Glad husbands, « Safe places » LP

Premier contact avec ce groupe piémontais qui publie là son deuxième album, sept ans après le premier. Neufs morceaux denses, construits. Télescopages de riffs massifs, breaks abruptes, flirtant avec le math-noise – de l’aveu même du groupe. Lorsqu’elle est la plus condensée, la plus lapidaire, la musique de Glad husbands n’est pas sans rappeler fortement un des parrains du genre, Dazzling killmen. « Out of the storm », « Spare parts », « Cowards in a row ». Expectorations vitales. Méchante envie d’en découdre. Rage bloquée qui sort en spasmes. Même la voix à quelque chose de la fureur étranglée de Nick Sakes, dans ces brulôts noisecore fumants. Ailleurs, « Things that made sense », « The Jar » varient les intensités, évoquent parfois un post-hardcore plus old-school, s’essayent à des inflexions plus mélodiques, jusqu’à la ligne presque pop de « Midas ». Une sorte d’identité plurielle qui ne s’appréhende pas forcément immédiatement mais qui donne certainement envie d’en savoir plus et d’en faire l’expérience en concert.

Glad husbands, « Safe places » (Antena Krzyku, Entes Anomicos, Longrail Records, Vollmer Industries, Atypeek Music, Tadca Records, Whosbrain Records, Scatti Vorticosi Records)

>>>>>>>>>> GLAD HUSBANDS

« Viser le système nerveux central » : une interview de Brutalist

Né sur les cendres de Knut, Brutalist n’aura sorti qu’un seul disque, tiré à 50 exemplaires dans la plus grande confidentialité, avant de cesser toute activité. Mais la musique qu’on y découvre – sorte de métal répétitif et déconstruit – est si foudroyante qu’il était impossible de ne pas chercher à en savoir plus sur l’histoire et les dessous de ce projet intrigant et éphémère. Roderic (batterie) et Adriano (guitare, editing) ont répondu à mes questions. Merci à eux.

Sur quelles bases, avec quelles envies ou directions musicales, Brutalist est-il né? Etait-il dans le prolongement de Knut ou y avait-il une volonté de s’éloigner de cette identité?

Roderic : Dans un premier temps il s’agissait pour des rescapés de Knut de prolonger le plaisir de jouer ensemble en explorant de nouvelles voies, abstraites, répétitives, hors des chemins précédemment balisés. L’arrivée d’Adriano avec son esprit dérangé a donné l’impulsion pour pousser le bouchon toujours plus loin. Au final, Brutalist et Knut entretiennent un cousinage très lointain.

Adriano : C’est Tim qui m’a proposé de rejoindre le projet en chantier au moment où Commodore s’arrêtait pour de bon, alors qu’on était en train de composer de nouveaux morceaux. Je pense qu’il y a vu la possibilité de réunir nos univers dans la mesure où Commodore allait dans une direction plus radicale et expérimentale.

Etait-ce un choix de former un groupe instrumental, sans voix?

R : Avant qu’Adriano ne nous rejoigne, clairement, car aucun des trois autres n’utilisait sa voix dans la musique (ou très occasionnellement). Cet élément nous aurait aussi inévitablement assimilés à des esthétiques dont nous voulions nous éloigner. Par la suite, l’idée d’essayer des approches vocales singulières a été envisagée, sans se concrétiser.

Adriano jouait la guitare dans Commodore avec Tim, mais il mène également des projets de musique bruitiste/électronique. Quel est son apport dans Brutalist?

R : Fondamental. Sa perspective détachée du passé/passif de Knut et son envie d’exploser les cadres ont contribué à faire de Brutalist cet objet non identifié. Et on a le sentiment de s’être arrêtés aux balbutiements.

