Noiss, « Deafening » EP

C’était cool, le grunge, les chemises à carreaux, tout ça… et il y avait même de sacrés bons groupes dans le lot. Mais je dois dire que ce n’est pas le mouvement musical qui a le plus retenu mon attention et, lorsqu’un groupe se réclame haut et fort de ce courant, j’y vais avec une curiosité assez prudente. Après un premier ep sympathique, Noiss reviennent aux affaires avec cette deuxième galette enregistrée au Purple Sheep Studio et qui commence à se rapprocher sérieusement, on imagine, de l’idéal de sueur et de gros riffs des Chambériens. Tout y est, la scène est presque parfaite. Le son, la voix rocailleuse, on les voit, on les entend, on les sent sur scène. Nul doute que que Noiss est un groupe sincère qui en veut et qui croit à sa ligne musicale et c’est une des qualités de ces morceaux de ne pas trop en faire pour laisser parler ses idées, comme sur l’instrumental tout simple « Enjoy this day », ou mettre en valeur les lignes vocales éraillées. Même si ces cinq morceaux s’appuient largement sur des recettes qui ont maintes et maintes fois fait leurs preuves, leur force de conviction emporte tout de même l’adhésion et doivent certainement faire leur effet en live. Seulement, seulement, on adorerait que ce groupe, tout en gardant les racines qui font son identité musicale, nous emmene ailleurs, dans un endroit qu’on ne connaisse pas déjà.

>>>>>>>>>> NOISS

Yoke, « Posture » EP

Après « Immorale émotion », le terroriste sonore chambérien Yoke revient avec 4 nouveaux morceaux, cette fois publiés sous l’égide d’un label, Larmes – mais uniquement en format numérique semble-t-il – et donne une suite à ses plongées sonores, ses chutes dans un espace sombre, magnétique et sans fond. Environnement sonore sculpté – au grain plus fin peut-être que sur l’enregistrement précédent. Motifs qui s’entrechoquent, échos d’une scène inidentifiable, bloqués sur une répétition cauchemardesque. Inquiétantes mécaniques sourdes qui travaillent en profondeur. Entre précision maniaque et délitement des repères auditifs, les narrations sonores de Yoke déroulent leurs paysages angoissants, hors-contrôles, poursuivent leur lancinant travail de sape.

>>>>>>>>>> YOKE

>>>>>>>>>> LARMES

Yoke, « Immorale Emotion » EP

 

Yoke est un tout jeune projet solo basé à Chambéry et ce EP 4 titres est son faire-part de naissance. Yoke pratique le drone – vous savez, cette musique qui existait déjà au moyen-âge, fondée sur une note tenue que d’autres viennent enrichir. Sauf qu’ici ce n’est pas de musique grégorienne dont il est question mais plutôt une version moderne, industrielle et stridente. Des paysages mornes, uniformes, désolés, présence humaine incertaine, qui mutent lentement, se métamorphosent au contact de débris sonores qui s’entrechoquent.  Sur une seule des quatre pièces apparaîtra une rythmique battante. Indus massif en boucle, jet continu au coeur du réacteur. Méditative et angoissante, la musique de Yoke convoque immanquablement des références cinématographiques – David Lynch tapi dans l’ombre, Tetsuo, l’ovni cyberpunk japonais de la fin des années 80. Un film sans images. Du cinéma noise pour tes oreilles, en quelque sorte.

 

>>>>>>>>>> YOKE

 

Mon disquaire est mort

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C’est le nom d’un service de distribution géré par les gens de l’asso chambérienne Minimal chords. Avec la particularité de s’intéresser particulièrement à la scène locale. On peut donc y trouver les disques de, au hasard, Noiss, Spant’X, Nevraska, Nerv, Fuck da tourist, Blind torture kill, Crankcase. Mais aussi plein d’autres, sans réelle limitation de style. Il y a même une sélection de livres, plutôt axés sur le punk-rock.

Une distro à l’ancienne, donc, avec un esprit d’auto-organisation qu’il vaut la peine de soutenir !

