« Sonic Youth, mobylettes et album jazz de l’année » : une interview avec NURSE

Après la sortie de son premier album, à la fois attachant et impressionnant, sans parler de leurs prestations scéniques enflammées, une interview avec Nurse s’imposait. On a pris rendez-vous à leur local de répétition au Poulpe, enclenché le bouton On de la caméra et laissé filé l’enregistrement. Ben (chant), Ram (basse), Manu (guitare) et Simon (batterie) se sont prêtés avec bonne humeur au jeu de ce qui était au final plus une conversation en roue libre entre copains, un peu réécrite et recomposée pour que le résultat soit lisible et intéressant.

Première question un peu débile : votre album est sorti il y a un mois, est-ce que vous êtes contents ?

Nurse : On est contents! C’était très très long, deux ans, quasiment.

Manu : Trois ans pour composer, deux ans à enregistrer !

Pourquoi est-ce que c’était aussi long ?

Ben : J’ai mis énormément de temps à trouver mes lignes de chant. Il fallait que je digère le style qu’on avait mis en place tous les quatre. J’avais jamais écrit de chant mélodique, j’ai fait que du hardcore avant ! Et puis, il m’a fallu un an pour me trouver une technique d’enregistrement. Le studio, ça me gave. J’ai enregistré tout seul avec des enceintes. Je passe l’enregistrement. A fond – tu rentrais dans la pièce, ça faisait mal. Micro à la main, j’ai tout enregistré comme ça. C’est en prenant le temps que j’ai fini par trouver ça. Je pouvais faire ce que je voulais. J’étais pas content, je recommençais. Maintenant que je sais comment j’enregistre, je pense que ça ira plus vite à l’avenir.

A Ugine, juin 2016

Est-ce que vous pourriez me refaire l’historique de Nurse ?

Ben : Les deux garçons là (Manu et Ram) jouaient dans un groupe qui s’appelait Shivaz et moi, j’avais un groupe de fusion, Full dawa. On a commencé à se connaître sans jouer ensemble. Shivaz ont eu un mini succés local et ensuite j’ai monté un groupe de metal-hardcore qui s’appelait NFO. Eux, ils avaient un peu envie d’arrêter Shivaz. Et moi, ça me disait bien de faire autre chose que du métal. On a monté ce projet – Borefat cohesion – on a fait un petit disque auto-produit. Quelques concerts. Les gens aimaient bien. Et puis, on a voulu enregistrer un nouveau truc. Sauf que le batteur est pas venu. Du coup, ça s’est arrêté.

Manu : Et le jour même, j’ai appelé Simon.

Donc ça, c’est l’ancêtre de Nurse…

Ben : Y’a encore un truc entre les deux. On a composé avec Simon, sur les cendres de Borefat. En faisant un peu le même style mais en changeant un petit peu. Ca s’appelait Latte machiatto (Fou rire général). On a fait un concert au Poulpe qui s’est avéré être une catastrophe. En plus, les gens qui aimaient bien Borefat nous attendaient, ils sont tous venus nous voir et on s’est vraiment vautré. On s’est pas revu pendant trois mois. Pas d’appel, pas de répète, rien. Silence radio. Puis, on s’est revu, on s’est remis à composer mais en voulant faire autre chose. En partant de l’album « Sonic nurse » de Sonic youth.

Rami : On a jammé, on a fait un morceau. C’était cool. Calme, aéré par rapport à ce qu’on faisait avant. C’est le deuxième du disque. Tout est parti de là. C’est tout pompé sur Sonic Youth, Nurse !

La Spirale, Annecy, septembre 2017

Qu’est-ce qu’il représente pour vous, cet album de Sonic youth ?

Ram : C’est pas celui que les gens préfèrent. Il y a ce morceau, le cinquième,, Stones.

Ben : C’est hyper beau.

Ram : Ce morceau, il est incroyable.

Est-ce que vous pouvez me dire un mot sur la pochette de l’album ?

Ben : C’est le grand-père de Manu, dans le nord de la France.

Simon : On avait une idée super et c’est tombé à l’eau…

Ben : On voulait faire un portrait d’un pote, qui a une tête – une gueule, quoi. Il nous avait dit oui et puis plus de nouvelles et puis il a dit je suis pas photogénique, ça sert à rien.