A : C’est vrai qu’il y a eu toute une phase de recherche durant laquelle on a enregistré beaucoup de matériel que je ramenais chez moi, après les répètes, pour trouver des bouts d’idées ou de nouvelles directions de morceaux. Et il est vrai qu’à un moment donné je me suis amusé à éditer ces sessions de façon totalement intuitive. Un peu comme je le fais dans mes projets parallèles, plus orientés autour du matériau sonore et des techniques de musique concrète ou électroacoustique. Du coup, cela nous a permis de trouver une autre façon d’explorer la composition et de s’affranchir d’une méthode plus conventionnelle.

Le brutalisme, c’est un mouvement architectural qui affectionnait particulièrement le béton. Est-ce que ce mouvement – ou tout autre mouvement plastique/visuel, d’ailleurs – est une source d’inspiration pour vous, ou est-ce juste un clin d’oeil au caractère relativement tendu et massif de votre musique?

R : Les deux, probablement. Cette idée de sculpter le son comme des blocs, de travailler la matière sonore de façon plastique (versus écrire des «riffs») nous a guidés sans doute inconsciemment en partie. Plusieurs membres du groupe ont une pratique dans des disciplines visuelles (dessin, graphisme, vidéo) et cela, couplé à un intérêt pour les musiques expérimentales, concrètes, électroacoustiques, a pu jouer un rôle. La conception d’un arsenal de pédales d’effets a été en soi un chantier permanent.

Brutalist a sorti un unique disque, qui a été enregistré sur une période de plusieurs années. Pouvez-vous nous présenter ce disque: comment a-t-il été conçu et que représente-t-il pour vous?

A : A la base, il ne s’agit pas vraiment d’un disque, mais plus d’une empreinte ou du témoignage de ce qu’a pu être le groupe durant son existence chaotique. Quand nous avons commencé à enregistrer avec Vincent Hänggi (H E X), c’était dans le but d’avoir un support de travail « propre » en essayant de capturer l’énergie live de Brutalist et de se rendre un peu mieux compte de ce qu’on essayait de faire. Sur les cinq morceaux live enregistrés, on en a retenu trois («Piton», «Cobra» et «Trabajo»). Après un premier pré-mix de Vincent, on a trouvé qu’il manquait du matériel, que certaines prises n’étaient pas abouties. On a refait certaines parties et ajouté quelques overdubs pour concrétiser ce qu’on avait vraiment en tête. Lorsqu’on a pris la décision commune d’arrêter le projet, on s’est replongés dans nos enregistrements et edits «de travail» et on a trouvé cohérent de les rassembler sur un même support pour les diffuser autour de nous de façon physique et digitale.

Le premier morceau, «Piton», avec ses structures déconstruites et heurtées, évoque certaines compositions électro actuelles. Est-ce que la musique électronique est une source d’inspiration pour vous?

R : Si c’est le cas, c’est totalement inconscient. Cela dit, la musique électronique au sens large (historique ou actuelle) fait partie du spectre au même titre que la musique industrielle, le metal, le free, le kraut et tout ce qui vise le système nerveux central.

A : Oui, je rejoins l’idée que c’est totalement inconscient. Ce morceau a été spécifiquement composé sur la base d’improvisations et d’edits totalement intuitifs, pour être totalement recomposé avec de nouvelles parties. Peut-être que le côté répétitif et minimaliste de la batterie évoque cette idée.

Même interrogation pour le jeu des guitares dont les lignes entrelacées et dissonantes rappellent un jeu jazz ou free – est-ce que ces musiques font partie de votre univers?

R : Pas dans une approche érudite, concernant le jazz, mais on a tous vu tellement de concerts et écouté tellement de musiques au cours de nos vies qu’il est possible que cela laisse une trace. Est-ce que Zeni Geva ou Krallice sont jazz? On ne peut pas nier que l’école «noise» scandinave des Noxagt, MoHa, Staer, Ultralyd, Monolithic a eu un impact sur Brutalist.

D’ailleurs l’improvisation joue-t-elle un rôle dans la musique de Brutalist ou est-elle totalement écrite?

R : L’improvisation a tenu une place de plus en plus importante et aurait dû, à terme, devenir prépondérante. Le travail de création de bruit en répétition / édition sur ordinateur / réarrangement en groupe, par aller-retours, a produit des résultats excitants.