>>>>>>>>>> MON DISQUAIRE EST MORT

>>>>>>>>>> MINIMAL CHORDS

« Alerte Noiss »

Alerte noise en provenance de Chambéry – stop – NOISS, tout nouveau groupe ayant publié deux titres clippés, « Nouvel orient » et « Neuroïne » – stop – Plutôt mélodique, dans le sens trainant et grungy du terme – stop – répétitions entêtées et de brusques sautes d’humeur qui  maintiennent la pression – stop – Enregistrés au K7, nouveau studio près du Brin d’Zinc, comme Korto – stop – on a hâte d’en entendre davantage – stop – Et surtout d’en voir plus – stop – Ouais, je sais c’est nul de faire semblant de faire du télégraphe – stop – Qui sait  encore de ce qu’était le télégraphe, d’ailleurs ? – stop – Mais bon, ça m’a fait rire. – stop –

STOP

>>>>>>>>>> NOISS

John & Salomé

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En voilà des copains. En plus d’organiser des concerts sur le bassin chambérien, John & Salomé se prennent en main et font ce que toute asso devrait faire, c’est-à-dire un site internet/fanzine qui documente et prolonge les concerts.

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Le site étant tout récent, on y trouve pour l’instant surtout des reports sur les soirées organisées par ces « Fournisseurs de bruit associatif » – dont l’un avait d’ailleurs été chroniqué dans ses pages. Concerts globalement « à tendance psychédélique ». Qu’ils disent. Mais comme leur définition du psychédélisme est plutôt oecuménique et qu’elle accueille aussi bien L’Effondras que les jeunes italiens de Flying disk, je crois bien que cette tendance pourrait faire pas mal de convertis.

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Flying disk sont d’ailleurs le premier groupe interviewé dans leurs pages. L’interview  apporte une touche personnelle et chaleureuse au site et permet de découvrir le groupe, ou d’approfondir la découverte. Voire de découvrir et de profiter de l’évènement même si on était pas là. Bref une démarche un peu plus collective et participative que la stricte fréquentation individuelle de concerts. Un pas vers la constrution d’une « scène », en quelque sorte.

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Sans compter que les chroniques sont écrites dans un français imagé et coloré,   mélange d’érudition et de blagues à deux balles qui fait tout le charme de l’écriture rock’n roll. C’est divertissant et instructif. Il faut aller y faire un tour !

>>>>>>>>>>> ET C’EST ICI !

 

« Poême de bruit » (Korto, L’Effondras – Brin d’Zinc, 31 mars)

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Retour au Brin d’Zinc pour un concert organisé par John et Salomé*, une toute nouvelle asso (dans laquelle on retrouve des membres du groupe Don Glow) dédiée aux musiques psychés sous toutes leurs formes.

Korto ne sont pas inconnus au bataillon, c’est un groupe qui tourne très régulièrement et a justement sorti un 7″ avec les susnommés Don Glow.

Paire basse-batterie ronflante, véloce, qui fait un boulot terrible tandis que la guitare vient y poser ses motifs planants ou stridents. Le psyché-rock de Korto, c’est une pincée de froideur kraut hallucinée, un peu d’huile stoner pour le moteur, sans oublier un brin de pop dans la voix éthérée qui surfe sur l’ensemble avec nonchalance, et rappelle certains groupes noisy-pop anglais des années 90.

Vous assemblez tout ça, vous y mettez (note la touche stylistique locale) un coup de clé à molette bien serré et vous avez un joli bolide rétro-futuriste prêt à vous emmener vers les étoiles.

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De L’Effondras, on ne connaissait que peu de choses. Une réputation de groupe à part, quelques chroniques et l’écoute d’un disque, impressionnant, où tout semble pensé, travaillé, mûri. La hâte d’aller à la rencontre physique de leur musique le disputait à la curiosité à l’approche de leur concert au Brin de zinc, sur la route d’une tournée pour la sortie de leur deuxième album, « Les Flavescences ».

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Dès les premiers accords, l’atmosphère est tendue, habitée. Le trio est arc-bouté sur ses instruments, respire la concentration. On les sent déterminés à donner quelque chose de fort, au service de leur musique à la fois grandiose et épurée. Notes esseulées, esquisse de mélodie, sans cesse reprise, sans cesse amplifiée et ornée.

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La présence de l’Effondras pouvait étonner dans une soirée dont la couleur annoncée était plutôt la musique psychédélique. A priori, avec L’Effondras, on est à mille lieux de la musique psyché. Loin des déluges de fuzz, des ritournelles garage estampillée sixties ou des solos tonitruants à la wah-wah. L’Effondras, c’est tout le contraire : le dépouillement, la sobriété, tant au niveau du son que des mélodies. C’est l’anti-psyché. Ou alors : psychédélique dans un tout autre sens, un sens austère et beau. Moins porté sur les paradis artificiels et plus sur une contemplation violente, sur l’obscurité et le mystère.