Simon : En fait, cette photo, plus tu regardes et plus tu vois qu’il y a tout. Le Ricard, la grosse clope, des bouteilles de gaz, tu sais pas trop, les briques, un chien et puis surtout, il y a le grillage qui prend toute la place. Et ça, c’est génial !

Manu : C’est marrant qu’il ait dit oui… Je suis pas là pour longtemps, va-z-y ! Il a le même âge que moi…

Ram : Il y a cinquante ans…

Ben : On voulait pas un truc en rapport. On voulait pas qu’il y ait le nom. On est content que ce soit une photo qui nous appartienne.

Tu peux toujours voir des rapports…

Manu : Ouais, là, mon grand-père, il montait son affaire, c’était une période merdique. Il était en usine avant. Tu vois ce que ça pouvait être… Il vivait dans une baraque ouvrière à côté de l’usine. Bossait six jours par semaine. Voisins avec ses collègues. Il monte son truc. C’est un peu un échappatoire, quoi. Tu retournes le disque, tu vois l’autre image. Tu te dis : putain, il avait envie de se barrer !

Une question un peu Michel Drucker : on évoque souvent les années 90 quand on parle de votre musique, pouvez-vous nous raconter vos années 90 ?

Ram : On est plus de la fin des années 90. Le lycée, Nirvana, Noir désir…

Ben : En 4e, j’avais 15 ans. Je répétais avec un pote qu’avait une mobylette pourrie et j’avais la batterie dans le sac ! J’étais le batteur et je jouais sur une batterie Mickey !

Ram : C’était le moment où, même dans le rock, on commençait à affirmer notre truc. Moi c’était l’alterno français, Les Shériffs…

Simon : Les tout premiers CD, Nofx…

Ben : Et la découverte des premiers groupes un peu durs. Le premier disque que j’ai eu, c’était War de U2. J’écoutais beaucoup, jusqu’en 5e. Après, mon frangin a dû acheter Tostaky. J’ai écouté. Je me suis dit, putain, c’est quoi ce truc-là ? Cette intensité, cette énergie… Même maintenant, tu me mets Tostaky et tu me mets n’importe quel Metallica, je trouve que Noir désir, c’est plus dur. Mais à l’époque, avec le son heavy metal, la batterie, la grosse prod, quand t’as 15 ans, ben… je suis allé bien dans le metal. Assez loin. Pour revenir, tranquillement. Je suis revenu à Nirvana bien plus tard. J’aimais bien Nirvana mais j’étais pas hyper fan.

Simon : Et puis, c’était les premiers concerts, les Plateaux rock à Annemasse où toute la scène alterno passait. Les Thugs, No one is innocent, Les Shériffs, Silmarils… Tu voyais le batteur torse nu et tu te disais Waouh ! C’est ça que j’ai envie de faire !

Vous êtes dans le scène locale depuis un paquet d’années, comment est-ce que vous l’avez vue évoluer ? Comment est-ce que vous la jugez maintenant ?

Ram : Ca bouge moins.

Simon : Tout ce qui est SMAC – genre Chateau-rouge – au début, on trouvait ça plutôt cool. Et maintenant j’ai l’impression que ça a tué tous les petits lieux. Les bars. J’ai l’impression qu’avant c’était plus simple de jouer pour un groupe qui commençait.

Ram : Au début des années 2000, il y a eu une pétée de petits festivals. Il y en avait partout !

Ben : Dans les villages, ils ne faisaient plus de bals, ils faisaient des festivals ! Tous les petits groupes – comme mon premier groupe, on était vraiment nuls – tous jouaient ! Ca, ça a disparu. Avec NFO, on jouait avec des groupes de reggae, de chanson, avec les Shivaz. C’était tout mélangé ! C’était cool !

Simon : Je pense que c’est la professionnalisation de la musique qui a tout tué. Les groupes prennent plus cher parce que c’est devenu leur job. Tous les prestataires prennent plus cher.

Manu : Les Rockailles, au début, ça marchait bien, on s’est tirait à peu près (Manu a fait partie des premiers collectifs d’organisations du festival des Rockailles, NDLR). On faisait passer des groupes qui prenaient peut-être 2000 balles et, en deux ans, c’est monté à 15000 boules… En fait, pour que ça marche, fallait faire en sorte que ça te coûte rien ou pas grand-chose. Nous, on voulait faire ça pour faire passer des groupes qui nous faisaient envie et puis, rapidement, on a été pris à la gorge parce qu’il fallait négocier. C’était pas notre boulot !