A : Oui, clairement. Ça a fini par devenir le leitmotiv : improviser, enregistrer, éditer, ramener des idées, tout déconstruire à nouveau et recomposer. Le plus dur a été de trouver un juste équilibre entre ce qu’il était possible de reproduire et ce qui n’était pas à notre portée et qu’il a fallu repenser plus simplement, parfois en allant à l’essentiel.

Plus généralement, quelles sont les musiques ou les courants qui vous passionnent aujourd’hui et vous semblent ouvrir des voies nouvelles?

A : Plus que des courants, pour ma part se sont surtout des artistes doués d’une certaine vision, une certaine démarche. Ce qui me touche aujourd’hui est plus orienté vers la musique improvisée et l’expression de démarches radicales qu’une certaine scène ou un certain genre.

R : Ça fait tellement longtemps que je navigue entre les trucs les plus abscons ou extrêmes et des musiques totalement accessibles que je m’y perds. Certains champs réputés novateurs tournent en rond et se parodient, alors que des trucs a priori archi rebattus sonnent super frais sans trop qu’on sache pourquoi… Tant que la musique aura cette magie, cette capacité d’imprévisibilité, mes oreilles resteront ouvertes.

Le premier pressage CD de ce disque est maintenant épuisé, y-a-t-il des projets de repressage ou la version numérique restera la seule disponible?

R : Ce pressage s’est résumé à cinquante exemplaires essentiellement diffusés dans l’entourage. Après avoir laissé reposer ces sessions pendant près de deux ans, on a trouvé qu’il serait peut-être bon de finaliser le témoignage enregistré de Brutalist. Pour nous-même avant tout, histoire de conjurer un sentiment d’inachevé. La version numérique reste disponible et nous ne sommes pas à l’abri de la proposition d’un label motivé pour un pressage vinyle, qui sait?

La pochette du disque est plutôt énigmatique, pouvez-vous nous en dire un mot?

R : Ha! L’origine est un peu énigmatique et surtout assez inavouable. Union légitime, mélange de fluides à concentrations variables, influence de Fenriz …ou Peter Liechti. Promenons-nous dans les bois pour faire n’importe quoi.

A : C’est totalement inavouable et en même temps très banal… à l’image de ces morceaux et de ce projet qui s’arrête abruptement…

Aujourd’hui, des festivals proposent des affiches colossales tandis que la fréquentation des petites salles baisse régulièrement et de très bons groupes jouent devant une poignée de personnes, qu’est-ce que cette situation vous inspire?

R : C’est vrai, le monde semble contaminé par une festivalite aiguë, tentation de l’événementiel et de l’éphémère «pop up» au détriment des programmations patiemment échafaudées, de saisons audacieuses visant la cohérence à long terme dans de petits lieux aux identités fortes et aux publics fidèles. L’exemple parfait à Genève est la Cave12, antre de toutes les musiques expérimentales, hors cadre, tous genres confondus. Admirable, mais au prix de combien de sacrifice financier et humain?

Je crois savoir que l’arrêt des activités du groupe est lié à des problèmes d’audition de votre batteur, Roderic. On ne va pas se mentir, ce style de musique fait mal aux oreilles et à la longue engendre des pertes d’audition sensibles – vous qui êtes dans la musique depuis longtemps, comment abordez-vous cette question?

R : Acouphènes plus que perte d’audition, résultat d’années de martelage sans protection suffisante. A méditer avant qu’il ne soit trop tard, car il existe des protections sur mesure très efficaces.

A : On ne l’aborde pas vraiment. C’est au coup par coup. Je ne connais personnes autour de moi qui n’ait pas connu des périodes d’hyperacousie, surdités temporaires ou dommages irréversibles suite à une pratique musicale intensive ou après certains concerts relativement fort, avec ou sans protection. Malheureusement on est tributaire du hasard, comme pour le reste.

