers de personnes ou pour quelques fans regroupés dans une salle, Lou Koller, chanteur-hurleur de Sick of it all, ne fait pas de différence entre les questions d’un petit fanzine ou celles d’une grosse télé. Même simplicité, même franchise. Même entrain pour faire connaître et défendre la musique et la scène de New-York. L’occasion était donc trop belle, lors leur passage à Annecy pour la tournée anniversaire des 30 ans de SOIA, de causer un peu avec ce morceau d’histoire du New-York hardcore.

Cette interview est dédicacée à Wladi et à Megablast Limoges.

Quelle est votre relation au sport ? Les groupes de New-York hardcore sont connus pour être plutôt costauds….

Exact, tout le monde est très athlétique ! Mais je suis le plus fainéant de toute cette scène ! Dans le groupe, mon frère Pete, c’est du non-stop. En tournée ou hors-tournée, il s’entraîne sans arrêt ! Greg s’entraîne aussi mais, quand on est sur la route, Pete est le seul à faire des exercices tous les jours. Moi je déteste ça, c’est trop chiant ! Mais bon, j’ai la chance d’avoir toujours été mince. Le seul truc dont j’ai besoin, c’est l’endurance. A chaque fois, quelques semaines avant de partir en tournée, c’est du genre : Eh merde, on repart en tournée, faut que je fasse quelque chose ! Et je me mets à courir et à faire des exercices. Juste un peu, je devrais en faire plus mais j’ai un petite fille de 6 ans et ça me fait bien déjà courir. Par beau temps, on est toujours dehors et même en hiver on sort jouer dans la neige, dans la boue, peu importe !

D’où est-ce que ça vient, cette prééminence du sport et de l’entraînement, dans la scène hardcore new-yorkaise ?

De la période des squatts, au tout début. On squattait dans des quartiers maintenant très agréables mais qui étaient vraiment dangereux à l’époque, avec pas mal de gangs de rues. Les gens d’Agnostic front et des Cro-mags vivaient dans des squatts et les gangs pouvaient arriver à n’importe quel moment pour les chasser du lieu. Et puis, ils y vivaient, réparaient le batîment, bricolaient l’électricité, en plus de faire face aux gangs. Je pense que c’est une idée que les gens se sont faites à partir des premières photos d’Agnostic front, des Cro-Mags ou même de Murphy’s law, qui étaient tous bien costauds. Tout le monde était à fond dans les arts martiaux…

Puisqu’on parle de la scène new-yorkaise, j’ai toujors eu l’impression que le NYHC c’était pour une part être fier de l’endroit d’où on venait, de sa communauté. Est-ce que c’est vrai et, à ton avis, d’où ça vient ?

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Hmm…, je ne sais pas si c’est quelque chose de propre à New-York. Avant il y avait la scène de Boston qui avait sorti la compil « This is Boston not L.A. » et je crois qu’ils étaient fiers de l’endroit d’où ils venaient, eux aussi. Au tout début, New-York était coincée entre la grande scène hardcore de DC et celle de Boston. Bien sûr, on avait notre propre scène mais au début elle n’était pas très connue à travers le pays. D’où la fierté lorsqu’elle a acquis davantage de reconnaissance. Nous, on a eu de la chance, quand on est venu pour la première fois en Europe en 1992, le travail de fondation avait été fait par des groupes comme Agnostic front ou les Gorilla biscuits, qui n’étaient pas très connus mais qui se démenaient pour faire un maximum de tournées. Et tout le monde se demandait « Cest quoi ce nouveau style, le New-York hardcore ? » On a vraiment eu de la chance, parce que quand on est venu, tout le monde était intéressé par le hardcore de New-York. Et donc, on s’en est réclamé parce que c’est de là qu’on venait aussi. Parfois les gens disent « Vous êtes les rois du New-York hardcore » mais nous, on veut être les rois de rien du tout ! On voudrait être les ambassadeurs du New-York hardcore. On a ouvert pour des groupes de métal, pour Slayer, pour Exodus, on a tourné avec les Bosstones (Mighty-Mighty Bosstones, ska-punk NDLR) parce qu’on veut que le monde voit ce qu’on aime. Donc, je ne pense pas que ce soit propre à New-York. C’est comme le foot : les gens sont fous de l’équipe de leur ville mais ils soutiennent aussi leur équipe nationale.

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A ton avis, est-ce que c’est lié aussi à l’origine sociale des gens investis dans la scène hardcore ? Quelque chose de lié à des origines ouvrières ?