Ben : Business, quoi. Il y a un gros creux. Comme un peu partout, je pense…

Les Tilleuls, Annecy, septembre 2017

Ben, t’as aidé à organiser des concerts dans des lieux alternatifs comme la Machine utile. Comment vous vous placez par rapport aux lieux plus institutionnels ? Est-ce que vous faîtes une différence ?

Ben : Ah ouais, moi je fais une énorme différence. Je ne leur parle pas de la même manière. Après, le truc, c’est que j’y travaille, dans les lieux institutionnels (Ben est éclairagiste, NDLR). J’aime bien, comme pour tout, avoir un pied dans plein de trucs. Ca me fait marrer. J’aime bien faire la lumière dans des gros machins et j’aime bien les squatts où il y a pas de lumière. En vrai, je prend plus de plaisir dans un squatt où il y a pas de lumière ! Musicalement, par rapport à ce qui se passe. Après mon métier, ça reste la lumière. J’ai une vraie passion pour ça.

A ton avis, quelle devrait être la relation entre les deux ?

Ben : Il n’ y a aucun problème. Pourquoi les grosses salles pourraient pas programmer un groupe de noise ? Je considère que c’est leur rôle. C’est ce qu’ils font, plus ou moins. Le problème, c’est la fermeture des grandes scènes à la scène indé et à la scène locale. Ils ouvrent leur petite salle volontiers, mais ils l’ouvrent parce que c’est dans leur cahier des charges, pas par plaisir. Enfin, c’est pas vrai, ça dépend des programmateurs. Le problème, c’est le dialogue, on parle pas la même langue.

Ram : Mais bon, nous, en tant que groupe, on a aucun combat contre l’institutionnel…

Ben : Ouais, mais Simon il est en colère. Et moi aussi, mais en même temps j’y suis alors je comprends plein de choses. Mais il a aussi des choses que je ne comprends pas. Je pense depuis très longtemps que les gens qui sont à ces postes, ils devraient changer tous les cinq ans. Le mot est peut-être fort mais ils sont blasés. Un peu. Et puis sur les grandes scènes, ils se battent avec les prods. Exactement comme ce que Manu t’as raconté tout à l’heure. Le problème c’est que quand t’as des mecs qu’ont pas de culture alternative, ils s’en remettent au tourneur qu’il connaissent et on a toujours les mêmes groupes.

Simon : Et on en vient au truc de la professionnalisation de la zique… Et puis, ils prennent le problème dans le mauvais sens. Le public, en fait, il faut l’habituer. Genre le Poulpe, maintenant ils ont leur belle salle. C’est rarement vide, quand même. Ils ont réussi à fidéliser des gens qui vont voir les concerts, même si ils ne connaissent pas le groupe… Et les grosses salles, c’est : le tourneur nous a vendu un truc, c’est bien, on va remplir notre salle. On est content ! On se pose même pas la question de faire jouer un groupe en première partie. Je sais pas… Pour moi, c’est juste pas logique… Pour ces gens, ça paraît un truc impossible de faire jouer un groupe local avant deux autres groupes, alors que les assos elles font jouer quatre groupes dans la soirée et c’est cool. Ca se passe hyper bien.

Ram : Mais parce que les salles c’est les cantonniers de la musique ! Ils sont dans leur petit rythme tranquille, faut pas trop changer ! C’est des cantonniers de commune, j’ai rien contre mais faut dire les choses…

Ben : C’est dur parce qu’on arrive pas à foutre nos groupes là-haut…

Simon : L’argent des subventions, il vient de qui ? Il vient de nous, il vient des impôts. Alors tu en fais profiter tout le monde. Je demande pas d’être payé 1000 balles à chaque fois que je vais jouer mais un minimum de considération. Tu files 100 balles au groupe. Les groupes de lycéens, tu leur files à bouffer. Tu leur files un jeu de cordes ! Tu vas voir un magasin de musique, tu mets leur logo au bas de l’affiche. Les solutions, elles existent. C’est juste que les gens en ont rien à branler !

Il y a des fois, on connaît des groupes étrangers qui déchirent qui tournent en France et qui trouvent à peine quelques dates, on se dit bon sang c’est dommage de pas pouvoir avoir accés à ces salles…

Simon : Les mecs à la programmation, ils lisent les Inrocks et puis c’est fini.