Même si Brutalist a cessé ses activités, je ne peux pas m’empêcher de vous poser la question de l’avenir. Avez-vous d’autres projets en cours? Et peut-on espérer une suite vous réunissant? Un grand merci!!

R : L’avenir, l’avenir, y en a-t-il seulement un? Brutalist s’est éteint, le reste suivra. En attendant, certains ont repris des activités musicales dans des domaines très différents, avec plus ou moins d’implication, parallèlement aux impératifs et engagements de la vie.

A : Tim a rejoint Mandroïd of Krypton pour remplacer leur bassiste. Christian continue de façon ponctuelle son projet drone Ignant avec Didier (Llama / ex-Knut), quand le temps le permet. Roderic a rejoint un projet «pop indie» qui lui permet de continuer à jouer de la batterie. Pour ma part je continue mes pérégrinations sonores, surtout orientées autour de l’ordinateur. Seul et aussi en duo, dans le projet Left Bank, associant des principes et techniques de musique concrète et électroacoustique en temps réel. Un disque et une k7 à tirage limité sont prévus avant cette fin d’été, ainsi que quelques concerts ponctuels en Suisse.

Merci Rad-Yaute pour l’intérêt !

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Brutalist demo CD

On retient son souffle dès les premières secondes et on se dit que là il se passe quelque chose. Brutalist est un projet mené pendant quelques années et, il semble, une poignée de concerts par trois des membres de Knut, accompagné par Adriano Perlini (qui jouait déjà avec le guitariste Tim Robert-Charrue dans Commodor). Ce CD que le groupe présente comme une démo ne nous laisse honnêtement que nos yeux pour pleurer que le groupe ne soit plus. Il contient cinq morceaux enregistrés  entre 2016 et 2019. Instrumentaux sinueux, construits autour de longues plages répétitives, tunnels obscurs qui débouchent tout à coup dans de vastes espaces. Si Trabajo et Cobra propose un métal expérimental, répétitif, tendu à craquer, étourdissant, le reste du disque dessine les contours d’un noisecore déconstruit totalement ahurissant. Piton, le premier morceau, sonne – comment dire ? – comme la rencontre de John Coltrane et de Godflesh dans un rêve de Death grips, si une telle chose est imaginable. Base rythmique massive syncopée, allant se densifier, se déployer, s’entrelacer. Guitare bloquée dans des stridences dissonantes en contrepoint, qui part en échappée et prend tout à coup des accents de saxo free magnifique.  Instant magique est un champ de bataille désolé , ambiance de décombres infestés, cendres fumantes. Avec des guitares vrillées, rampantes qui rodent en embuscade et une basse colossale, agonisante. New light clôt le disque en renouant avec une noise extatique et libre. Cinq morceaux. Un ensemble hétéroclite. Un instantané qui documente ce que ce groupe a été et laisse deviner ce que le futur aurait pu être. A écouter absolument.

>>>>>>>>>> BRUTALIST

Tuco, « Bottomless » LP

Sorti ? Pas sorti ? En réalité, ce premier long format de Tuco est en ligne depuis novembre dernier mais la version physique qui devait suivre n’est pas encore disponible. Peu importe, le trio maousse costaud trace ici un trait d’union avec son premier EP, petit bijou de noisecore lourdingue et rutilant, sorti 8 ans auparavant. Oui, 8 ans… leur plan de carrière n’appartient qu’à eux-seuls.

Comme le suggère la pochette, Tuco aime les architectures massives, complexes, tortueuses, les murailles imprenables qui en imposent mais qui recèlent aussi des passages dissimulés, des ouvertures insoupçonnées où passe la  lumière. L’album démarre de manière fracassante avec Unfit. Titre magnifique – le meilleur peut-être – traversé de soubresauts, de convulsions, de faux-départs. Voix teigneuse, cascade de riffs plombés en ciment armé qui se diluent soudains dans des arpèges en eaux troubles. Tout au long des sept titres qui composent le disque et dont les noms – Enough, Spit, Bottomless, Part-time life – claquent de manière cinglante, le groupe fait la démonstration de sa capacité à faire jouer les riffs dans sa machinerie complexe, à les envisager sous tous les angles d’une manière quasi scientifique avec une précision qu’on pourrait dire helvétique (si on n’avait pas peur des clichés).

