« Miel de boue » (Mudhoney, White Hills – L’Usine, 20 mai)

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Une petite tranche de punk-rock, quand même, Mudhoney. Seattle, Green river, Sub Pop, le grunge, Nirvana, tout ça… Et, à la différence d’un bon paquet de groupes de années 90, eux n’ont jamais arrété de jouer. Le prix d’entrée faisait un peu mal au porte-monnaie (et mérite bien qu’on enlève le mot « punk » de la première phrase) mais c’est quand même bien classe de voir un groupe comme ça dans une salle relativement petite comme le rez de l’Usine. Et c’était même pas plein… Putain, mais si les gens savaient…

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Le set commence plutôt doucement. Quelques morceaux s’enchainent, dont le très sympathique « I like it small ». Le chant fait beaucoup dans la personnalité de ce groupe et c’est bon de voir Mark Arm (le chanteur) s’arracher pour aller trouver ces mélodies nasillardes et distordues. On sent le groupe concentré. un petit sourire en coin de temps en temps, mais c’est pas encore l’éclate…

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Avant (il y a un paquet d’années), j’aimais pas les groupes comme Mudhoney. Je trouvais leur musique mollassonne et narcissique (bon, c’est sûr qu’à côté d’Extreme noise terror…). Je me rappelle même du chanteur d’un groupe qui théorisait ça en disant que pour se battre, avoir et donner de l’énergie, c’était pas ce genre de musique qu’il fallait… Mais maintenant, j’apprécie leur capacité d’auto-dérision et leur authenticité et « I like it small » est un super morceau qui résume bien leur état d’esprit…

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Puis, Mark Arm lâche sa guitare et le set prend une autre ampleur. L’énergie vient. Il tient la scène comme un Jello, incarne ses morceaux, se démène comme un iguane. Le groupe joue des morceaux bien connus (« Touch me I’m sick », « Sweet young thing ain’t sweet no more »…), la salle devient un peu plus sauvage (y’a de tout, « vieux », « jeunes »…) et ça ressemble enfin à un vrai concert de p***-rock. Y’aura en plus un long rappel, avec une grande partie basse/batterie bien chouette.

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Avant, y’avait White Hills, un trio de rock psychédélique qui étaient très bon dans leur style. Ou pas. Me sens pas qualifié pour en parler !

Don t you swear the little things
I like to try to sweep them in
I keep em tucked, in my fist
What they might be, you can only guess
And when I show my hand
You will finally understand
That I’ve got big enough balls
To admit I like it small

Mudhoney, « I like it small »

Anne-James Chaton/Andy Moor, Massicot – Cave12, 8 mai

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Vernissage de sortie d’album pour le groupe genévois Massicot, avec, comme première partie de choix, le duo Andy Moor (guitare / The Ex)/Anne-James Chaton.

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Anne-James Chaton à la voix, Andy Moor aux brosses

Enfin duo… la bande-son et les images fixes projetées jouent un grand rôle dans la performance de ce duo-là. Les textes/poêmes d’Anne-James Chaton sont minimalistes, factuels, des relevés, des listes. On navigue entre l’anecdotique, l’information pure et le vertige créé par l’accumulation. Ils fonctionnent souvent à la façon d’énigmes, comme celui sur la mort de Diana ou celui, très poétique, où l’on comprend plus ou moins qu’il est pornographique (dumoins c’est ce que j’ai cru comprendre… )

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Dis d’une voix profonde et imperturbable (que j’ai trouvée impressionnante de maîtrise), il y a quelque chose d’objectif, de froid et en même temps qui amène vers une tension sourde. Comme si ces chiffres, ces faits, ces infos qui sont une grande partie de notre quotidien étaient un écran où parfois on distingue le drame et l’humain. Les références à la religion et au sacré sont d’ailleurs très présentes…

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Andy Moor comme vous ne l’avais jamais vu !

La guitare d’Andy compose un décor sonore, ou passe par dessus et viens parasiter la voix, ou raconte des histoires dans son coin. Les projections ancrent dans le contexte. L’ensemble à un peu un côté Godspeed you black emperor! (Les lignes de guitares ont d’ailleurs un petit goût post-rock, enfin quand même façon The Ex, hein).

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Massicot

Cave12 est remplie lorsque les Massicot montent sur scène. Leur set était bien trépidant, emmené par une basse-jouet qui donne une tonalité de traviole à leur musique répétitive et malicieuse. Mais j’avoue que j’étais plutôt fatigué et je n’ai pas profité plus que ça du concert. C’était la fête, en tous cas.