Ben : Et puis les coups de pression du style : OK, je te fais celui-là un peu moins cher mais par contre tu me prends celui-là. C’est du business. Quand t’essayes de discuter, tu parles pas le même langage. Nous, en toute sincérité, avec le recul, on a pas tous les tenants et aboutissants de ces gens-là. C’est sûr. Et eux, ils ont une vision qui est fermée.

Simon : Au début, il y avait une émulation mais maintenant, ils programment la scène locale et il y a personne. Pourquoi ? Parce que les gens peuvent nous voir ici au Poulpe ou au Moderne avant et c’est vachement plus sympa !

Ben : Moi, y’a un truc qui m’a énervé. Au café à Château-rouge dans leurs soirées intermèdes – parce qu’il faut qu’il y ait un nom à ces soirées, comme si les gens en avait quelque chose à foutre – ils programment un gars qui fait des reprises. Des reprises à Chateau-rouge ! Le mec – que j’apprécie, hein – il joue que dans des cafés où les mecs veulent se faire du fric, OK. Mais à Chateau-rouge ? Dans un lieu subventionné ?

Simon : Il y a mille groupes qui veulent jouer, putain…

La batterie de la caméra qui enregistre l’interview s’arrête à ce moment-là. On n’y fait plus attention. Le flot de la conversation nous mène jusque tard dans la nuit. Ben raconte son expérience comme hurleur dans un groupe de jazz d’avant-garde local, qui sera finalement élu album jazz de l’année. On évoque les projets du groupe, les concerts passés et à venir, un projet de label. A suivre…

Toutes les photos de Nurse sont tirées de l’excellent blog photo Lowlightconditions. Merci à lui !

>>>>>>>>>> NURSE

« Football : 0 / Hardcore punk survolté : 10 000 » (Tuco, Joliette – La makhno, 27 juin)

Peu de monde ce soir-là à l’étage de l’Usine. A vrai dire, il y a à peine plus que notre groupe de copains lorsque Tuco plaque ses premiers accords.

Plaisir de retrouver leur noisecore massif et tourmenté. Ces longs morceaux pleins de bifurcations soudaines, de répits trompeurs, où suinte la tension malsaine.

Fidèles à eux-mêmes, leur performance est un rouleau-compresseur. On reconnaît quelques vieux titres de leur premier EP, comme le phénoménal Numb et son accélération qui te colle au mur du fond. Le premier album des Suisses devrait sortir ces jours-ci, en format numérique, en attendant un disque à l’automne.

Les mexicains de Joliette, eux, étaient une découverte pour pas mal de monde. En vérité, il y a pas vraiment besoin de beaucoup plus que deux minutes pour comprendre que ce groupe a quelque chose de très spécial.

   Putain de réacteur nucléaire où se fracassent sans discontinuer des atomes de hardcore hurlé, de noise surpuissante. Bouts de mélodies qui traînent en lambeaux dans le chaos et te prennent à la gorge. Breaks constamment sur le fil de la lame.

Le pire c’est que les jeunes Mexicains sont très cools sur scène, avenants et sympathiques. Derrière les fûts, le batteur prend le temps de remonter ses lunettes sur son nez d’un air flegmatique entre deux rythmiques hallucinantes de puissance et de groove. Machine !

Le public s’est massé devant la petite scène. Scotché. Chaque nouvel assaut sonore est accueilli avec ferveur. On en loupe plus une seconde.

C’était fou, ce concert ultime à prix libre devant une poignée de guignols. Au moment où tous les yeux, les oreilles et les porte-monnaies sont tournés vers la folie estivale du Hellfest et son hardcore à grand spectacle.

Nous, on a pas vu le match et on ira pas au Hellfest. Mais, ce soir-là – même si c’est évidemment con de le formuler comme ça – on nous empêchera pas de penser qu’on a vu le meilleur groupe de hardcore du monde, hé !

>>>>>>>>>> TUCO

>>>>>>>>>> JOLIETTE

« L’oeil du cyclone » (MoE – Cave 12, 20 juin)

couv.JPG

« Imagine un mélange entre Napalm death et Shellac. » C’est la comparaison rapide que j’avais trouvée pour décrire MoE à un copain qui ne connaissait pas. « Pas facile. », il avait répondu. Et pas tout a fait exact non plus, mais ça donne une idée de pourquoi ça valait largement le coup de faire le trajet jusqu’à Genève et Cave 12 ce mercredi-là.