Serge Morratel – spécialiste en machineries lourdes et de haute précision, justement – était le partenaire en crime idéal pour concocter le son cette entreprise. Bien que, à y réfléchir, j’ai une petite préférence pour le son du EP, un poil plus lourd, avec une basse plus proéminente. De la même manière, sur la longueur, le disque fait une impression un brin monolithique et un changement d’ambiance, une cassure, aurait été bienvenu. Mais, comme Monolith est le titre d’un des morceaux, il se pourrait bien que ce soit voulu et cela reste tout de même de la belle ouvrage.

>>>>>>>>>> TUCO

« Queer in the tradition » : an interview with Gerda

Year after year and record after record, Gerda has become another name for total engagement in a dark, abrasive, deeply-felt noisy hardcore sound. So I was ever so  stocked when hearing the news they were playing Geneva last October. And this is what I did : made myself a note to go, planned my trip carefully and arrived just right at the end of their show. Bumping into the Italians near the kitchen of the squatted house, I decided to improvise an interview. My questions were short, half unclear and only partly coherent and I probably came out as a complete idiot. But the boys were cool with it. And even managed to make it an interesting moment. Read on.

You’re playing in a squatt tonight, how do you feel about that ?

Alessio (bass) : It’s very natural. It’s like being at home. This is where we come from and where we belong. The band started in a squatt similar to this in our hometown. With people doing politics, pressure groups, antifa, organizing stuff. So it makes sense to us to travel and meet this kind of places.

Can you tell us a bit about this tour and how you organize things ?

Alessio : It’s a short tour because in this part of our life we need to make it compact. It’s nine days and eight shows. We play Geneva tonight, then Paris, Nantes, Soraluze near Biarritz and then Vitoria, Gasteiz and Pau and back. We do everything by ourselves, we are a DIY band. Except wedon’t have our own label. We rely on people that have now become friends – very small DIY labels but they’ve been dealing with music since the beginning.

Alessandro (singer) : Also it allows us to get a better distribution. Some are recent, others have been around for a long time. It has become part of our game.

Alessio : Yeah, it’s like a big family.

So you are in this DIY network and obviously it works because it allows you to tour, make records, make people hear your music – what would you say works less well or you would like to see work better ?

Alessio : Everything is very efficient -except that maybe it’s a small group of people and it’s not really easy to break though and meet audiences that are not specifically connected to this or that genre. Which I think is a pity because I know that our band can meet any kind of audience. During tours, we play in random bars in front of random people and it ends up being great shows.

Alessandro : Yeah, it’s not just the music, it’s how you play it.

Please, don’t make me regret missing your show, please…

Alessio : But that’s the only thing that is not working so well. And it’s not because we or our label want it, it’s because bigger labels have marketing and work hard on people’s imagination. They take all the available space.

Roberto (guitare) : A few years ago we played a bar in France. It looked weird at first, it seemed we were kind of out of place but the night was really cool. Really good vibes.

Alessio : Buying records even though they didn’t know us…

Alessandro : Sometimes it’s even better, to be a complete outsider.

Your album « Black queer » was released recently and it’s you, Alessio, who recorded it. Can you tell us a little bit about that choice ?

Alessio : This is the first album that we did entirely on our own, besides a single song that we did on a split 7’’ (Split 7’’ with Lleroy, released on BloodySoundFucktory as part of the volumorama series. – Ed.) and that was our first experimentation with recording. There are several reasons why we decided to record it ourselves. One is that our sound engineer left and another is that it felt like the right time for us to try this. If it had been 10 or even 5 years ago, fuck, we would have reallly struggled. But I have to say we were starting to think that it was about time to try, jamming with gear and do the sound ourselves.