Les origines des gens étaient assez variées. Surtout une fois que la scène est devenue assez connue, elle a attiré pas mal de gamins. Moi par exemple, je viens de la banlieue, du Queens où la scène punk et hardcore était énorme. Les Ramones venaient de là-bas et des groupes comme Murphy’s law et Leeway aussi. Une bonne partie des membres de Reagan youth venaient du Queens. Puis, on a tous migré vers Manhattan, où se passaient vraiment les choses. Même là, c’était « Sick of it all, les mecs du Queens » et puis c’est juste devenu le hardcore de New-York. C’est étrange mais oui, je dirais que ça a à voir avec la culture ouvrière. Mais bon, il y en a qui venaient de familles aisées, comme les mecs de Youth of today, qui étaient du Connecticut – Youth of today, un groupe emblématique du New-York hardcore !

Vous jouez dans beaucoup de gros festivals maintenant. Est-ce que vous jouez souvent dans des salles plus petites et qu’est-ce que tu préfères ?

J’aime les deux ! J’aime vraiment le défi de jouer dans de gros festivals, d’essayer de capter l’attention de 10 ou 20 000 personnes et de les ouvrir à ton style de musique. Mais les clubs c’est parfait, tu sais que c’est 90 % de fans et que ça va être l’éclate. Sur une tournée comme celle-ci, on fait 3 petits concerts, puis le Hellfest, le Graspop et retour aux petits clubs.

Donc vous n’êtes pas frustrés de plus petites salles ?

Non, non, pas du tout. L’année dernière, on a joué au Secret spot (Je crois qu’il s’agit en fait du Secret place NDLR) à Montpellier. La scène était minuscule et le concert incroyable. Des gens juste devant toi, qui te rentrent dedans. Génial.

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Ma prochaine question nous fait pas mal remonter dans le passé. Je me rappelle que vous aviez fait un débat à la radio de l’université de New-York* avec les gens de Born against, tu t’en rappelles ?

Ha ha ha, tu parles si je m’en rappelle !

…et j’ai lu que, même si vous n’aviez pas la même vision des choses, tu étais d’accord sur certains points. Je me demandais sur quoi exactement ?

Mais je l’avais dit même à ce moment-là ! Je comprenais ce qu’ils voulaient dire mais ils refusaient de comprendre notre point-de-vue ! Dans Sick of it all, à l’époque, on bossait tous et certains d’entre nous travaillaient et allaient à l’école en même temps. Et ils nous disaient « Vous devriez fonder votre propre label ! » Putain, quand est-ce que j’aurais eu le temps ? Faut que je paye le loyer, que j’aille au boulot, j’ai pas le temps de faire un label ! Peut-être, avec le recul, qu’on aurait dû créer notre propre label, peut-être qu’on aurait dû tout faire nous-mêmes, on aurait probablement gagné beaucoup plus d’argent ! Peut-être… on sait pas ! Mais bon, on travaillait toute la semaine et le vendredi on empilait le matos dans le van, on conduisait 5 ou 10 heures : concert. Le samedi : concert. Le dimanche : concert. Retour à la maison le dimanche soir. Lundi matin : retour du matériel, et direct au boulot. On a fait ça pendant des années ! Alors, quand quelqu’un est venu et nous a proposé de sortir nos disques, on a dit oui, bien sûr. Mais je comprend ce qu’ils voulaient dire… Tu sais, c’est marrant parce que, des années après, l’un d’entre eux, je ne me rappelle plus qui, a dit dans une interview « On avait nos convictions et ils avaient les leurs mais, hey, Sick of it all continuent à jouer et ils tournent plutôt pas mal donc je suppose qu’ils ont gagné. » Mais gagner, c’était pas le but ! C’était plutôt de comprendre les points-de-vue de chacun !

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A propos de New-York, c’est une ville qui avait la réputation d’être très violente autrefois et qui est aujourd’hui présentée comme une des plus sûres des Etats-Unis, qu’en penses-tu ?