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En fait, ces types donnent l’impression de jouer du rock avec une rigueur d’instrumentistes classiques et leur musique elle-même explose les cadres du rock. Elle en garde pourtant toute la violence – des références comme Sonic Youth ou les pointures du post-rock sont régulièrement évoquées – mais les atmosphères puissamment émotionnelles qu’elle convoque sont d’une intensité, d’une ferveur qu’on ne trouve pas dans le rock, ou presque pas. C’est au-delà. C’est à la fois plus sombre et plus lumineux. Il y a quelque chose d’intemporel, de vif, de sensible et de troublant.

Une belle rencontre.

*Pourquoi « John et Salomé« , me direz-vous ? Parce que Les Nuls. Et je ne sais pas si l’idée de passer le sketch en version audio au début du concert – un dialogue de faux film porno, pour ceux qui ne connaissent pas – sera reconduite à chaque fois, mais c’est une idée des plus conviviales.

PS Toutes les photos sont de Lionel Fraix. Merci à lui. Pour une raison tout à fait indépendante de ma volonté il n’y a que des photos de L’Effondras. C’est pas fait exprès.

L’Effondras

Korto

John & Salomé

« Circuit court et haute tension » (Don Aman, L’Orchidée cosmique, Nevraska – Brin d’zinc, 25 nov.)

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Les concerts de groupes locaux ont un goût particulier, quelque chose en plus. Voir des gens jouer qu’on pourrait croiser au coin de la rue, dans un concert, qu’on peut suivre, contacter. C’était donc une affiche bien affriolante, que nous avait concoctée Flo Cosmique et l’asso Minimal chords vendredi soir au Brin d’Zinc, avec trois groupes novateurs, chacun défrichant un territoire propre.

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Placides, Don Aman ne craignent pas d’arriver quelques minutes avant de monter sur scène. Ils distillent une musique à la fois sensible et bruyante, portée par une voix très chantée assez belle et qui pourrait aisément trouver sa place dans une formation plus pop ou folk. Mais là, on pense plutôt à la dernière période de Fugazi ou à un groupe comme Yo la tengo, pour le côté touche-à-tout de leur musique qui visite pas mal d’atmosphères différentes.

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On ne peut pas dire que le public chambérien soit extrêmement réactif durant ce set mais c’était une belle découverte que ce jeune groupe de Dijon, qui a déjà un LP à son actif et qui commençait ce jour-là une mini-tournée de trois jours avec L’Orchidée cosmique.

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L’Orchidée, justement, le local de l’étape. Peut-être dopé par le fait de jouer à domicile – et de bénéficier d’un son bien gras, ce qui ne gâche rien -, le « One-man space fuzz band » a pris du corps et gagné en fluidité et en présence sur scène. Ses petites mélodies loopées semblaient danser en apesanteur tandis que les gros accords zébraient l’espace à grands coups de fuzz comme jamais. L’Orchidée cosmique, c’est un peu un post-rock qui ne cracherait pas sur le riff métal.

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Auteur d’un album rien moins que magnifique, Nevraska jouaient pour la première fois dans la région depuis sa sortie en septembre dernier. Peut-être était-ce le son plus agressif ce soir-là, mais le set du duo m’a paru particulièrement furieux. Ca claque, ça explose, ça tourbillonne. C’est merveilleusement dense, précis, rugueux. Je les ai vus un paquet de fois maintenant et la magie ne m’a toujours pas quitté. Ce groupe résume à sa manière vingt années et quelques d’évolution du rock/punk/hardcore et je ne peux tout simple pas croire qu’une personne qui est ou a été passionnée par cette musique puisse y être insensible. Juste : ruez-vous dessus. Quelle que soit votre chapelle, ruez-vous dessus.

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On aura même droit à un nouveau titre. Un aperçu du Nevraska post-Grave Romance. Plus épuré, laissant une place plus grande au silence, à la respiration, avant tout de même une montée en tension bloquée dans le rouge dont le duo a le secret.

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Une soirée comme on en voit trop peu souvent, donc, faisant la démonstration que la scène locale n’a besoin de personne pour procurer des frissons. Et dans un lieu idéal pour ce genre de concert qui plus est, n’hésitant pas à prendre des risques en programmant des groupes peu connus. On pourra par exemple y voir les noise-rockers titubants (et canadiens) de Alpha stategy, le 7 décembre.

Comme a dit un copain : « J’ai découvert un univers »…

Merci Elsa pour les photos !