Roberto : When you are on your own, it’s risky but you dare to try things and you succeed.

Alessio : Yeah, you know better what you want but you know less how to get it. Our sound egineer produced something like 600 records and I produced one record. I think you can hear it’s a job made by a young producer.

To tell you the truth I thought it was produced by Steve Albini (Laughs) and I went around telling everybody there’s this Italian band, really cool, recorded by Steve Albini !… Seriously, I thought the sound was interesting, with drums quite in the foreground and the music in the back with almost a shoe-gaze/ambient feel… And also the guitar sound is quite clean, compared to the usual distorted guitars…

Alessio : Yeah, I think the guitars are very much in the focus in this album. Maybe it’s a bit more melodic maybe the songs are a little simpler. My wife says we’re getting older. (Laughs)

Roberto : Some of the songs had a different approach, starting from the guitar, whereas the previous records were more based on drums and bass.

Can you tell us a little bit about the choice to sing in Italian ?

Alessandro : Since we started it was very important for us to express very directly what we want so Italian was our first choice. More or less all of us write lyrics. It’s easier for us and we feel more confident this way. It has never really been a question among us.

Alessio : It feels very natural. Playing outside of Italy, we bring something from where you come from. And also I think it’s important that there is a tradition of Italian hardcore. It’s not like we wanted to raise a flag but… There are so many Italian bands that are influential worldwide, like Negazione, Nerorgasmo, Wretched… I believe we are part of that tradition.

What about the title of the last album ?

Alessandro : Ha ha, the title is in English !

Alessio : There is an ironic side to maybe not the music but in what surrounds it. « Your sister » (tTitle of the previous album – Ed.) is an insult and that was also ironic. Very rude way of refering to your sister So we said yeah, let’s translate it and make it Little Italy kind of insult ! Black queer is partly the same kind of idea but it’s also heavy and deep. I think we like putting funny and serious stuff.

Roberto : The whole album is dedicated to my brother, who died three years ago. He had a band, he was a brother to all of us. He had a very difficult life. He was a very powerful artist – not only a musician – and very tormented. His main problem was that he needed a lot of space to express himself so, when he couldn’t find it, it was like dying. He felt too different from other people. Sometimes he felt treated like a leper. So the meaning of Black queer for us is to never feel ashamed of your difference. Even if nobody likes it. Be yourself in the face of the others.

It’s a very personal story…

Alessio : Yeah, there are many layers…

Alessandro : On the record there is a song from his band.

Alessio : Also queer is a cool word for us to refer to our music, which doesn’t necessarily fit into categories : hardcore, noise, post punk, metal and so on. Typical metalheads might not be very happy with it. So we call it queer because it is queer music, crossing genres and expectations. Black because… it’s dark music.

And also relating to political aspects…

Alessio : Yeah, of course ! That’s also what we wanted to talk about. How certain categories of people can be perceived as dangerous or wrong or just mistreated. Black people, queer people. It’s also the social and political idea of the title.

Do you think hardcore or heavy music can be a voice for these people ?

Alessio : Ha ha ! I think it could be but there are not many queer or gay people playing harcore but it would be lovely to have more. But actually I don’t know many but there are some !

Alessandro : Of course, there are !

Alessio : But I don’t think we should talk about music genres. Music should be a way to say what you want to say. Of course DIY can be a way for queer people to express themselves.

La photo de Gerda à la Zona mutante est toujours de Olive – merci à lui.