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J’aime bien l’anecdote où Steve Albini, quand on lui demandait quel était le style de musique que jouait son groupe (je me rappelle plus lequel mais c’était forcément un groupe plus ou moins fondateur du noise-rock) répond : «  du punk-rock ».

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Un groupe de noise-rock, c’est un groupe de punk-rock qui pense qu’il y a trop d’easy-listening dans la vie,

un groupe de grind, c’est un groupe de punk-rock qui aime bien quand tout est dit en moins d’une minute,

Un groupe de hardcore, c’est un groupe de punk-rock qui fait du sport,

Un groupe d’anarcho-punk, c’est un groupe de punk-rock qui vit en communauté et qui fait un potager dans le sud de l’Angleterre ,

Un groupe de math-rock, c’est un groupe de punk-rock qui trouve que c’est un peu plus compliqué que ça, ou que ça devrait l’être,

un groupe de crust, c’est un groupe de punk-rock qui aime ce qui est classique et dans les règles de l’art selon saint Discharge,

Un groupe de doom, c’est un groupe de punk-rock du nord,

Un groupe d’émocore, c’est un vrai groupe de punk-rock,

Un groupe de stoner, c’est un groupe… Ah non, c’est pas un groupe de punk-rock.

Faut pas déconner, non plus.

Interview : NEVRASKA

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J’avais envie d’inclure quelques interviews sur ce blog, et j’avais bien aimé le concert de Nevraska à l’Alterlocal. J’ai appris qu’ils étaient d’ici, que le groupe en était à ses débuts… Bref, l’idée de les interviewer est venue assez naturellement.

Ca s’est fait un peu avant leur concert avec Shizune à la Machine utile, le 1er mai.

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Pouvez-vous nous parler de ce que vous avez fait avant Nevraska ?

Pascal : Moi, le groupe qui a été le plus marquant, ça a été Human side. Ce groupe a duré 10 ans, on faisait une espèce de trash technique et puis on a évolué vers quelque chose de plus mélodique, screamo, tout ça. En 10 ans, le groupe avait évolué et c’était cool parce qu’on était arrivé à une symbiose pas mal. J’ai aussi fait pas mal d’autres groupes dans des styles éclectiques : de la musique grecque des années 30, de la funk, du flamenco à deux guitares – je dis flamenco mais je devrais pas, c’était à trop petit niveau…

Cyril : Comme Pascal, j’ai eu un groupe métal/emo/hardcore qui s’appelait Inner suffering. Après je me suis orienté plus dans le rock, le stoner, puis garage. Et comme d’hab, y’a tout qui foire donc j’ai un peu abandonné la musique à une époque et puis Pascal m’a relancé et je me suis dit pourquoi pas ? Et c’est ce que j’ai fait de mieux, je crois…

Qu’est-ce que vous avez fait jusqu’à maintenant avec Nevraska ?

Pascal : On a choisi d’enregistrer deux titres, chez Moratel, en Suisse, parce que c’est un mec qui correspondait vraiment au son qu’on veut. Deux titres en une journée. On l’a fait un peu suer mais bon… c’est cher ! Enfin, c’est pas vraiment deux morceaux. Liru, c’est plus une intro. On l’a tourné en dix minutes et on s’est concentré sur l’autre morceau. C’était un choix de mettre des ronds pour avoir tout de suite quelque chose de qualité, d’ailleurs c’est pour ça qu’on a fait le site, aussi. On voulait que tout soit beau tout de suite, que ça nous fasse plaisir à nous aussi.

On a fait une dizaine de concerts jusqu’à présent. Le premier a été le festival Ecole-en-Bauges en septembre dernier.

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Aviez-vous joué dans un duo basse-batterie avant ? Est-ce qu’il y a des formations similaires qui vous ont influencés ?

Pascal : Non, jamais, et ce n’était pas le but. C’est juste qu’il manque vraiment de gens sur Annecy et que c’est très dur de trouver des gens avec qui on a le feeling musical et humain. A force, on s’est dit tant pis, on part à deux. Après des groupes comme Sabot, moi j’adore mais c’était pas du tout une source d’inspiration. On voulait un chant, un synthé, une guitare… C’était vraiment pas le but de faire basse/batterie, à la base.