Quasiment déserte et très tranquille lorsqu’on arrive. En fait, je crois que Cave 12 ne se remplit qu’à la nuit. Les Norvégiens – qu’on veut rencontrer pour une interview –  sont déjà là. Mais, fatigués par un trajet depuis Oslo beaucoup plus long que prévu et parsemé d’incidents de sécurité inquiétants, on ne les croisera pas trop avant le concert.

MoE 4.JPG

Il débute devant une audience assez restreinte. On est mercredi et il fait très beau et puis c’est la coupe du monde, hein. Pas grave, le trio est là pour nous en mettre plein les oreilles et les mirettes et arborent des éléments de costume à paillettes. Batteur imperturbable sous sa cagoule fourrée qui lui donne des airs de teletubby gothique, qui casse sa caisse claire dès les premières secondes mais continue sur les toms comme si de rien n’était. Rien n’arrête la machine MoE quand elle est lancée.

MoE 3.JPG

Relents de doom/stoner lourdingues. Pics de tension punk hardcore. Crise noise aigüe, soubresauts schizo, tension qui s’affole. MoE brouille les pistes, orchestre un chaudron brûlant où se fond tout ce qui est sauvage, tout ce qui se tend, éructe, se déchaine.

MoE 2.JPG

Cette tension de malade, ces éclats de folie en rafales  sont servis par la technique irréprochable des trois musiciens confirmés, qui sont tous actifs dans des projets très différents, jazz, improvisé ou autre. Faut écouter sur disque pour comprendre – quoiqu’au final l’expérience en live soit assez différente, très organique.

MoE 1.JPG

Pas de pit formaté ici. Pas de violence ritualisée. Sans forcer, sans rien imposer, le groupe communique juste une folie qui infuse progressivement dans le public présent et le concert se termine dans des danses sauvages et des cris enthousiastes.

La soirée se terminera pas des rencontres et discussions bien agréables, au son de la sélection « pre-summertime » des DJs locaux. Black flag, c’est en effet totalement pre-summertime. Cave 12 ne ment jamais.

>>>>>>>>>> MOE

 

 

« La branche déviante de la famille » (Pilier, YC-CY – la Makhno, 10 mai)

yccy couv.JPG

A proprement parler, on peut pas vraiment dire qu’il y ait d’organisation consacrée au noise-rock dans la région Annecy/Genève. Ca reste un peu le vilain petit canard, la branche déviante de la famille. Le cousin pas sortable. La cousine transgenre. Mais, au final, il n’y a pas trop à se plaindre car, dans la programmation des uns ou des autres, il y a régulièrement des noms inespérés, des coups de folie.

pilier 1.JPG

La soirée commençait avec le hardcore-punk des locaux de Pilier. Eruction continue de rythmiques rapides et de riffs rentre-dedans, sans temps mort, dans un esprit très proche des Annemassiens de Wrensh. Hardcore droit au but, sans le métal en quelque sorte. Bon sang, heureusement qu’il y a encore des groupes comme ça.

pilier 2.JPG

On sent le groupe habitués du lieu. Et le public, qui assure l’ambiance joviale. Ils se laisseront même convaincre par un rappel.

yccy 5.JPG

Les Suisses allemands de YC-CY  ont peu joué par ici. Ils viennent de sortir leur 2e album sur le label allemand X-Mist et faisaient une courte tournée de trois dates dans l’est de la France.

yccy1

Leur musique semble provenir d’un lieu non-cartographié. Atmosphérique et bruitiste, violente et émotionnelle, dansante et expérimentale. A équidistance du post-punk, du hardcore, de la noise. A l’image du génialissime Kepler-186f, qu’il joueront en deuxième et qu’il faut absolument écouter. Ce morceau mérite à lui seul le nom de Todestanz – Danse de la mort -, le titre de leur album.

yccy 2.JPG

Pulsation puissante de la batterie, réduite à sa plus simple expression, qui capte les regards. Bassiste en retrait, les yeux clos – des images de Joe Lally de Fugazi reviennent en flash. Sonorités incongrues que le guitariste tire de son instrument. Des airs de synthé vérolé. Chanteur coincé aux abords du public, plié sur son micro.

yccy 4.JPG

La charge fût relativement brève mais intense. Comme leurs copains allemands de YASS, YC-CY dessine un noise-rock du futur – ou du présent, tout simplement – qui donne grandement envie de continuer à suivre ce que donne ce groupe.