>>>>>>>>>> GERDA

Niet, « Dangerfield » EP

Dès les premiers accords de All work and no play, le premier morceau de ce EP 5 titres, on sait exactement où on met les pieds avec ce duo qui vient du nord-est de l’Italie. Son énorme, lourdingue et baveux à souhait, voix distordue, batterie punitive et sans fioriture. Le décor est en place. Les noms d’Unsane, ou d’Hammerhead pour le côté rock millimétré, ne peuvent pas ne pas être mentionnés. Cinq morceaux qui font bloc, taillés dans la même matière noire, épaisse, coagulante. La noise collée aux tripes. Amphétamine reptile tatoué dans le coeur. Et, bon dieu, comme on les comprend. Si le son est ultra référencé, ces cousins transalpins des clermontois de Black ink stain disposent juste ce qu’il faut de décrochages auditifs (utilisation judicieuse des pédales), de chutes de tension et de changements de vitesse abrupts pour maintenir l’intérêt et donner une existence propre à chaque titre. Et, de toute façon, c’est très fort et le cerveau en position « off » que cette musique s’écoute et devient totalement jouissive. Encore, encore !

>>>>>>>>>> NIET

 

« ChAOS = OK » (Varukers, The Turin horse – 10 oct.)

Affiche plutôt européenne ce soir-là à l’Usine – comme l’a fait remarqué quelqu’un. Les lillois de Psychophore (avec un(e) membre de 20 minutes de chaos) jouaient d’abord, suivis de Coupe-gorge, un groupe punk-oï genevois très actif en ce moment. J’étais pas là pour ces deux groupes mais quiconque veut savoir ce qu’il en était peut regarder ici ou .

Arrivée tardive donc, au milieu du set des punks anglais The Varukers. Groupe historique assez proche,  idéologiquement et musicalement, de Discharge, dont il compte – ou comptait, suis pas allé vérifié – des membres. Le chanteur annonce que le groupe célèbre ses 40 ans d’activités l’an prochain. Ce qui d’ailleurs ne fait pas réagir grand monde. Est-ce que c’est du au degré d’ébriété dans le public ou au niveau moyen du punk genevois en anglais, ça j’en sais rien.

N’empêche que leur set reste bien agressif. Toutes crêtes dehors, avec paroles haineuses contre les gouvernements, le capitalisme et la guerre et accent anglais à couper au couteau, comme il se doit. Enrico, le guitariste de Turin horse qui joueront juste après, racontera que, lorsqu’il est monté sur scène à la fin du set pour féliciter le guitariste, celui-ci lui a répondu « C’est sympa, mec, mais j’en ai rien à foutre. » Ha ha.

Initialement prévus à la Makhno, à l’étage au-dessus, The Turin Horse avaient été rajoutés sur l’affiche. L’occasion de mélanger les publics, aussi bien. Le 1er EP de ce duo turinois avait fait carrément forte impression et on peut d’ailleurs lire son interview par ici.

Enrico – T-shirt de Père Ubu, petit, trapu et jovial – et Alain –  longiligne, tatoué, plus réservé – sont deux gars à priori assez différents. Mais sur scène c’est une seule et même créature enragée, écumante et tentaculaire. On reconnait The regret song et The light that failed, les deux morceaux du EP – pas de reprise d’Unsane ce soir-là . Et on découvre tout un tas de brulôts tirés des mêmes charbons ardents, qui devraient fournir la matière de l’album à venir. L’ambiance est à peine tempérée par un morceau plus calme, atmosphérique et menaçant, au mileu du set. Comme du Pink floyd acide.

C’est quand même autre chose de les voir sur scène. On se rend compte de la précision et de la force de frappe du duo. Emotionnel, chaotique et évocateur, leur noise-rock furieux transcende les genres et pourrait certainement parler à des gens de tous horizons. En tous cas, il a fait le bonheur des 15 personnes présentes, qui hurlent leur enthousiasme à chaque morceau et empêchent le groupe de quitter la scène à la fin du concert.

Ben ouais, il y a encore des gens prêts à rester éveillés jusqu’à deux heures du mat en semaine pour être témoins de ça.

>>>>>>>>>>>> THE TURIN HORSE

>>>>>>>>>>>> THE VARUKERS

>>>>>>>>>>>> DRONE TO THE BONE

« Noise punks » (It’s everyone else, Makata-O, Gerda – Zona mutante, 7 oct.)

