« From Italy / with noise » (Thee Sweeders, Sloks – Bistro des tilleuls, 22 fév.)

C’était le 22 février dernier – déjà – au Bistro des Tilleuls et c’était le grand retour de Sloks, le sauvage trio turinois qui, au fil de leurs incursions de ce côté-ci des Alpes, sont devenus des habitués, puis des copains.

Ce sont les locaux de Thee Sweeders qui faisaient office de première partie. Si tant est qu’on accorde un quelconque crédit à ce genre de conneries.

Sauf que, pour eux, chauffer la salle signifie sans doute faire transpirer jusqu’aux néons. Rock’n roll haletant, avec une touche sixties apportée par l’orgue strident d’Olive, mais aussi un côté garage et sale avec les grosses guitares de Slim.

Gilles a rejoint le groupe au chant pour de bon, pas juste sur la poignante reprise du Gun club. Le quintet a enregistré des morceaux donc il y aura peut-être du nouveau dans un avenir proche.

Il n’y a rien de mieux que les groupes qu’on découvre par hasard, au détour d’un festival ou autre, et dont la musique vous capte malgré vous alors qu’on ne s’y attend pas. Et c’est exactement ce qui m’est arrivé avec Sloks. Avec deux concerts incendiaires à la Spirale et un premier album qui réussissait le tour de force de capter la folie pétaradante du trio, autant dire qu’ils étaient attendus de pied ferme.

Pas de Peter Chopsticks derrière les fûts cette fois-ci, forcé de rester à Turin, mais un batteur de remplacement métronymique qui faisait plus que le job. Et il ne faut pas bien longtemps pour que la folie Sloks infuse.

Guitare crépitante qui sent la braise, bloquée sur un monoriff qui leur vaut l’adjectif « no-wave ». Chevauchées rythmiques binaires et sauvages immuables. Et la crise de nerfs vocale non-stop orchestrée par Ivy Claudy – dont j’avais jamais réalisé à quel point elle a quelque chose de typiquement italien. Ce groupe a juste trouvé la formule exacte pour débrancher le cerveau. Et je ne suis pas le seul atteint, si j’en crois la transe épileptique incontrôlable qui en saisit certains dans le public.

L’intégralité de l’album y passe, plus quelques autres tubes inflammables. L’après concert est l’occasion de prendre quelques nouvelles. Après un concert avec John Spencer – qui voulait les emmener en tournée – le trio part sur la route du sud de la France et de l’Espagne.

Il est plus que temps que le monde découvre Sloks !

PS Les photos d’Olive Lowlight/Sweeders, qui rendent bien compte de la folie du concert, sont visibles ici.

 

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SLOKS – Holy motor LP

SLOKS à plein régime. Après un 10″ numérique et un 7″ hautement inflammables, les Turinois gravent dix brûlots dans la chair tendre d’un vinyle. Enregistré au Swampland studio à Toulouse, ce premier LP balaye immédiatement toute pseudo-interrogation sur la capacité du groupe à tenir la longueur. Le son frappe d’entrée, plus spacieux, plus tranchant que sur les enregistrements précédents. Sans pour autant trahir le côté crade et totalement déviant du groupe – au contraire, la distortion est omniprésente. Parasite, sifflante, grésillante, elle s’infiltre et infecte la moindre parcelle du son. La bête est lâchée.

Les ritournelles rock’n roll échevelées et imperturbables de Buddy Fuzz – comme James Dean nonchalant au volant de sa bagnole lancée plein gaz en direction d’un ravin dans La fureur de vivre. Ou alors le gars qui zigouille des zombies la clope au bec et l’air blasé. Chantons sous la pluie, sifflotons dans le chaos alors que tout s’écroule autour de nous. La batterie, uniformément punitive et viscérale. Et la voix d’Ivy Claudy, lamentable, magnifique, tour à tour menaçante, geignarde ou hystérique et toujours sur le point d’éclater en sanglots ou en imprécations maniaques. La machine SLOKS tourne à plein et vomit un rock’n roll primal et flippant. En ouverture de l’album, One up est sauf erreur le seul titre non-inédit, puisqu’on le trouvait déjà sur l’EP éponyme. Mais cette version sauvage et speedée est pleinement justifiée. Certains morceaux restent dans cette veine rock’n roll enlevée et orgiaque (Lost memory, Tuning radio) tandis que d’autres (Holy motor, Jazz is dead, la fin de One Up) plongent dans quelque chose de plus sombre, de plus vicieux, dans les parages du noise-rock de psychopathe de Brainbombs. Voire ralentissent franchement le tempo comme le délicieux Rat. Répétitif, torve, sournois à souhait. Rhaaaaa, lovely – clairement mon morceau préféré du disque.

Ce fond de désespoir mis en musique rétro crée une sorte de théâtre tout en réverbération flippante et couches de fuzz mutantes, où les émotions sont exacerbées et pathétiques, et qui évoque un autre grand groupe de rock’n roll expressionniste, les Cramps. Le turbo-garage de SLOKS ne déçoit en rien et prend au contraire une dimension encore plus malsaine, plus désespérée et cynique et belle. Reverend beat-man ne s’y est pas trompé qui, après avoir vu le trio par hasard une après-midi de festival, s’est écrié qu’il allait signer immédiatement sur son label Voodoo rythm records un groupe italien incroyable avec une chanteuse suicidaire – dont il compare la performance à la Lydia Lunch des débuts. Vous savez donc ce qu’il vous reste à faire, se ruer de toute urgence sur cet album essentiel. En attendant la tournée qui devrait nous heurter de plein fouet dans quelques mois.

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