Cyril : On pourrait rajouter une guitare mais finalement à deux, ça se passe très bien. On se comprend vite, on compose vite. Donc, on va tout faire à deux jusqu’à l’album et si on prend un guitariste, ce sera pour un autre projet… Pour moi, c’était pas une source d’inspiration non plus et en plus les duos, ça fait un peu concept et moi, je suis pas très concept.

Pascal : Les duos, ça peut vite tomber dans la musique expérimentale ou un peu folle et nous, c’est pas le but, on veut juste faire des ziks cools qu’on aime bien !

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Est-ce que vous avez l’impression de faire partie d’une scène à Annecy ?

Pascal : On ne peut que faire partie d’une scène puisque ça fait 15 ou 20 ans qu’on est dans ce réseau à Annecy. Ceci dit, comme on est plus vieux, les jeunes qui arrivent ne nous connaissent pas forcément. Après, la scène annecienne, ça se compte quand même très vite… mais il y a quand même une scène punk/garage qui est très présente…. Mais tout ce qui est hardcore/noise/math/post, la scène est très réduite…

Et selon toi, qui fait bouger cette scène ?

Pascal : Ben, selon moi, tu en as ici le meilleur exemple. L’Underground family, notamment Loaf, ça fait 20 ou 25 ans qu’il fait ça. C’est le seul et unique sur Annecy. Il a sorti des compiles, il a organisé des concerts de partout. Y’a eu le Tilleul qui organisait des trucs. L’Alterlocal, c’est pas trop au niveau musical… D’ailleurs, Loaf nous a toujours supportés et donc c’est un juste retour de parler de lui. C’est le seul et unique ! Bon, y’a aussi les Baujus qui organisent de belles choses dans les Bauges et font aussi partie de l’organisation de l’Underground family…

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Au niveau médias, est-ce qu’il y a des trucs que tu regardes, que ce soit sur internet ou sur papier?

Pascal : Y’a Mowno. Moi, j’aime beaucoup la musique math-rock et ils en parlent à mort donc c’est cool. Sinon, tous les webzines, Fennec, Perte et fracas…

Comment vous vous placez par rapport à l’utilisation d’internet ?

Pascal : On n’est pas forcément au top, mais on essaye de faire au mieux. C’est clair qu’on pourrait avoir un Instagram, on n’a pas, mais c’est du temps aussi ! Faut qu’on développe tout ça, mais c’est déjà pas mal. Y’a pas mal de plans qui tombent grâce à ça. Mais on a voulu que tout soit beau, le son, le site, même le facebook. Moi je suis dans le milieu, donc ça m’éclate de faire ça.

Tu vois donc ça de manière très positive, parce que moi j’ai l’impression que, avec Internet, les groupes se consacrent beaucoup à faire de l’auto-promotion…

Pascal : Ouais, mais c’est bien ! Sinon, c’est très dur d’avoir quelqu’un qui t’épaule. C’est une peu le chat qui se mort la queue : si tu fais pas assez de concerts, tu n’auras personne pour s’occuper de toi, si tu n’as personne, tu ne feras pas assez de concerts… Alors que là, le réseau, ça réagit tout de suite. Par exemple, y’a Noise’R Us à Bayonne qui nous ont mis morceau de la semaine, je ne sais pas comment ils ont su… A l’époque, on n’arrivait pas à avoir accès à ça.

Oui, c’est vrai. Je pensais plutôt au fait que beaucoup focalisent sur les « Likes » et sont un peu dans une démarche d’auto-promotion constante…

Pascal : Nous, on veut que ce soit beau et cool mais tout en gardant une intégrité. On est des vieux punks, des vieux punks modernes !

Justement ma question suivante était : qu’est-ce que ça signifie, pour vous, le punk ?

Pascal : La musique, je m’en branle à la limite, ce qui m’intéresse, c’est l’état d’esprit. Ne pas se vendre, l’intégrité.

Est-ce qu’il y a des gens qui t’ont particulièrement marqué et qui t’ont amené à faire cette musique ?

Pascal : Ben… les potes, déjà, c’est eux qui m’ont hyper motivé, qui m’ont donné l’envie. Après… des groupes, il y en a eu des millions… et ça continue… Mais pas de mentors en particulier, juste l’énergie, l’envie et de voir ce que les gens faisaient avec .