C’est vrai dans une certaine mesure. Il y a toujours du crime mais ça a bien diminué. Mais c’est à double-tranchant : ils nettoient la ville mais elle perd beaucoup de sa personnalité. Une ville cool n’est pas obligée d’avoir des dealers à chaque coin de rue, des agressions et des gangs, mais ce sont les grosses entreprises qui ont pris la place. Il y avait beaucoup de petits restaurants (« Mom and pop restaurants » NDLR) et maintenant c’est beaucoup de grosses chaines et moi, j’en ai rien à foutre de ce genre de trucs. Je vais très rarement à Manhattan aujourd’hui, je vis dans le New-Jersey. Je vais dans le Queens, à Brooklyn, mon ancien quartier, c’est toujours comme avant. J’ai de bons amis qui ont vécu dans leur appartement à Brooklyn pendant des dizaines d’années et qui ont été obligé de partir plus vers l’extérieur parce que le quartier s’embourgeoise (« is getting gentrified » NDLR). C’est ça le progrès, je suppose (rires).

Si tu avais un ami qui venait à New-York pour la première fois, quels sont les endroits que tu lui conseillerais ?

Je pense que je conseillerais toujours Manhattan. Même si c’est bizarre parce qu’aujourdhui je connais des magasins de musique hors de New-York qui sont bien meilleurs que ceux de Manhattan. Vers le Bronx, il y a un endroit qui s’appelle Hastings-on-Hudson et il y a un magasin de disques, Clockwork records, tenu par un gars qui était dans la scène. Il était toujours avec nous et son magasin est un des meilleurs de New-York ! Mais bon, il y a toujours la boutique New-York Hardcore Tattoos et encore quelques magasins de disque dans le centre mais en ce qui concerne les clubs, tu ne peux pas te tromper avec le Webster hall, l’ABC No Rio qui fait toujours des concerts hardcore en sous-sol… Mais ils déménagent bientôt, le bâtiment a été acheté.

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As-tu un groupe français préféré ?

Un groupe français ? Oh… Je les connais pas assez… On en voit tellement… (Il cherche, il cherche…) Ah, j’aime Black Zombie Procession ! On les a rencontrés l’autre soir, ils nous ont donné des CDs et c’était vraiment bien ! Super crossover !

Vous avez pas mal de morceaux aux influences punk-rock. Est-ce-que c’est une direction dans laquelle vous allez vous diriger de plus en plus ?

C’est quelque chose qu’on joue depuis des années et des années ! Depuis le tout début même, dans le premier album : Friends like you, Give respect étaient influencées par le punk et la Oï qu’on adore, tout comme le harcore et le métal ! Les gens nous disent souvent : vous devriez écrire plus de titres avec des choeurs comme Stepdown ou Die alone et d’autres veulent plus de trucs lourds comme Scratch the surface. On vient de faire un nouvel EP pour le 30e anniversaire, 5 morceaux, plus orientés lourd, mais avec des refrains Oï. Donc ça reste toujours avec nous ! Les gens nous disent : regardez Hatebreed, c’est que du lourd et toute la salle devient dingue ! Mais nous, en concert, on a des supers réactions sur nos morceaux lourds et quand on fait nos singalongs, la salle explose ! Et ça, on pourra jamais s’en passer ! Mais je vois ce que tu veux dire… Pete écoute de plus en plus de punk, je sais pas si c’est parce qu’il vieillit… C’est un peu flippant : parfois il joue des trucs, je lui demande ce que c’est et en fait c’est des nouveaux morceaux vraiment punk. Mais quand il arrive au studio, il a toujours plein de riffs lourds aussi. Moi, je préfère les trucs lourds ! (rires)

Je pensais à Agnostic front, en fait, qui ont l’air d’aller de plus en plus dans cette direction…

Le truc avec Agnostic front, c’est que « Victims in pain » est tellement un classique. Pour moi, c’est ça Agnostic front. « Cause for alarm » était bien mais c’était un tel changement. Ils sont comme nous, des dizaines d’années à trouver le bon équilibre entre le lourd et les influences plus punk. « One voice » était un super disque et puis ils ont quasiment viré total street-punk et c’était classe. Et ils se sont remis à faire des morceaux plus lourds et je trouve que ça fonctionne bien aussi. Nous aussi, on a eu des périodes, plus punk-rock quand on était sur Fat Wreck, puis plus lourd… Mais bon, je crois qu’aujourd’hui, on est revenu à ce qui nous convient le mieux !

 

* Ce débat opposait entre autres des membres de Sick of it all à ceux de Born against, qui prônaient une approche beaucoup plus politique et radicale de la musique, refusant de fontionner à l’interieur du capitalisme. En France, Born against et la philosophie Do it yourself radicale inspireront notamment toute une scène autour de Stonehenge records.

Les photos de cette interview sont l’oeuvre de Karine, merci ! Cette interview est une collaboration avec le chouette webzine Rictus.