« Au firmament du bourrinage » (Deathcode society, Céleste – Brise-Glace, 19 janv.)

La réputation et l’aura sombre qui entoure Céleste poussait à passer les portes du Brise-Glace ce samedi-là, ne serait-ce que pour faire l’expérience de ce groupe à la démarche radicale. Public assez nombreux mais sans plus – étonnant dans une région où tout le monde est fan de Converge, la faute peut-être à un prix qu’à moitié convivial. Le set des lyonnais, en tous cas, s’est révélé d’une puissance et d’une lourdeur inouïes. Bon sang, j’en ai encore des frissons.

En ouverture, Deathcode society, sorte de black metal narratif et évocateur. Ambiances médiévales à la Dead can dance et murs de blast et de guitares plombées. Certainement pas mauvais mais pas exactement mon truc, les costumes et ces ambiances armées d’orques qui dévalent les montagnes pour attaquer le château du roi, ça me rappelle toujours le jour où je me suis fait coincé dans une soirée jeux de rôle à la fac. C’est arrivé qu’une fois. Par contre, est-ce qu’ils méritaient ce son en carton-pâte, inoffensif au possible ? C’était un choix de leur part, se faire passer pour un groupe de lounge new-wave cotonneux ?

Bloc d’une lourdeur hallucinante, à peine tempérée par quelques inflexions plus aériennes qui ne font que déployer encore davantage une pesanteur sans nom. L’agression sonore de Céleste ne laisse pas une seconde de répit. Cherche le sang. Garde les crocs plantés du début jusqu’à la fin sans jamais desserrer son étreinte.

Post-harcore suffocant. Black-métal malade d’agressivité et de noirceur. Des coups décisifs plutôt qu’une vaine poursuite de l’ originalité. Fondu dans la masse, coulé dans le béton. Et l’intensité émotionnelle folle de la voix, qui fait beaucoup pour la personnalité unique de ce groupe et rappelle le passé hardcore de certains de ses membres. Elle évoque d’ailleurs un des tous premiers groupes de hardcore hurlé français – vous pouvez dire « screamo » si vous parlez playmobil – : Finger print, qui apparaît presque comme un ancêtre de ce crossover black/hardcore.

Les lampes frontales rouges sur scène dans la quasi obscurité, les pochettes soignées et énigmatiques, le torrent de désespoir absolu charrié par les paroles : au contraire de 95% des groupes, qui devraient juste arrêter de se prendre en photo dans des poses risibles et d’encombrer les scènes de leurs panneaux publicitaires, tout, dans l’esthétique radicale de Céleste, touche au coeur (de pierre), interroge, marque l’esprit au fer rouge.

Etoile filante du bourrinage, Céleste.

Photos de Alain Grimheart, merci à lui.

>>>>>>>>>> DEATHCODE SOCIETY

>>>>>>>>>> CELESTE

 

Cyclamen (Urgence disks – 28 octobre)

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De passage à Genève sur la fin d’une tournée européenne, le trio du Mans Cyclamen jouait à Urgence disks, cette antre géniale où passe à peu près tout ce qui touche, gratte ou cogne sur des cordes ou des peaux.

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Difficile de pas penser à Amanda Woodward en les écoutant – et à la façon dont ce groupe a marqué le hardcore, en France et ailleurs – cet émo qui rocke, ces changements abrupts, cette façon de gueuler ou de parler et jusqu’à certains effets, certaines évocations dub, sur la guitare.

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Le groupe apporte aussi sa dose de chaos et de folie personnelle. Et des idées originales, comme le banjo sur Les turpitudes, extrait de leur dernier EP.

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Phyllis Dietrichson est putain mort

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Phyllis Dietrichson est putain mort, il y a 3 ans ou quelque chose comme ça. Formé sur les cendres de The June Ampera, du désir de faire cette putain de musique qui te brûle de l’intérieur. Un EP sorti en 2011 et un deuxième disque en split avec les américains de Dérive en 2013. Un petit tour à l’est, à l’arrache, puis un projet de deuxième, avorté.

Puis, plus rien.

Consumé.

Phyllis Dietrichson is about our hearts, our loneliness and the conviction that we have to fight again and again even if there’s no hope to win.
We are The Losers.

Depuis, un membre est parti et fait un groupe de bruit, un autre bidouille de l’électrique et boit des cafés et Ben officie dans Nurse, dont on devrait entendre parler dans un futur plus ou moins proche.

https://phyllisdietrichson.bandcamp.com/

Worst in me, « A long way home » (Bad mood records/Inhumano/Don’t trust the hype/Ashes cult)

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« A long way home » est le premier EP du quintet Worst in me, basé à Genève. La version vinyle est sortie conjointement sur plusieurs labels tandis qu’une version cassette en édition limitée était éditée par Ashes cult, micro label récent dont Xavier, le bassiste du groupe, est partie prenante.

« Living with decency », le morceau d’ouverture, donne le ton, avec une jolie partie hardcore rapide, un break sombre qui pourrait rappeler Neurosis et son riff metalcore final. Le style du quintet est en effet un dosage varié de différents ingrédients du hardcore depuis, disons, une vingtaine d’année et les 6 morceaux qui composent ce EP sont remarquablement homogènes.

On y trouve une forte composante mélodique et émotionnelle, comme sur « Profit on mankind » et son  mid-tempo presque pop-punk, ou dans « Citizen X » où la voix parlée me rappelle un morceau d’un des tout premiers groupe emocore (ou screamo, ou hardcore DIY, comme vous voudrez, on s’en fout) français : Finger print (1994…).

Mais le hardcore de Worst in me sait aussi être puissant ou lourd et travailler ses ambiances avec des parties lentes striées de guitares bloquées sur des notes suraigues, typiques du post-hardcore. Les mélodies et progressions d’accords ne sont pas toujours très originales… mais est-ce le but?

Quant à la voix, je ne peux pas m’empêcher de penser à Roger Miret d’Agnostic front tant certaines attaques sont proches. Ces intonations sont d’ailleurs assez répétitives et c’est un autre reproche qu’on peut faire au groupe.

En fait, si on devait résumer shématiquement ce disque, on pourrait même dire qu’il ressemble à ce qui se passerait si Agnostic front faisait de l’emo (la greffe peut sembler improbable, mais je dis ça sans moquerie aucune !)  Du hardcore intense, sincère et concerné, comme tout hardcore devrait l’être.

Worst in me, « A long way home » (Bad mood records/Inhumano/Don’t trust the hype/Ashes cult)

https://worstinme.bandcamp.com/