 

>>>>>>>>>> PILIER

>>>>>>>>>> YC-CY

 

Pay no more than…

visuel pay no more than.jpg

On peut disserter à longueur de journée sur ce qui est punk ou pas. Les codes-barres. Les subventions. La provoc. L’engagement politique ou pas. Facebook ou pas. Les groupes composés uniquement de gars blancs issus de milieux favorisés. Etc, etc.

Mais il y a quelque chose qui est certain, c’est que quand le prix d’entrée de ton concert le rend inaccessible à certains – comme c’était le cas pour le concert de At the drive-in à l’Usine, par exemple -, tu n’as plus rien à voir avec une alternative. Quel est le prix juste d’un LP ? 8 euros ? 13 euros ? Prix libre ? J’en sais rien. Il n’y a peut-être pas une seule réponse. Mais qu’il soit accessible au plus grand nombre.

Il y a un mot pour ceux qui jouent et gagnent au jeu de l’offre et de la demande capitaliste : rockstars. Aussi classe soit ta musique, l’esprit est mort.

Je ne vais pas à ce genre de concert parce que j’en ai pas vraiment les moyens. Parce que mon pote qui travaille en usine et qui est archi-fan ne peut pas y aller non plus. Mais surtout parce que je ne veux pas voir de groupes morts.

 

 

Mon disquaire est mort

visuel.png

 

C’est le nom d’un service de distribution géré par les gens de l’asso chambérienne Minimal chords. Avec la particularité de s’intéresser particulièrement à la scène locale. On peut donc y trouver les disques de, au hasard, Noiss, Spant’X, Nevraska, Nerv, Fuck da tourist, Blind torture kill, Crankcase. Mais aussi plein d’autres, sans réelle limitation de style. Il y a même une sélection de livres, plutôt axés sur le punk-rock.

Une distro à l’ancienne, donc, avec un esprit d’auto-organisation qu’il vaut la peine de soutenir !

>>>>>>>>>> MON DISQUAIRE EST MORT

>>>>>>>>>> MINIMAL CHORDS

« Racaille du DIY » (Catalgine, Deaf lingo, Smutt – La spirale, fév.)

deaf lingo couv.JPG

La Spirale, c’est un peu le centre névralgique de la scène DIY d’Annecy. Un lieu que les groupes gèrent eux-mêmes pour répéter et organiser des concerts. Et ces murs en ont quand même vu quelques-uns. Même les Hard-ons ont joué là, apparemment. Bon sang, les Hard-ons.

catalgine 6.JPG

Donc c’était plutôt super cool de jouer là-bas. Malgré le froid et des problèmes de larsens récurrents.

catalgine 4.JPG

Bon, on nous a payé des bières dans le public après le concert donc ça devait pas être à 100% mauvais. Bref, tout le monde a été bien terrible.

catalgine 5.JPG

Ensuite ont joué les italiens de Deaf Lingo. Milanais pour être plus précis. Ce qui a suscité quelques blagues sur le fait qu’ils auraient dû être lookés comme pas possible, venant de la capitale de la mode.

deaf lingo 1.JPG

Mais ils étaient plutôt normaux, en fait. Avec un disque tout frais dans leurs valises, ils ont envoyé un punk-rock mélo oscillant entre pop-punk plutôt fun et émo-rock chaviré. Pas sans rappeler Hot water music par moment.

deaf lingo 2.JPG

Aux locaux de l’étape de clore la soirée. Smutt et son punk-rock sans sommation. Sacrément rentre-dedans et charpenté, avec toujours cette voix hargneuse. J’en ai même entendu au fond qui faisaient des comparaisons avec tel groupe des débuts du hardcore New-Yorkais. Mais je tairai les noms, hé hé.

smutt 2.JPG

Une autre spécificité de SMUTT c’est une deuxième guitare bien alerte. Tout vrai rocker se doit de haïr les solos mais là il faut bien admettre que ça passe vraiment bien.

smutt 1

Sûrement parmi ceux qui se bougent le plus en Haute-Savoie, ils avaient joué à la Nano-punk party la semaine d’avant et accompagnaient les italiens au Trokson à Lyon le lendemain.

smutt power 3.JPG

Smutt power

Comme beaucoup de lieux de ce type, la Spirale est précaire et ne fait quasiment pas de communication, si tu es intéressé par ces concerts, le mieux est de contacter directement les groupes (voir les liens ci-dessous). Tu peux aussi consulter cet agenda que je tiens à jour.