Concert hors des radars. Dans un squatt hallucinant sur les hauteurs de Genève et devant une poignée d’allumés noctambules. Trois groupes qui passaient par là, pour qui le punk n’est pas affaire de chapelles.

Gerda viennent d’Italie. Gerda est une boule de feu, une boule dans le ventre. Une bête blessée mais pas morte. Un truc concentré, noir, explosif. Noise, hardcore, punk, post. Gerda s’en fout, n’en fait qu’à sa tête. Mais Gerda a joué en premier ET J’AI LOUPÉ GERDA.

Merde, merde, mierda.

C’était quand même une bonne occasion de rencontrer ces frères d’armes des Norvégiens enragés de Moe – avec qui ils ont partagé un split. Très sympathiques, ils essaient même de me remonter le moral en me racontant le jour ils ont fait six heures de voiture pour arriver à la fin du concert du groupe de grind qu’ils étaient venus voir.

Pour se venger, on improvise une petite interview avec les Italiens. Puis on se rattrape (un peu) avec la bonne bouffe vegan préparée pour l’occasion et les allemands de Makata-O. Basse batterie gras, sale et rampant. On dit sludge dans les milieux autorisés.  Et It’s everyone else, duo slovène aux sonorités synthétiques tonitruantes – avec quelques passages plus aériens où la voix de la chanteuse dessine des mélodies douloureuses –  et qui aurait pu accrocher  autant les fans d’Atari teenage riot que ceux de techno hardcore.

La chouette photo de Gerda est de Olive du fanzine Debout les braves ! Merci à lui !

>>>>>>>>>>GERDA

>>>>>>>>>> IT’S EVERYONE ELSE

>>>>>>>>>>MAKATA-O

>>>>>>>>>> DIY ANTI-SOCIAL CLUB

 

 

 

 

 

« Football : 0 / Hardcore punk survolté : 10 000 » (Tuco, Joliette – La makhno, 27 juin)

Peu de monde ce soir-là à l’étage de l’Usine. A vrai dire, il y a à peine plus que notre groupe de copains lorsque Tuco plaque ses premiers accords.

Plaisir de retrouver leur noisecore massif et tourmenté. Ces longs morceaux pleins de bifurcations soudaines, de répits trompeurs, où suinte la tension malsaine.

Fidèles à eux-mêmes, leur performance est un rouleau-compresseur. On reconnaît quelques vieux titres de leur premier EP, comme le phénoménal Numb et son accélération qui te colle au mur du fond. Le premier album des Suisses devrait sortir ces jours-ci, en format numérique, en attendant un disque à l’automne.

Les mexicains de Joliette, eux, étaient une découverte pour pas mal de monde. En vérité, il y a pas vraiment besoin de beaucoup plus que deux minutes pour comprendre que ce groupe a quelque chose de très spécial.

   Putain de réacteur nucléaire où se fracassent sans discontinuer des atomes de hardcore hurlé, de noise surpuissante. Bouts de mélodies qui traînent en lambeaux dans le chaos et te prennent à la gorge. Breaks constamment sur le fil de la lame.

Le pire c’est que les jeunes Mexicains sont très cools sur scène, avenants et sympathiques. Derrière les fûts, le batteur prend le temps de remonter ses lunettes sur son nez d’un air flegmatique entre deux rythmiques hallucinantes de puissance et de groove. Machine !

Le public s’est massé devant la petite scène. Scotché. Chaque nouvel assaut sonore est accueilli avec ferveur. On en loupe plus une seconde.

C’était fou, ce concert ultime à prix libre devant une poignée de guignols. Au moment où tous les yeux, les oreilles et les porte-monnaies sont tournés vers la folie estivale du Hellfest et son hardcore à grand spectacle.

Nous, on a pas vu le match et on ira pas au Hellfest. Mais, ce soir-là – même si c’est évidemment con de le formuler comme ça – on nous empêchera pas de penser qu’on a vu le meilleur groupe de hardcore du monde, hé !

>>>>>>>>>> TUCO

>>>>>>>>>> JOLIETTE