Et voilà! Fin de l’interview, il est temps de monter sur scène. On ne rigole pas avec le timing à la Machine utile ! Dommage, j’allais juste aborder les questions politiques hard… 😉 Merci beaucoup aux deux Nevraska !

http://www.nevraska.com/

https://nevraska.bandcamp.com/

« Destination : qualité » (Nevraska, Shizune – La machine utile, 1er mai)

Machine utile art

Moi je dis : concert punk, photo punk.

Première fois pour moi dans ce lieu de la culture underground annecienne. L’accueil est bien sympa, par des sculptures post-industrielles d’abord, puis par des humains ensuite.

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Nevraska pied au plancher

La salle n’est pas très grande mais il y a une petite foule humaine bien dense qui s’y serre lorsque Nevraska commence son set. Petite intro lancinante qui fait chauffer les lampes de l’ampli puis le duo basse / batterie lance le moteur et on ne ralentira pas trop par la suite. Nevraska, ça file droit, ça négocie les virages serré et sans temps mort. Faut suivre. Faut rester concentré. Pas trop se laisser attendrir par le paysage parce qu’on risquerait d’avoir de mauvaises surprises. Le duo, c’est une formule light qui peut paraître austère, mais il y a comme une évidence dans la musique de ce groupe,. Peut-être ces mélodies qui parcourent les morceaux, peut-être le dialogue basse/batterie qui fonctionne particulièrement bien. Je ne sais pas…

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Shizune

« And now for something completely different… » Le punk-rock a plein de visages différents et c’est ça qui est bien. Shizune est un groupe d’emocore qui vient d’Italie. Leur émo est classique – c’est-à-dire que c’est un savant (hmm…) mélange de mélodies et de chaos, d’alternances de passages hurlés ultra-intenses et d’autres posés, presque méditatifs. On peut aimer ou mépriser cette musique – surtout quand on la connait à travers des caricatures ou des versions affadies  – , mais pour moi elle exprime / a exprimé quelque chose qu’aucune autre musique n’exprime. L’émo, c’est le punk sans l’idéologie, la révolution sans la violence, la radicalité ET la sensibilité. Bref, bref, j’ai trouvé que les italiens le faisaient bien, ils ont balancé leur sauce sans trop en faire non plus (comme je disais plus haut, avec l’émo, on tombe assez facilement dans le cliché).

Shizune

Les petites discussions post-concert ont confirmé cette impression : des gens ouverts, abordables et passionnés.

Comme tout le monde rencontré ce soir-là, d’ailleurs !

PS Le titre de cette chronique est emprunté à Pneu. Chouette groupe, Pneu, non?

« Bonheurs bruyants » (Hyperculte + Francky goes to Point-à-Pitre – Usine, 28 avril)

Lorsque je passe la douane cette nuit-là, le panneau lumineux se détache sur le ciel de traîne, pourpre, délavé, et semble crier « Change! Change! », comme pour ingurgiter toujours plus goulûment les devises du visiteur. Au même moment, dans l’autoradio du kangoo, Fugazi me crie « IF YOU DON’T LIKE WHAT YOU SEE, THE WORD IS…

… CHANGE »*

Ouais, bon…

Venons-en au concert de ce soir, placé, disons, sous le signe d’une certaine approche du groove tropical.

Hyperculte

Hyperculte est un duo batterie / contrebasse qui fait une drôle d’impression. Tandis que la batterie envoie le beat simple, linéaire et groovant (ben, ça m’a fait un peu penser à de l’électro), la contrebasse se charge de brouiller les cartes, avec des mélodies sur le fil ou en empilant des séquences plus bruitistes. Ca donne quelque chose d’à la fois dansant et inconfortable. J’avoue que j’ai apprécié quand les voix venaient donner un peu de corps à cette musique.

Ensuite est venu Francky goes to Point-à-Pitre, qui a vraiment des palmiers gonflables, des chemises et des colliers de fleurs hawaiiens, c’est pas juste de la pub. Certains disent qu’il y a du math-rock là-dedans. Peut-être, et c’est vrai que ces guitaristes sont de vrais héros mais moi, j’ai trouvé que c’était speedé, noisifié, mais qu’au final ça zoukait quand même ferme. Moussaillons.

Francky

PS Et pourquoi je m’embête à écrire des trucs, puisque vous pouvez apprécier le concert directement dans votre canapé ? Non, mais ne vous faîtes pas d’illusions, ça n’a rien à voir avec se prendre le son directement dans les oreilles au concert, hé hé.

* Fugazi, Demo (Dischord records, 2014). Chouette disque, non?