On peut voir aussi quelques images de cette soirée sur l’excellent site d’Olive, Lowlightconditions.

 

>>>>>>>>>> CATALGINE

>>>>>>>>>> DEAF LINGO

>>>>>>>>>> SMUTT

« Le punk est un jeu d’enfant » (Pouet – Brise-Glace, 22 oct.)

FRANCOIS HADJI-LAZARO_BRISE GLACE_28.jpg

Pas de pitié pour les bambins ! Pouet a mené son concert au Brise-Glace pied au plancher, devant un public enthousiaste où la parité enfants-adultes était parfaitement respectée.

A peine entré sur scène, le bassiste lance une rythmique punk soutenue. Distortion, volume poussé – dans la limite acceptable avec des enfants. Entre les morceaux, blagues qui s’enchainent. Pouet prend les enfants par la main mais ne les prend pas pour des mioches.

FRANCOIS HADJI-LAZARO_BRISE GLACE_16.jpg

C’est que Pouet est un vrai groupe de rock – ou de chanson-zouk-punk-trad, comme on voudra. Un groupe avec des thèmes enfantins, c’est sûr, mais où on retrouve aussi, dans l’expression débridée et l’énergie brute, quelque chose de Pigalle et des Garçons bouchers.

FRANCOIS HADJI-LAZARO

Impossible d’ailleurs de dire qui des parents ou des enfants goûtent le plus les « tubes » du groupe.

FRANCOIS HADJI-LAZARO

« Pouet », bien sûr, et ses airs de fest-noz électrique malgré un problème de pile de la vielle à roue. Ou « Dans la salle de la cantine de la rue des Martines », version enfantine du fameux morceau de Pigalle, acclamée par les parents ravis. Seul petit regret : l’absence de « En boîte », disco goguenard dont il aurait été intéressant de voir l’effet sur la salle – où alors je l’ai raté lors d’une des multiples pauses pipi de ma fille.

FRANCOIS HADJI-LAZARO_BRISE GLACE_23.jpg

Dans la fosse, d’abord assis puis de plus en plus debout au fil du concert, les bambins le regardent avec un œil amusé et un brin incrédule. Ce gros garçon aux cheveux rasés, qui raconte des trucs rigolos et gonflés (« Moi, j’aime pas ma maman ! »), qui se met en scène dans des chansons où on a le droit d’être gourmand (« A y est, c’est bientôt l’heure du goûter »), maladroit (« J’ai deux mains gauches », « Moi j’aimerais, comme à la télé, jouer au foot avec les pieds ») et d’aimer les choses sales et bruyantes (« Si on m’avait dit que c’était çà la campagne »). Il sort de temps à autre des instruments tous aussi incroyables les uns que les autres, dont il égrenne les noms avec gourmandise : un violon minuscule, un flutiau irlandais, un biniou antique qui « fait un son absolument horrible » et bien d’autres. Il a l’âge de papi mais on a surtout très envie qu’il devienne un copain.

Alors on jette un coup d’oeil en arrière, vers les parents, l’air de dire « Je peux ? » Et on se lève, on s’avance vers la scène et, au milieu de nouveaux copains et copines, on va danser et voir d’un peu plus près ces musiciens, qui nous parlent comme personne d’autre.

Les super photos sont toutes de Gilles Bertrand. Grand merci à lui et salut !

« E tutti noisy quanti » (Sloks, Thee Sweeders, Nurse – La Spirale, 30 sept.)

sloks couv.JPG

Même lieu, même affiche que lors du concert mémorable de 2016. A un nom près puisque Nurse remplaçait What the fuck? Pourquoi changer une équipe qui gagne ?

La Spirale est une petite salle associative, un endroit différent qui fleure bon le do it yourself. Gérée par les groupes, on peut y boire un coup, rencontrer les groupes bien sûr et acheter les disques de la scène locale.

C’est Sloks qui ont ouvert les hostilités. J’attendais avec une certaine impatience de les revoir en concert et de rencontrer ce groupe interviewé par mail l’an dernier. Ils étaient visiblement ravis de leurs trois jours de tournée dans les environs et bien décidés à ne pas laisser une miette aux chiens.

sloks 3.JPG

Le rock’n roll est mort de puis longtemps mais Sloks en ont clairement rien a foutre. Leur musique est faite pour réveiller les morts de toutes façons.

sloks 2.JPG

Ces rythmiques martelées, cette guitare abrasive et les incantations déchirées d’Ivy Claudy aux allures d’exorcisme, tu crois que c’est pour quoi ?

sloks 5.JPG

On retrouve avec plaisir leurs morceaux qui suintent la hargne en roue libre.  « Close the door », Use me »… Use me Use me / And abuse me / I can take / even more !

Le trio jouera aussi quelques nouveaux morceaux, plus groovy selon leurs dires. J’avoue que je n’ai pas fait suffisamment attention pour vraiment le remarquer.

sloks 1.JPG

L’album à venir, qui devrait sortir sur le label suisse Voodoo rythm records, permettra de se faire une idée plus précise. Claudy nous racontera les circonstances assez marrantes de sa rencontre impomptue avec Reverend Beat-Man, suite à un concert d’après-midi peu mémorable.

sloks 4.JPG

Les locaux de l’étape, Thee Sweeders prennent la suite avec leur rock tendu, moins mélodique que dans mon souvenir. La voix rappelle même quelque chose de Motorhead.

sweeders 3

Ils seront rejoints par un copain pour une très chouette reprise de Gun club. « The house on highland ave », je crois.

sweeders 2.JPG

Après cette série de concerts avec Sloks, ce serait chouette que cette collaboration transalpine prenne la forme d’un disque partagé. Et apparemment, il se pourrait bien que ce souhait devienne réalité un jour. Hé hé.

Et c’est à Nurse qu’il revient de clore la soirée. Vus pour la deuxième fois en peu de temps, mais on ne s’en lasse pas.

nurse 1.JPG

Malgré la fatigue – dans Nurse, y’en a toujours un qui arrive explosé – leur émo-rock fievreux et sensible fait son effet. Sur le public comme sur le groupe, pris d’instants de folie. C’est bien la première fois que je vois un guitariste essayer d’attaquer son batteur en plein concert.

nurse 3.JPG

Certains ambiances ciselées, fragiles, flirtent presque avec la pop, mais vibrent toujours de suffisamment d’intensité pour ne jamais vraiment y toucher. Le groupe varie les atmosphères, essaye des trucs, des plans osés, sans jamais se perdre et en restant toujours lui-même.

nurse 2

Et pour terminer, un petit live qui a été fait deux jours avant, lors du concert de Sloks à Urgence disks, à Genève.

>>> SLOKS

>>> THEE SWEEDERS

>>> NURSE

sloks sweeders

Robotnicka, synth-punk d’avant le synth-punk

enter

Qui connait Robotnicka ? Ce groupe né, je crois, aux Tanneries de Dijon, dont ils ont fait trembler et danser les murs plus d’une fois et qui donne encore signe de vie par intermittence.

Rejeton ironique et déviant de la scène punk/squatt/DIY, ce groupe a créé son propre univers, mélange de délire disco-punk-paillette futuriste et d’inspiration politique radicale. Dans une sorte de concept-band qui n’est pas sans rappeler les Teddy boys radicaux de Nation of Ulysses. (Un groupe finalement assez obscur mais dont la créativité débridée en a inspiré plus d’un dans les 90s. Refused, tu pourrais dire merci.)

robotnicka

Enfin bref, pour en revenir à Robotnicka, ils préfiguraient en quelque sorte la vague synth-punk qui fait rage actuellement. Bon, une rage relative, hein. Et ils ont quand même fait deux tournées états-uniennes – bon sang, ils ont joué avec 400 hundred years, Born dead icons, Capitalist casualties ou From ashes rise ! Et même un tour au Japon tout récent – 2016 – dont ils ont tiré une K7 best-of.

Leur joli site donne un aperçu de leur univers rétro-futuriste et permet d’écouter la totalité de la discographie de ce groupe à part.

a1668989315_10

Nono for an answer !